J’ai carrément acheté 20 kgs du bouquin sorti à l’Harmattan que je signe avec Hervée, avec une préface de Jean Pierre Marcos (Amiens) et
un avant -propos d’une sociologue coréenne qui explique bien un des malentendus de la langue française puisque le mot théâtre en français désigne à la fois le lieu où l’on fait du théâtre et l’exercice du théâtre .
donc et si t’en fais hors -théatre ce n’est plus considéré comme du théâtre, tu me suis?
Voilà pourquoi le théâtre de rue est carrément au plus bas de toutes les nomenclatures théâtrales, haï, méprisé, honni, considéré comme
du bas-art, de la démagogie en boîte pour chiens, de l’Hanounisme, de l’animation commerciale, mais de l’Art ça jamais.
C’est pour cela qu’un beau jour dans une réunion quelqu’un a fait une proposition (sans doute Michel Crespin ), ne nous appelons plus théâtre
de rue, mais Arts de la Rue. Arts de la rue, c’est plus distingué.
Mais même avec ce nom -là, nous restons les soutiers de l’art théâtral. Tout en haut de la hiérarchie, on a l’Opéra de Paris avec 257
000 € par jour de subvention.
C’est pour cela que je dis à Charlotte dans le livre : ne suis pas mes conseils, ne va surtout pas dans le rue, avec les loosers, les tatoués,
les nez percés, les jeans déchirés, les suceurs de joints.
Ne suis pas la voie que nous avons suivie, celle des parias du théâtre.
J’écris dans la chambre 302 du skippy hôtel, à St Pierre des Corps. Tu sors sur la gauche, tu traverses en plein vent le pont au dessus
de la voie ferrée qui fait carrément plus d’un kilomètre, les voitures qui roulent à 100Km/h font tomber mon chapeau, tu arrives dans la zone industrielle, et là au numéro 20 de la rue des grands mortiers, c’est le magnifique oasis de la Cie Off, rénové par
Patrick Bouchain.
Comme le patron du lieu, un certain Philippe Freslon, est un fou exalté, insolent, mégalo, rêveur invétéré, son Point Haut n’a droit à
rien, aucun label style Cnar, il est même déconventionné par sa DRAC parce que trop gros, trop trop.
Ce Freslon, on peut en dire tout le mal que l’on veut, n’empêche que c’est un “ oseur”.
Oui il n’a pas peur, il ose des spectacles monumentaux, énorme, pour des milliers de personnes. Il fait prendre l’air à l’Opéra, il est
baroque en diable, excessif, poète urbain illimité, inventeur d’images grandioses.
Et voilà, il réunit pour les 30 ans de sa compagnie débordante de vitalité, tous ceux qui font partie de ce mouvement de la rue. Au menu:
le monumental.
Le débat est animé par Floriane Gaber, celle qui connait tout de la saga de la rue.
Le premier tour de table consiste à une présentation personnelle, d’où l’on vient et comment on en arrive à la rue.
On ne fait jamais cet exercice oh combien instructif.
On assiste à un festival des compétences diverses et multiples
Chef de chantier, horloger, ingénieur, auto- didacte, architecte, danseur , plasticien, mîme etc.
On parle à tour de rôle, seul oublié, Hugues Hollenstein de la cie Escale.
Parfois je me dis que ce mouvement des Arts de la rue, restera dans l’histoire du théâtre comme les dadaïstes ou les surréalistes. Philippe
Freslon ne cesse de qualifier cette réunion d’historique.
On projette des films.
Tu veux savoir qui était là… J’en oublierai certainement, nous étions une trentaine .
Titanick, Generik, Transsexpress, Pudding, Polau, Lezards-Le Menestrel, Osmosis, Française de comptage, la Machine, Silenzio, Unité. le
Parapluie , Lieux publics, deuxième groupe d’intervention, Lucile Rimbert, la fédé centre etc.
Beaucoup de passion dans les débats, on retrouve les grandes heures des rencontres d’il y a 20 ans. Nous ne nous sommes toujours pas assagis.
Le monumental c’est quoi ?
Le Menestrel tout seul grimpant avec des aimants sur le poteau d’une éolienne de cent mètres , ou s’accrochant à une rosace de cathédrale,
ça l’est ?
Long Ma, le dragon de la Machine en Chine devant 1 million de personnes ?
Des étudiants des beaux-arts qui interviennent à l’aube dans les rues d’Aurillac avec de simples sacs poubelles , ça peut l’être aussi
constate jean Marie Songy.
On note que les jeunes qui débarquent dans la profession vont peu vers ce style de spectacle, la mode est plus dans la co-construction
avec les habitants, ce qui s’appelle aujourd’hui l’infusion, infusion que la Drac appellerait de ses voeux.
Freslon raconte comment évincé par la Drac il se retourne vers Vinci comme financeur.
Maud le Floch pense que les sources de financement sont à chercher ailleurs. La Folie kilomètre a répondu à une demande sur les dégâts
-inondation et cela a donné un spectacle.
Afnaïm s’insurge, il veut rester créateur libre.
Les Transsexpress on trouvé de quoi faire en Amérique du sud, un spectacle acheté 9 Fois….
La Machine, jean Pierre Aubry, ingénieur raconte qu’il faut plus de deux ans de dessins pour créer un projet et encore deux ans pour obtenir
les agréments de sécurité, et tout cela avec des budgets faramineux, c’est la Chine qui a financé.
Alors l’heure où l’on parle de “commun” puisque c’est le sujet de l’université buissonnière, je me dis que la mise en commun de toutes
ces énergies , et ces compétences est d’une richesse inouïe.
Toutes ces compagnies s’exportent dans le monde entier (absent remarqué : ilotopie ).
Il faut absolument que le théâtre de rue continue de s’adresser à la ville toute entière et que si nous étions intelligents nous proposerions
nos services à Paris 2024, les J.O,
et bien sûr c’était dix fois plus riche que ce que je raconte, je n’ai pas pris de notes, je m’abandonne aux sursauts de ma mémoire.
A 19 H, le Point Haut est rempli de monde, la fête commence. Débordement de sons et d’images, Freslon s’envole accroché à une trompe d’éléphant…
Tous les lieux sont occupés. On sent à peine la température de 2°C .
Et moi ce qui me passionne le plus c’est que les coupes à champagne sont lumineuses. Je suis émerveillé comme l’idiot que je suis.
Jacques Livchine
PS : petit rappel pour ceux de Paris. ARTcena le mercredi 29 novembre à 12 H 30 , nous signons les Conseils du théâtre de
l’Unité à ne pas suivre. 150 pages.