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Re: [rue] Carnets de rue - Inavouable -


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  • From: Perrine Anger-Michelet < >
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  • Subject: Re: [rue] Carnets de rue - Inavouable -
  • Date: Mon, 17 Dec 2018 14:17:12 +0100

Rigolo comme ton texte fait écho à mes pensées de ce we !
Je suis déconcertée par le plaisir - et la nécessité certainement - de me retrouver chez moi le we - qd j’en ai un.
Est-ce le lessivage-essorage d’un rythme à 80h/semaine qui veut ça ? 
Ou les amis sont devenus « collègues » au point que nous n’avons aucune envie de nous voir en-dehors du boulot ? C’est pourtant la passion qui nous rassemble ! 

Envie de calme, de pause, de repos…
Besoin de silence, d’immobilisme, de couette et d’un bon feu de cheminée…
Réelle nécessité de récupérer l’énergie que le job me demande.

Cependant, sentiments partagés de nostalgie, de regret… 
Où sont passés les apéros à la volée ? Les bringues improvisées ? Les nuits blanches sans compter ?


Merde, je vieillis ?????? 
Ou le job est de plus en plus fastidieux, prends la tête pas comme avant
Avant, c’était plus simple je crois bien, on était dans le « faire"
Maintenant, on est dans le « penser », parce que pour faire, il faut d’abord écrire et pas n’importe quoi
Chaque mot lu - par nos commanditaires, institutions, clients, partenaires - doit avoir un sens, et même bien plus, ça fait mieux
Chaque sens doit avoir un mot, une phrase, une, deux, trois pages de blabla à n’en plus finir, qu’il faut bien rédiger
Pendant ce temps-là, on est pas au bistrot, ça c’est sûr !!!

Hier soir, à 11h du soir, je me suis bu une bière, solo devant monn ordi - zut, on était poutant dimanche, j’étais sensée me reposer, non ? 
Elle était trop bonne cette bière qui me tenait compagnie, mais j'avoue, elle avait un petit arrière-goût de solitude qd-m !



Perrine Anger-Michelet
Responsable artistique et pédagogique 
La NiaK Cie / Costumotek  
06 88 56 24 87
141, square Jupiter - Rue de Saragosse
34080 Montpellier (Mosson)
laniakcie.com
www.facebook.com/La-NiaK-Cie





Le moteur tourne encore, j'ai le dos fourbu et je m'étire en soufflant à peine extrait du camion, tandis que le soir tombe sur mon coin de campagne enfin retrouvé.
On s'embrasse machinalement avec Dom, pas rasé de la veille comme d'habitude, tandis que David nous salue d'un geste en filant droit vers sa caisse.
Julie elle, reste au volant, c'est elle qui ramène le camion, elle a encore une  demi-heure.
Elle coasse un "Allez, salut!", et se lance vers la voie express.

Je respire profondément en touchant mes pieds, les yeux fermés, visualise une colonne d'air pour soulager la colonne des sept heures de route, et quand je me relève Je suis déjà seul, tout le monde est reparti chez lui. 
L'aire de covoiturage, avec le crépuscule, a des airs de fin de civilisation, la désolation du bitume capitule devant la vie qui sourde  dans les talus.
Les deux derniers mots, les seuls prononcés depuis un sacré moment, résonnent en accentuant ma solitude. "Allez, salut". 
Le minimum politesse. Et personne n'a répondu. 
Je soupire de dépit… on tourne trop.

J'en ai pour sept minutes à pied, de l'aire de covoiturage à chez moi, et j'aime bien cette fin de trajet, en portant ma petite valisette, ça me permet aussi de ne pas ramener le boulot à la maison.
En marchant, je fais le point, mal à l'aise. 
C'est quand même con de se dire qu'on tourne trop. Je sais trop bien que tout le monde galère, on est combien à faire plus de 80 dates dans l'année? 
Je nous revois sur le toit de la friche, frustrés en diable, quand on rêvait d'avoir enfin un spectacle qui marche… finalement, ce ne sont pas les Cnars ou les illustres Programmateurs auréolés qui nous auront fait. C'est le succès public. Et puis de toute façon, techniquement, on passe partout.
Mais je me rappelle 2012, 2013, quand on faisait 50, 55 dates… je ne sais pas si c'était la découverte, mais c'était une époque bénie. J'étais vraiment heureux, équilibré, j'avais une énergie... je ne peux pas me mentir, j'ai perdu quelque chose depuis, la vie n'a plus le même goût.
Quand je pense que c'était il y a… cinq ans déjà.

On se faisait même des bouffes les uns chez les autres. Maintenant tu parles, on ne rêve plus que d'être peinards chez nous.
Ca fait combien de temps qu'on n'a pas fait une bouffe entre membres de la compagnie, hors boulot? D'ailleurs, ça fait combien de temps que je n'ai pas fait une bouffe à la maison avec des potes tout court?
Tandis que je tourne la clef dans la porte, je sens mon coeur se serrer. Tu parles, quels potes?…
Je me pose sur le canapé, vanné, la tête dans les mains.
Quels potes? Je n'ai plus de potes. Plus personne ne passe à l'improviste ici, c'est un fait. Ça se comprend, je ne suis jamais là.
Avant, je faisais plein de fêtes… mais à être pris tous les week-ends de l'année, quand est-ce que tu as le temps d'aller aux barbecues, aux anifs, quand est-ce qu'un pote t'appelle pour aller boire un coup ou deux dans un bar?
Je me sers un verre.
En plus je suis seul ce soir, Cécé rentre de tournée dans deux jours. Et moi, je repars le lendemain. Elle ne voudra jamais se faire une bouffe, elle sera naze, et moi aussi de toute façon.
Je ne sais plus si j'en ai marre de voir du monde ou si j'aimerai bien.
Regarde-toi en face. 
Toi qui étais  au centre de toute une bande de potes, tu n'as plus d'amis. 
Tes meilleurs potes, c'est "allez, salut". 
De ton voisinage, plus personne ne passe. 
Tu n'as plus aucune relation régulière avec personne par ici.

Putain je suis seul, et ce soir, personne ne viendra.

Le succès est un esseulement.





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  • Re: [rue] Carnets de rue - Inavouable -, Perrine Anger-Michelet, 17/12/2018

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