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[rue] TR: [Cip-idf] : "Négociation" Unédic / Chômage, formation, la loi « avenir professionnel » / "Allocation sociale unique"


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  • Subject: [rue] TR: [Cip-idf] : "Négociation" Unédic / Chômage, formation, la loi « avenir professionnel » / "Allocation sociale unique"
  • Date: Sat, 4 Aug 2018 10:57:09 +0200 (CEST)
  • List-archive: <http://listes.rezo.net/archives/cip-idf/>
  • List-id: Liste de débat de la Coordination des Intermittents et précaires d'ile de france <cip-idf.rezo.net>
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Pour info aux concerné-e-s...

cip-idf
--------

bonjour,
des nouvelles de la glaciation sociale en marche
l.


Unédic : un automne studieux pour les partenaires sociaux
La ministre du travail va s’atteler à partir de la rentrée, à la négociation
d’une nouvelle convention sur les règles de l’assurance-chômage.
LE MONDE | 03.08.2018 à 11h15 | Sarah Belouezzane et Bertrand Bissuel

L’automne prochain ne sera pas la saison du répit, pour la ministre du
travail, Muriel Pénicaud, et les membres de son cabinet. Après avoir été
absorbée, durant une année, par deux réformes majeures (la réécriture du code
du travail, en 2017, puis la loi « avenir professionnel », adoptée
définitivement mercredi 1er août), l’ex-DRH de Danone va s’atteler, à partir
de la rentrée, à un autre dossier sensible : la négociation d’une nouvelle
convention Unédic sur les règles de l’assurance-chômage.

Ce chantier résulte d’un souhait exprimé, le 9 juillet, par Emmanuel Macron
devant le Congrès à Versailles. Un souhait totalement inattendu pour deux
raisons. D’abord, les partenaires sociaux s’étaient entendus, en 2017, sur
les conditions d’indemnisation des demandeurs d’emploi dans une convention
qui devait s’appliquer jusqu’en octobre 2020. En outre, le projet de loi «
avenir professionnel » prévoyait, initialement, que les branches devaient
discuter de mécanismes pour combattre la précarité – l’exécutif se réservant
la possibilité, en cas d’échec des tractations, de créer un bonus-malus ayant
pour effet d’augmenter les cotisations des entreprises où les CDD prolifèrent.

Le bonus-malus n’est pas cité explicitement
Ce plan de marche a donc été entièrement revu, durant l’examen au Sénat du
projet de loi « avenir professionnel ». Le gouvernement a, en effet, déposé
un amendement au texte, le 10 juillet, le lendemain du discours de M. Macron.
Il indique que, « après concertation » avec les partenaires sociaux, un «
document de cadrage » est transmis à ces derniers afin qu’ils négocient une
nouvelle convention Unédic. Le but est de faire évoluer les règles de manière
à « lutter contre la précarité et [à] inciter les demandeurs d’emploi au
retour à l’emploi ». Le bonus-malus n’est pas cité explicitement, mais
l’exécutif attend du patronat et des syndicats qu’ils trouvent des solutions
à la hauteur du problème. Sinon, prévient-on dans l’entourage de Mme
Pénicaud, « on fera le bonus-malus ». Doivent également être revisitées les
dispositions permettant de cumuler un salaire et une indemnisation : elles
sont critiquées au motif qu’elles dissuaderaient certains demandeurs d’emploi
d’accepter une offre de CDI.

Autre thème de discussion pour les organisations d’employeurs et de salariés
: l’éventuelle « création d’une allocation-chômage de longue durée, attribuée
sous condition de ressources ». « Nous avons décidé de changer notre fusil
d’épaule pendant l’élaboration de la loi », reconnaît-on dans l’entourage de
la ministre du travail. L’objectif étant de parvenir à une transformation «
plus profonde » du système.

Avant d’engager les discussions, les partenaires sociaux devront poser un
diagnostic commun, début septembre. Diagnostic qui devrait servir de base au
« document de cadrage » préparé par l’exécutif. Celui-ci a vocation à
orienter fortement les échanges entre le patronat et les syndicats. Ils
disposeront de quatre mois pour conclure. Le gouvernement table, semble-t-il,
sur janvier, voire février 2019. Le processus devrait également conduire à
aborder un autre sujet chaud : le régime d’indemnisation des intermittents du
spectacle.

Chômage, formation: la nouvelle loi chamboule tout
2 AOÛT 2018 PAR DAN ISRAEL

Le gouvernement a réussi à boucler en un temps record une vaste réforme, qui
va bouleverser le quotidien des salariés, des travailleurs indépendants, des
demandeurs d'emploi et des apprentis. L'exécutif assure que son texte,
définitivement adopté mercredi 1er août, apporte de nouveaux droits et des
protections inédites. C'est vrai seulement pour un petit nombre de Français.
Le pari est tenu. Mercredi 1er août, dernier jour de la session
parlementaire, les députés ont définitivement voté (par 137 voix pour, 30
contre) la loi qui réforme en profondeur l’assurance-chômage, la formation
professionnelle et l’apprentissage. En lançant le chantier en décembre, le
gouvernement avait annoncé vouloir le boucler cet été. C’est chose faite, et
tous les décrets d’application devraient être publiés d’ici à Noël.
La nouvelle loi va permettre « d’établir une société de l’émancipation par le
travail et la formation qui donnera à chacun, jeunes, salariés et demandeurs
d’emploi, la capacité de se projeter sereinement dans l’avenir », s'est
félicitée la ministre du travail Muriel Pénicaud.
« C’est la deuxième étape de la rénovation du modèle social français,
s’enthousiasme-t-on dans son entourage. Avec les ordonnances réformant le
code du travail, on s’est plutôt occupé des entreprises, on leur a donné de
l’agilité, de la souplesse et de la sécurité pour s’adapter à l’économie
mondialisée. Là, on s’occupe plus des personnes, on leur donne les droits et
les protections nécessaires pour s’adapter à l’économie d’aujourd’hui. »

Voilà pour le discours officiel. Pour les travailleurs français, la réforme
de la formation professionnelle et des règles régissant l’assurance-chômage
est censée contrebalancer la très grande liberté octroyée aux employeurs par
les ordonnances. Dans les faits, cependant, il est délicat de distinguer dans
cette nouvelle loi les grandes mesures qui constitueront effectivement des
avancées réelles pour les salariés, les indépendants, les demandeurs d’emploi
et les apprentis.
Le gouvernement a néanmoins raison de souligner que cette loi est pleine de «
paris culturels destinés à changer les comportements des Français », « pas
seulement dans les textes, mais dans les têtes ». Les bouleversements opérés
par ce vaste texte sont très nombreux. En voici quelques-uns.

Le droit au chômage un peu plus ouvert, mais contrôlé plus sévèrement
Il s’agissait d’une promesse de campagne d’Emmanuel Macron, qui n’est tenue
que sur le papier. Désormais, certains démissionnaires et travailleurs
indépendants pourront bien toucher des allocations chômage, mais ce sera le
cas pour seulement une petite partie d’entre eux. Le nouveau dispositif
devrait permettre à moins de 30 000 indépendants (sur près de 3 millions) de
bénéficier tous les ans des droits au chômage. Ils pourront toucher 800 euros
de chômage pendant six mois, si leur activité a été mise en redressement ou
en liquidation judiciaire et s’ils ont disposé d’un réel bénéfice annuel. Ce
filet de sécurité est une avancée indiscutable, mais reste limité.
De même pour les démissionnaires, qui auront droit au chômage seulement après
cinq ans d’emploi ininterrompu, et s’ils présentent un projet de «
reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation ou un
projet de création ou de reprise d’entreprise ». Ce projet sera évalué par
une commission regroupant des représentants des syndicats et des employeurs.
Une mesure qui devrait bénéficier à 20 000 ou 30 000 démissionnaires par an
au maximum, alors qu’ils sont 400 000 salariés à claquer la porte de leur
entreprise tous les ans et que 50 000 d’entre eux sont déjà indemnisés, car
ils le font pour des motifs jugés légitimes. On reste donc loin de
l’assurance-chômage « universelle » vantée pendant la campagne présidentielle.

L’intensification du contrôle des chômeurs était aussi une mesure présente en
toile de fond pendant la campagne, et elle sera bien au rendez-vous dès 2019.
Certes, pour rééquilibrer l’échelle des sanctions, les radiations de Pôle
emploi pour absence à un rendez-vous verront leur durée passer de deux mois à
deux semaines, et Pôle emploi assure en conséquence que « les changements de
règles aboutiront pour 70 % des motifs de radiation à une situation plus
favorable qu’aujourd’hui ».
Mais la durée des radiations consécutives à une recherche d’emploi jugée
insuffisante sera allongée, sans doute jusqu’à quatre mois. De plus, le
nombre d’agents spécifiquement chargés du contrôle des demandeurs d’emploi
passera de 200 à 1 000 d’ici à 2020, sans que les effectifs de Pôle emploi ne
soient revus à la hausse (au contraire, Pôle emploi devrait perdre 4 000
agents, soit près de 10 % de ses postes).

La nouvelle loi pourrait aussi permettre de redéfinir les « offres
raisonnables d’emploi » qu’un chômeur ne peut pas refuser plus d’une fois
sans raison valable. Leur définition serait alors discutée entre le demandeur
d’emploi et son conseiller Pôle emploi. Enfin, un journal de bord à remplir
obligatoirement tous les mois par les demandeurs d’emploi sera expérimenté
dans deux régions. Autant de mesures dont le chercheur spécialisé Didier
Demazière doute de la pertinence, comme il l’a expliqué dans un entretien
limpide à Mediapart.

L’État reprend la main sur l’assurance-chômage… pour en baisser le coût
C’est un bouleversement historique, mais il reste pour l’instant plutôt mal
compris. Le financement et la gouvernance de l’assurance-chômage vont changer
de nature, comme Mediapart l’a déjà détaillé : d’ici à la fin de l’année, les
salariés ne se verront plus prélever aucune cotisation chômage sur leur
salaire. Ces cotisations alimentaient jusqu’ici les caisses de l’Unedic, qui
gère l’assurance-chômage. Désormais, ce sont tous les Français qui
contribueront à financer les allocations chômage, via un relèvement de la
CSG, un impôt directement versé à l’État, qui pourra ensuite en disposer à sa
guise.
C’est la fin de ce qu’on nomme le modèle assurantiel : chaque salarié versait
une partie de son salaire pour s’assurer contre la perte de son emploi, et
les indemnités chômage versées dépendaient de la durée d’emploi et de la
rémunération précédente. Désormais, c’est l’État qui décidera quelle part de
son budget doit être affectée au financement du système de chômage. Sans
aucune garantie qu’à terme, le montant des allocations chômage ne baisse pas
drastiquement, puisque les salariés n’y contribueront plus directement. Ce
qu’a reconnu auprès de Mediapart Aurélien Taché, le député LREM rapporteur du
texte.

Les craintes sont également alimentées par le fait qu’en amont de chaque
négociation entre syndicats et patronat portant sur les règles de
l’assurance-chômage, le gouvernement fixera désormais un sérieux cadrage,
budgétaire et politique. Bref, même si les partenaires sociaux restent
officiellement maîtres des décisions, l’État reprend largement la main.
Il a d’ailleurs déjà commencé. En cours de discussion du texte de loi, le
gouvernement a fait adopter aux députés un amendement demandant aux
partenaires sociaux de relancer au plus vite des négociations sur
l’assurance-chômage. Alors même que les nouvelles règles sont entrées en
vigueur en novembre 2017, et qu’elles ne sont censées être rediscutées que
tous les trois ans.
Pour Emmanuel Macron, il s’agit d’une part d’afficher son nouveau souci de
mieux associer les syndicats et le patronat à ses réformes sociales. D’autre
part, il est surtout question de modifier les conditions dans lesquelles sont
utilisés les contrats de travail précaires, les cumuls salaires-allocations
chômage pour les chômeurs travaillant quelques heures par mois, ou
l’indemnité pour les chômeurs de longue durée.
La loi « donne aux partenaires sociaux la capacité de négocier une nouvelle
convention autour des sujets qui nous préoccupent », a indiqué, pour la
version soft, le député Aurélien Taché. La version hard provient du cabinet
du ministère du travail : « Nous avons changé notre fusil d’épaule en cours
de discussion, et souhaitons lancer une réforme beaucoup plus profonde que ce
qui était prévu. »

Le gouvernement est en effet inquiet de voir le niveau du chômage stagner,
malgré la conjoncture économique relativement bonne. « La croissance est
forte, il faut réduire le chômage quand il y a une forte demande des
entreprises pour des emplois », estime le cabinet, et « il y a urgence à le
faire ». Selon l’exécutif, il faut donc revoir à la baisse les règles
d’indemnisation actuelles, pour obtenir une plus forte « incitation au retour
à l’emploi ». Autrement dit, pousser les chômeurs à accepter toujours plus
les emplois disponibles, quelle que soit leur qualité. Quitte à baisser le
montant ou la durée des indemnités chômage. De quoi augurer d’un sérieux
débat, dès la rentrée.

Entre salariés et indépendants, un troisième statut pour les travailleurs «
ubérisés »
Voilà une mesure qui peut paraître anecdotique, mais qui en dit beaucoup sur
le regard que porte le gouvernement sur la « disruption » économique et sur
le droit du travail. Au départ, il était prévu que la réforme de
l’assurance-chômage ouvre une voie d’accès spécifique au chômage pour tous
les travailleurs indépendants dépendant des grandes plateformes numériques
comme Uber et Deliveroo.
Finalement, rien de tout cela. À la place, un amendement porté par Aurélien
Taché avec l’aval de l’exécutif permet à la plateforme d’établir une « charte
» définissant « ses droits et obligations ainsi que celles des travailleurs
avec lesquels elle est en relation ». Cette charte, facultative, établirait
des tarifs minimum pour les prestations des indépendants, ainsi que leurs
droits et leurs devoirs. L’amendement accorde également aux coursiers et
autres chauffeurs, s’ils travaillent suffisamment, un droit à la formation
professionnelle, ou plutôt à l’abondement de leur compte formation, au même
titre que des salariés classiques.

Mais surtout, et c’est tout l’esprit de l’amendement Taché, signer la charte
reviendrait pour les indépendants à accepter qu’il n’existe pas de « lien de
subordination juridique » entre eux et la plateforme. Ce qui constituerait
une sérieuse protection pour Uber ou Deliveroo contre des contentieux
judiciaires lancés par des livreurs ou des coursiers mécontents, souhaitant
voir leur contrat requalifié en contrat de travail classique, avec les droits
afférents (heures supplémentaires, congés payés, protection sociale).
Sans surprise, les coursiers à vélo sont vent debout contre ce petit passage
de la loi, qui entérine la création d’un troisième statut, entre salariat et
véritable indépendance. Il est vrai que le contexte actuel est tendu :
Deliveroo a récemment été lourdement épinglé par l’inspection du travail, qui
juge que les 2 286 coursiers employés dans la région parisienne sont des
salariés classiques et doivent être traités comme tels. La plateforme de
livraison est désormais sous le coup d’une enquête judiciaire, confiée par le
parquet de Paris à l’Office central de lutte contre le travail illégal.

Une « appli » et un décompte en euros pour la formation professionnelle
Le gouvernement a trouvé un outil pour que chacun « devienne acteur de sa
formation professionnelle » et acquière « les réflexes et l’envie de se
mettre à niveau dans le marché du travail » : une application mobile. Logique
pour la « startup nation » vantée par Emmanuel Macron. Selon le gouvernement,
il est urgent pour la France de se réveiller. Dans la grande compétition
mondiale entre pays, seuls ceux dont les travailleurs seront les mieux formés
se retrouveront en haut de la chaîne de production.
Et à l’automne 2019, assure le ministère du travail, l’envie de se former, de
« s’upgrader » même, viendra d’une « appli ». Cette dernière ne devrait pas
être un simple gadget, mais constituer la pierre angulaire de la réforme.
Car dans les projets gouvernementaux, tout passera par elle : les organismes
de formation devront y faire inscrire leurs formations et en gérer les
disponibilités en temps réel ; les salariés passeront par son intermédiaire
pour dénicher leur formation et s’y inscrire ; chacun pourra donner son avis
sur les programmes suivis, grâce à des commentaires gérés et classés comme
sur le site TripAdvisor…

« C’est un pari », reconnaît le ministère du travail. Et quel pari ! S’il
s’agit réellement de faire reposer tout le système français de la formation
professionnelle sur un outil technologique, ce dernier devra être sacrément
fiable. Sans parler des inégalités inévitables qui apparaîtront entre ceux
qui maîtrisent bien l’outil numérique et les autres.
Au-delà des questions soulevées par la croyance affichée dans un simple outil
pour régler un sujet aussi complexe, la volonté d’aller au maximum vers «
l’individualisation du droit à la formation » est en elle-même contestable.
Face à un catalogue infini de formations, le salarié saura-t-il quel choix
faire ? Qu’est-ce qui l’empêchera de s’inscrire pour quelques heures à un
cours d’italien, à une formation sur la décoration intérieure ou à un stage
photo sans grand rapport avec ses besoins professionnels ? C’est pour
répondre à cet enjeu que la loi prévoit de multiplier et de doter de moyens
les conseils en évolution professionnelle, sur tout le territoire. Une
initiative largement saluée, mais qui reste encore floue.
L’appli s’appuiera sur une autre évolution, plus discrète mais fondamentale,
qui transforme tout le système. Le compte personnel de formation (CPF) des
salariés ne sera plus alimenté chaque année en heures de formation, mais en
euros. Chaque salarié obtiendra 500 euros par an dans une limite de 5 000
euros. Les salariés les moins qualifiés (qui ont le brevet, un CAP ou moins)
obtiendront 800 euros, avec un plafond de 8 000 euros.

Cette monétisation du CPF était une ligne rouge pour les syndicats et le
patronat, pour une fois à l’unisson. Le gouvernement est passé outre, au nom
de la simplification du système. Les 500 euros attribués à chaque salarié
correspondent à 35 heures de formation, payées environ 14 euros chacune.
Aujourd’hui, les salariés accumulent seulement 24 heures par an… mais leur
tarif est bien plus élevé que celui retenu par l’exécutif : 32 euros de
l’heure en moyenne, même si ce coût varie fortement selon les régions et les
domaines d’activité. L’État pourrait donc réaliser de sacrées économies.

Le CPF monétisé semble mal taillé pour financer des formations longues et
onéreuses. Or ce sont justement celles-ci qui permettent les rebonds
professionnels, les augmentations de salaire, voire le retour à l’emploi. Le
ministère indique qu’il envisage en fait que le dispositif soit utilisé une
fois tous les dix ans par les Français, qui disposeront donc de tout leur
portefeuille de 5 000 ou 8 000 euros pour faire leurs emplettes.
Pas suffisant, sans doute, pour régler la question des inégalités, qui est
pourtant au cœur de la controverse sur la marchandisation de la formation. La
France est très mauvaise élève en la matière : aujourd’hui, un ouvrier d’une
petite entreprise a deux fois moins de chances d’être formé qu’un cadre d’une
multinationale. Dans le nouveau système, libérés des « tracasseries
administratives et des intermédiaires » selon les mots de la ministre, les
plus riches et les plus insérés pourront toujours compléter ce que le
gouvernement leur offre de financer, en mettant la main à la poche ou en
négociant avec leur entreprise. Le risque est grand que les autres doivent
patienter plus longtemps. Ou renoncer.

Une refonte de l’apprentissage pensée pour les entreprises
« C’est une refondation, une réforme jamais faite depuis la Seconde Guerre
mondiale. » Au ministère du travail, on ne cache ni son enthousiasme ni son
ambition quant à la refonte du système d’apprentissage français. Le constat
est connu depuis des années. Dans l’Hexagone, seuls 7 % des 16-30 ans sont en
apprentissage, contre 15 % pour nos voisins européens. Or ce type de
formation est un rempart majeur contre le chômage : un an après avoir achevé
leur formation, 80 % des apprentis ont un emploi stable. Le gouvernement
tente donc de développer l’apprentissage, en revoyant bon nombre de règles
qui le régissent.
« Il s’agit d’ouvrir comme jamais les possibilités de créer des CFA [centres
de formation d’apprentis – ndlr] », résume le cabinet de Muriel Pénicaud. À
commencer par la suppression de l’autorisation administrative, jusqu’ici
délivrée par les régions, nécessaire pour ouvrir un CFA.
Dans l’esprit de l’exécutif, cela permettra à tous les secteurs
professionnels, voire toutes les entreprises, de créer leur propre filière de
formation, collant au plus près à leurs besoins. Les branches
professionnelles seront chargées de veiller à la cohérence globale du
système. On retrouve ici la patte d’Antoine Foucher, le directeur de cabinet
du ministère du travail, qui avait imaginé une telle réforme lorsqu’il était
le « M. Social » du Medef, son précédent poste.

Jusqu'à présent, les CFA étaient financés grâce à la taxe d’apprentissage,
payée par les entreprises, et dont les régions conservaient environ une
moitié, pour financer la formation selon leurs priorités. La taxe
d’apprentissage est supprimée et remplacée par une « contribution alternance
», qui ira presque intégralement aux CFA. Chaque centre collectera ainsi
directement la majeure partie des financements dont il a besoin.
Pour les employeurs, une aide unique et plus lisible est aussi mise en place
: 6 000 euros par an pour chaque jeune recruté comme apprenti dans une
entreprise de moins de 250 personnes. Les apprentis de moins de 21 ans, eux,
obtiennent une petite augmentation, de 30 euros mensuels (ils sont payés de
374 à 974 euros en fonction de leur âge et de l’année d’étude). Ils auront
aussi droit à une aide de 500 euros pour passer le permis de conduire.

La possibilité d’entrer en apprentissage court désormais jusqu’à 30 ans, et
non plus 25 ans. Une idée séduisante sur le papier mais, comme nous le
soulignions dans un récent reportage, les jeunes professionnels de 25-30 ans
ambitionnent généralement de gagner plus que 78 % du Smic au maximum…

Pour lever tous les freins, Muriel Pénicaud a également assoupli les
possibilités de recrutement et de rupture d’un contrat d’apprentissage. Elle
autorise la rupture du contrat par l’apprenti, après intervention d’un
médiateur, et prévoit son maintien dans les CFA. En contrepartie, le passage
obligatoire aux prud’hommes en cas de licenciement par l’employeur pour faute
grave ou inaptitude est supprimé.
Rien n’est pensé en revanche pour mieux accompagner les jeunes de 16 ans
démarrant l’apprentissage. Ils passent pourtant soudainement d’une vie de
collégien ou de lycéen, avec ses vacances et ses plages de temps libre, à la
réalité du monde professionnel, ses obligations, ses horaires et ses jours de
repos peu nombreux. Cela explique en partie pourquoi un quart des contrats
d’apprentissage sont rompus en cours de route, mais la « refondation » du
statut ne s’attarde pas sur cette question.
_______________________________________________

Allocation sociale unique : qui seraient les perdants et les gagnants ?
Un rapport montre que la fusion de plusieurs prestations pourrait entraîner
une baisse de ressources pour 3,55 millions de ménages.
LE MONDE | 02.08.2018 à 17h52 • Mis à jour le 03.08.2018 à 12h19 | Bertrand
Bissuel et Sarah Belouezzane

Si le gouvernement décide de fusionner les aides financières attribuées aux
familles modestes, il va être confronté à des choix cornéliens, qui
pourraient lui coûter, politiquement parlant. C’est l’impression que procure
la lecture d’un rapport, resté confidentiel jusqu’à présent, auquel Le Mondea
eu accès.

Réalisé à la demande du premier ministre par France Stratégie, un organisme
de réflexion indépendant rattaché à Matignon, cette étude très fouillée
montre que le regroupement des « prestations de solidarité » dans une
allocation sociale unique (ASU) pourrait faire plus de « perdants » que de «
gagnants ». Ces constats, anxiogènes pour la frange de la population située
en bas de l’échelle des revenus, sont dressés alors même que l’exécutif doit
présenter, à la rentrée, sa stratégie de lutte contre la pauvreté.


L’idée de réformer les dispositifs de soutien financier aux ménages modestes
tient au fait que le système est devenu indéchiffrable. Du coup, certaines
personnes n’en bénéficient pas alors qu’elles y ont droit – tombant ainsi
dans le piège du « non-recours ». Parallèlement, la complexité autorise tous
les fantasmes sur la générosité de notre Etat-providence.

Trois scénarios élaborés

C’est pourquoi Edouard Philippe a confié, en juillet 2017, à France
Stratégie, une « mission de réflexion » qui a débouché sur un premier «
rapport de préfiguration », remis en février. Le chef du gouvernement a
souhaité que l’analyse soit affinée, d’où un deuxième rapport, livré en juin.
Son auteur se livre à des simulations en partant des hypothèses suivantes.
L’ASU remplace, en les fusionnant, plusieurs prestations : le revenu de
solidarité active (RSA), l’allocation de solidarité spécifique (ASS), la
prime d’activité, les aides au logement (AL), l’allocation adulte handicapé
(AHH), l’allocation de solidarité pour les personnes âgées (ASPA, ex-minimum
vieillesse) et l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI).

Ces changements, effectués à enveloppe budgétaire constante, ne doivent
pénaliser ni les handicapés (et leurs proches), ni les personnes âgées. Sur
cette base, un premier « barème » avait été proposé dans le rapport terminé
en février. Quatre mois après, deux autres scénarios ont été mis au point –
l’un qualifié d’« optimisé », l’autre élaboré « sous la contrainte » de ne
pas différencier les aides accordées aux locataires du parc privé et du monde
HLM. Les résultats sont éloquents.

Dans le « barème optimisé », le passage à l’ASU entraîne une diminution de
revenus pour 3,55 millions de ménages, soit parce qu’ils touchent moins de
prestations qu’avant, soit parce qu’ils n’en ont plus (1,5 million d’entre
eux se retrouvant dans cette situation). A l’inverse, 3,3 millions de foyers
enregistrent une hausse de leurs ressources. La réforme « fait presque deux
fois plus de perdants que de gagnants parmi les titulaires de l’ASS » –
c’est-à-dire des chômeurs en fin de droit.

Des incidences variables selon la configuration familiale
S’agissant des personnes percevant les AL, les perdants sont un peu plus
nombreux que les gagnants, mais le surcroît de ressources pour les seconds
est, en moyenne, plus élevé que les pertes subies par les premiers. A
l’inverse, le nouveau barème engendre « 3,3 fois plus de gagnants que de
perdants » chez les bénéficiaires de l’ASPA.

Si l’on élargit la focale, le « barème optimisé » n’a quasiment pas d’impact
sur la proportion de personnes situées sous le seuil de pauvreté (– 0,1
point, seulement). En revanche, celles qui sont très pauvres voient leur part
reculer plus nettement. Les incidences sont également variables, suivant la «
configuration familiale » : le taux de pauvreté régresse pour les familles
monoparentales, « ainsi que pour les couples avec un ou deux enfants » ; mais
il s’accroît nettement pour les personnes seules (+ 1,6 point).

Avec le barème « sous la contrainte », l’amélioration est plus franche
puisque l’instauration de l’ASU se traduit par un reflux du taux de pauvreté
de 0,4 point (– 1,3 point si l’on ne considère que les enfants). Enfin, avec
la version « optimisée » de l’ASU, le fait d’occuper un emploi s’avère plus
avantageux que dans le système actuel – où il peut arriver que le travail
paie moins que les allocations, selon France Stratégie. Cette donnée est
importante, car elle se trouve au cœur d’une des préoccupations du
gouvernement : transformer les aides sociales pour qu’elles incitent, plus
encore, à la reprise d’une activité.

Toute la question, maintenant, est de savoir comment l’exécutif compte se
réapproprier le rapport de France Stratégie. Si l’idée de créer l’ASU est à
l’étude, elle ne devrait toutefois pas voir le jour, à court terme. « Le
sujet n’est pas tranché, indique-t-on à Matignon. Et il ne fera pas l’objet
de dispositions dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale
pour 2019. »

En revanche, il est possible qu’une autre mesure, mitoyenne et défendue par
Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle, soit annoncée à la
rentrée, dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté : le
versement social unique (VSU). Ce mécanisme, souvent décrit comme une
première étape vers l’ASU, vise à attribuer, le même jour, les prestations
auxquelles les personnes sont éligibles. Le but est de simplifier les
démarches, afin de réduire le phénomène du « non-recours », tout en prenant
en compte les ressources les plus récentes pour calculer le montant de
l’aide. « On travaille sur le VSU, ça demeure un objectif, confirme-t-on à
Matignon. Mais il ne se fera pas du jour au lendemain. » Le 12 juin, le
délégué interministériel à la lutte contre la pauvreté, Olivier Noblecourt,
avait confié à l’Agence France Presse que le VSU serait mis en place « en
2019 ou en 2020 ».


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  • [rue] TR: [Cip-idf] : "Négociation" Unédic / Chômage, formation, la loi « avenir professionnel » / "Allocation sociale unique", yvon . tlg, 04/08/2018

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