Liste arts de la rue

Archives de la liste Aide


Re: [rue] espace public


Chronologique Discussions 
  • From: "jean-jacques delfour" ( via rue Mailing List) < >
  • To:
  • Cc: Fédération arts de la rue < >, Liste Liste rue < >
  • Subject: Re: [rue] espace public
  • Date: Wed, 1 Aug 2018 12:54:57 +0200

Merci, Jacques Livchine, pour l'invitation (je viendrai le mardi 21 août à la Nuit unique, si c'est possible...).
Merci de ne pas déformer mon nom (Delfour), par égard pour mes ancêtres prolétaires qui durent travailler auprès d'un four banal...
Merci pour ce billet dont plusieurs passages convergent avec le mien (écrit il y a 15 ans peut-être): "l'espace public n'existe pas" dis-tu.
J'écris à peu près la même chose, quasiment dans les mêmes termes. Que l'artiste et l'analyste concluent de même, ou presque (le diable est dans le détail!), voilà un indice de vérité... Mais à condition de dire précisément quel espace on désigne à chaque fois, sans oublier les multiples formes d'appropriation des espaces par les classes dominantes... L'espace est politique: il est une pratique politique, et il est produit par les rapports de force entre groupes sociaux, il est à la fois l'instrument et le produit des rapports de pouvoir... Bref.
Concernant les penseurs de la rue, (re)lire Guy Debord et les Situationnistes, ou Henri Lefebvre, Le droit à la ville, serait toujours d'actualité...
Amitiés fraternelles
jjdelfour

Le 1 août 2018 à 09:09, Jacques livchine < " target="_blank"> > a écrit :
Je ne suis pas de ceux qui disent que l’on n’a pas besoin de théoriciens en théâtre de rue, je ne suis pas de ceux qui jettent au feu les textes trop compliqués, 
je n’ai pas d’attitude anti -intellectuelle, et j’admire tous ceux qui réfléchissent à nos côtés comme Jean Jacques Defour, Valérie de St Do, Claudine Dussollier, Serge Chaumier,  Anne Gonon, Maud le Floch et j’en oublie… 
mais je pense aussi bien sûr  à Michel Crespin  et Marcel Freydedont

Pour écrire parfois quelques billets d’humeur, j’imagine que ce texte sur l’espace public de JJ Delfour a dû  lui prendre au moins  six heures rien qu’à écrire,  et des centaines d’heures à penser. Alors merci.

Nous à l’Unité, on fait d’abord, on réfléchit ensuite.  On essaye,  on expérimente et on en tire des conclusions et des théories plus ou moins fumeuses.

 

J’avais donc écrit un traité des arts de la scène et de la rue  avec 157 règles toutes vérifiées et issues de cinquante ans d’expérience. 
C’était un pavé  illisible. 
Donc avec Hervée nous avons synthétisé une partie de ces règles sous le titre conseils du théâtre de l’Unité à ne pas suivre,  publié à l’Harmattan. C’est sous forme d’une lettre à Charlotte, car tout le monde sait que les jeunes apprenties s’appellent toutes Charlotte. 
Je dis à ne pas suivre, car dans le théâtre de rue, on ne fait pas carrière. On reste inconnu du grand public, on reste précaire toute sa vie etc. 

Alors espace public ?  C’est bien pompeux  comme appellation l’Art en espace public. 
C’est une immense imposture de croire  qu’il y aurait un espace public  qui appartiendrait à tous, où l’on pourrait faire cabrioles, sauter d’un banc, proférer des textes, fabriquer des images etc. 

La meilleure de nos petites anecdotes et la plus éclairante, je ne peux m’empêcher de vous la raconter :  

A la suite d’essais de théâtre de rue avec une  douzaine d’apprentis de la FAIAR, nous fûmes convoqués par la Mairie d’Audincourt  en présence de la Police Nationale.  
Nous fûmes admonestés comme des gosses ayant fait une bêtise, et pour finir la plus belle des sentences nous fût énoncée :   Votre théâtre de rue, nous ne sommes pas contre,  mais s’il vous plait faîtes le où vous voulez,  mais surtout pas dans la rue. 

Mais oui évidemment, Alix M, aujourd’hui devenu célèbre pour ses interdictions avait traversé l’espace Japy tout nu affublé d’une peau d’ours, alors que  les enfants de la crèche auraient pu l’apercevoir avec risque de traumatisme grave. 
Sollen Briant avait couru dans la grande rue, un attaché case à la main, les passants avaient imaginé que c’était un hold up et  ont appelé la police.   D’autres avaient occupé un  rond- point en chantant, troublant ainsi les automobilistes dont  certains se mettaient à tourner en rond autour du rond point pour voir la scène provoquant un mini embouteillage.  
Lili affublée d’un costume de policière avait arrêté un poids lourd  provoquant un mini accident d’une petite berline conduite par une femme de flic qui n’a pas manqué de porter plainte et ce pauvre Boueb lui même déguisé en policier ne savait plus où se mettre.  
Quant à d’autres ils s’étaient installés à l’intérieur des machines du lavomatic croyant que c’était plus performant qu’une douche pour se laver. 
Autant d’actes gravement répréhensibles.

Une autre année au Quebec, nous avions grimpé sur le toit d’un bâtiment officiel style petit gratte- ciel,  allumé des fumigènes,  hurlant des poèmes.  Hervée avait fait semblant de voler la moto d’un flic etc. Nous avions reçu une lettre de la police nous condamnant à 750 ans de prison avec sursis.

Au bout du compte, dans notre ville, avant chaque sortie nous devons appeler les RG  pour éviter les déplacements intempestifs de la police nationale. 

Enfant, j’adorais descendre jouer dans la rue, je n’ai jamais cessé de le faire.  

J’adore l’illicite, et jouer à cache cache avec toutes les interdictions, car il ne faut pas se voiler la face, tout est interdit dans l’espace public.

Pas plus tard que vendredi dernier, lors d’un parlement de rue à Clermont Ferrand,  notre Catherine s’est montrée seins nus,  puisqu’une des lois proposées portait sur l’autorisation du naturisme en ville, or c ‘était dans un quartier,  les femmes voilées sont descendues de leurs blocs, furieuses,  nous expliquant que nous étions en terre musulmane. On a joué profil bas pour ne pas se faire lapider.  

Je pourrai énumérer des centaines de cas où nous nous trouvons en porte- à- faux avec la loi. 
Demander des autorisations ne sert à rien puisque on ne nous les accorde jamais,
Je ne sais pas comment a fait Cacahuètes il y’a 4 ans pour traverser Paris. 

Alors,  ce qu’on appelle espace public  selon moi, n’existe pas. 
Même le parvis du centre Pompidou est régenté par des artistes qui tentaient de nous interdir de jouer notre 2V théâtre. 

Je ne parle pas des forêts, où nous sommes systématiquement interdits, sans même parler de feu, juste parce que l’ONF a peur que nous abimions les arbres. 
Interdiction de jouer à Caen dans une magnifique forêt, 
interdiction de la forêt de St Germain en Laye, 
et même à Briançon c’était limite à cause d’un hibou grand duc qu’il ne fallait pas déranger. 
A Mulhouse Fred Rémy s’en souvient, réunion officielle avec des officiels de l’Onf, de la préfecture, des pompiers etc.  On a obtenu de justesse l’autorisation de jouer Macbeth.  

Quant à jouer  Vania dans un immense parc à Choisy le roi, il y a eu la visite d’une commission de sécurité,  il a fallu indiquer des sorties de secours, on nous a même demandé le papier d’agrément des gradins de paille pesant une tonne ! 

 En 2005, on n’a même pas eu le droit de faire rouler les voitures customisées, nos “artomobiles" de la caravane passe en A.   Même escortées par des motards. Il eut fallu prouver que c’étaient des engins agricoles. Une charrette tirée par des chevaux a le droit de circuler,  mais pas une voiture n’étant pas passée aux Mines. On a dû en catastrophe se procurer une trentaine de remorques.
 Tout le charme de la caravane  s’était évaporé. 
Alors disais- je aux autorités, le tour de France, ils font comment  avec leur caravane ?   Eh bien ils achètent les routes, ils les privatisent. Le mot est prononcé. L’espace public doit être privatisé pour que l’on puisse y jouer. 

Il n’y a pas en France un seul m2  qui soit accessible sans autorisation et qui n’appartienne pas à quelqu’un.   

Peut on parler d’espace public dans les festivals de théâtre de rue ? Les rues sont fermées à la circulation, on doit impérativement jouer dans des espaces dévolus par des arrêtés municipaux. 
Et avec l’état d’urgence n’en parlons même pas.

Alors voilà pourquoi je déteste parler  d’Art en espace public, je préfère parler de perturbations urbaines,  ou d’Art  furtif, d’Art illicite, et tout simplement de “théâtre de rue”, c’était le terme générique le plus ancien, le plus juste  et le plus utilisé. 

et puis pour conclure,   j’adore dire et répéter en boucle  que le théâtre n’est pas né dans un bâtiment  entre quatre murs avec scène et rideaux,  mais que le théâtre est né dans la rue, sous le ciel de Grèce en 531 avant Jésus Christ, lorsque ce bon vieux Thespis  monta sur un chariot et slama quelques stances bien senties dont le texte est perdu depuis 2500 ans.

Telle est notre légitimité.  Nous sommes le théâtre des origines, le théâtre originel. 

Rendez- vous à Aurillac pour la Nuit Unique,  3 nuits complètes au Parapluie. Un essai de 7 heures sur le thème de la fête perdue il y a très longtemps, sur la Nuit, sur le sommeil. On pourrait jouer dans un pré, mais les gens d’aujourd’hui sont trop frileux.  
Jean Jacques,  on te prépare une bonne couche, mais comme il se doit, et même à Aurillac,  lieu de toutes les libertés,   la paille est interdite….





 




























 





 











--
Pour gérer votre abonnement, c'est par ici : http://www.cliclarue.info/#tabs-7
Pour consulter les archives, c'est par là : http://listes.infini.fr/cliclarue.info/arc/rue
Et pour râler, c'est ici : ">bureaudesreclamations@cliclarue.info



  • [rue] espace public, Jacques livchine, 01/08/2018
    • Re: [rue] espace public, jean-jacques delfour, 01/08/2018

Archives gérées par MHonArc 2.6.19+.

Top of page