A Brest nous avons pu manifester tranquillement jusqu'à présent,
nous verrons samedi ! Je crains que les déclarations de Castaner
et Philippe sur les mesures mises en place pour samedi prochain
en énerve plus d'un de part et d'autre et quoi dire du projet de
loi sécuritaire à venir ! Sous couvert de renforcer les sanctions
contre les violences on va interdire définitivement le droit à
s'exprimer dans la rue. La bise à tous.
Chargée de tout.
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BILLET POUR CEUX QUI ONT UN PEU LA TROUILLE AU CUL D'ALLER
MANIFESTER SAMEDI
par Yak Wasabi
Ami citoyen et camarade, si tu as les miquettes d'aller dans la
rue après les images de guerre civile de BFMTV mais que tu as
envie d'user de ta liberté de manifester ce samedi avec ou sans
gilet jaune – perso, je n'en ai pas –, voici quelques petites
astuces pour te permettre de passer une bonne manifestation.
[Ce billet ne s'adresse pas aux Néandertaliens qui balancent des
pavés sur la police ou sur leurs copains par inadvertance, ou
qui brulent des voitures de prolétaires, pillent des magasins,
insultent les passants qui n'ont pas de gilet jaune, etc.]
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PRÉAMBULE
Juridiquement, tu as le droit de participer à toute
manifestation, même non déclarée ou interdite. Mais ces
jours-ci, le pouvoir veut te foutre la trouille et met tout en
œuvre pour te dissuader de sortir de chez toi par la propagande
télévisée, la menace des discours politiques ou la violence
policière.
Selon Amnesty international et l'Action chrétienne pour
l'abolition de la torture (ACAT), la France est le pays européen
qui a l'arsenal le plus répressif et qui cause le plus de
blessures lors des manifestations. Parallèlement, de nombreuses
mesures illégales sont prises par les forces de l'ordre pour
empêcher ou décourager les manifestants avant même qu'ils
n'aient commencé à défiler, par exemple en les cueillant aux
péages ou à la descente du train.
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PRÉPARATION
Une manif réussie est souvent question de préparation pour se
rassurer, surtout quand on a pas trop l'habitude et que BFMTV
montre des incendies, la police qui passe 4 par 4 armée
jusqu'aux dents prête à bondir, et des yeux crevés.
Achète de l'eau sur le parcours. Ça fait vivre le petit commerce
local, ça permet d'arriver sans sac à dos et de te rincer les
yeux au cas où tu aurais le vent de face quand vont pleuvoir les
lacrymos, qui font pleurer même si elles éclatent à 200 m.
Si tu veux t'approcher à 100 m, privilégie le masque de plongée
et le foulard mouillé. Plus près, il faut un masque
respiratoire.
Attation ! Tu peux te faire tchourer ce matériel par la police –
même le foulard – avant d’avoir atteint lieu de rassemblement.
Des dosettes de Dacryosérum peuvent même être la preuve
indéniable que tu vas participer à un rassemblement ayant pour
but de troubler gravement l'ordre public et de faire s'abattre
la peste et les sauterelles sur notre beau pays. Mais tu peux
les acheter sur le parcours. Ça fait vivre le petit commerce
local.
Généralement, la police explore les sacs à dos mais fouille
rarement au corps les gens allant manifester. Donc, évite le sac
– assez gênant s'il faut décamper – et porte le petit matériel
sur toi.
Ou bien trouve auparavant une planque dans une rue sur le
parcours de la manifestation pour y dissimuler tes petites
affaires de protection. Derrière une poubelle, par exemple.
Ou bien emprunte les petites rues pour te rendre au point de
départ de la manifestation (sauf que samedi dernier j’ai croisé
dans une petite rue pour me rendre au point de départ de la
manifestation une dizaine de gars de la BAC qui se préparaient…
J’ai rarement pris autant l’air de rien.)
Ou bien rejoins la manifestation en cours de route après l'avoir
attendue dans un café. Ça fait vivre le petit commerce local.
Évite d'emporter un Opinel, un club de golf, une
moissonneuse-batteuse, une scie à chantourner, ta belle-mère, ou
tout autre objet tranchant ou contondant.
Prends ta carte d'identité au cas où tu te ferais gauler. Ne
prends pas de carte de crédit mais du liquide.
Ne prends pas tes clefs de voiture. Laisse-les à l’intérieur de
ton pare-choc. Privilégie un parking souterrain.
Ne prends pas ton portable si tu ne veux pas que tous tes
contacts se retrouvent entre les mains de la police, notamment
si tu es militant. Prends un vieux portable avec ta carte SIM.
Ou prends un portable pas cher avec carte.
Écris sur ton bras le numéro de portable de ton avocat – il est
rarement à son cabinet le samedi soir – et d'un contact de
confiance.
Prends des vêtements neutres et chauds, et des chaussures
confortables qui ne prennent pas l'eau. Si tu es une fille, mets
une brassière plutôt qu'un soutif. On peut te demander de le
retirer au commissariat si tu te fais gauler.
Pour ceux qui veulent s'amuser avec le canon à eau, prévoyez des
affaires de rechange que vous confierez à un ami moins con que
vous qui restera sur l'arrière.
Il est utile de prendre des gants pour ne pas s'abimer les mains
si l'on tombe, et un bonnet pour ne pas se prendre directement
sur le crâne une cartouche de lacrymo tombée du ciel.
Les plus audacieux peuvent porter un casque de vélo, voire un
casque de spéléo, mais un magistrat a d'ordinaire quelques bases
en topographie locale et il est difficile de lui faire gober
qu'il existe une grotte préhistorique souterraine à proximité
d'un point de fixation policière.
Ça peut paraître un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire
beaucoup si vous pouvez passer une bonne manif.
Toutes les dernières manifestations, dans toutes les villes, ont
généré une violence policière disproportionnée et tout un tas
d’ennuis et de blessures chez des gens pacifiques qui n’étaient
pas préparés.
Une fois bien protégé des gaz, on peut s'approcher du groupe de
batucada pour danser, même dans les nuages de lacrymos, et la
manifestation devient alors assez fun. Jusqu'aux charges. Là,
c'est Maman les Indiens…
Prends un marqueur. Ça permet de laisser des messages à tes amis
derrière des panneaux de signalisation repérés à l'avance. Genre
: Fatigué, je me suis posey au Baron pour faire vivre le petit
commerce local.
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PENDANT LA MANIFESTATION
Reste en groupe. Vérifie régulièrement que tout le monde est là
ou à proximité. Si tu t'arrêtes pour satisfaire un besoin
naturel, va dans un bar avec tes amis pendant quelques minutes.
Ça fait vivre le petit commerce local et au train où avance une
manifestation, vous aurez tôt fait de la rattraper.
Dans la mesure du possible, reste sur les extérieurs du cortège.
Repère les lieux de dégagement, comme les rues perpendiculaires
ou les commerces. Si la manifestation doit passer sous un pont,
trouve un autre passage. Emprunte une rue parallèle au cas où le
cortège prendrait un endroit resserré, etc.
Observe où se situent les unités de gendarmes mobiles statiques
qui boucheront les artères de dégagement si tu viens à décamper.
Regarde où sont les voitures de la police nationale qui peuvent
arriver très vite en convoi et couper une manifestation en deux
pour l'affaiblir. Et surtout, cherche la BAC et notamment ceux
qui sont à moto. Les voltigeurs sont de retour, même s’ils sont
officiellement interdits.
Ne parle pas à la police. Même pour leur dire qu'ils ont gagné
150 euros grâce à toi. Plus la police et les manifestants sont
proches, plus ça génère de tensions inutiles. Lorsque la police
se tient à 100 m du défilé, ça se passe bien d’ordinaire. Mais
si deux ou trois crétins viennent les énerver, ça peut déraper
très vite.
Ne brandis pas le majeur vers le ciel en criant Nique la police
quand passe l’hélicoptère de la préfecture ; le conducteur ne te
voit pas et ne t’entend pas. Bon, en fait, fais ce que tu veux,
c’est plutôt rigolo.
Bref, fais tout pour te trouver loin des forces de l'ordre (ou
du désordre) sauf si tu veux voir ta tête sur les réseaux
sociaux avec un œil en moins. De nombreuses personnes totalement
pacifiques ont été surprises par une charge et blessées
inutilement. Si tu sens que ça va chauffer et que tu n’as plus
tes jambes de vingt ans, n’hésite pas à te dire que c’est bon
pour aujourd’hui. Trouve un café et fais vivre le petit commerce
local.
Si ça charge, ne cours pas, même dans les mouvements de foule.
Cherche l’endroit le moins dense pour te retrouver avec tes
amis. Ne crie pas, ça ajoute à la panique générale. Une charge
dépasse rarement 50 m. Tu as le temps de te mettre à l’abri sans
mouiller ton pantalon. Retrouve un point statique de
manifestants. Entonne des slogans ou des chants
révolutionnaires. Ou du Michel Sardou pour amadouer les
policiers.
S’il commence à pleuvoir des grenades fumigènes, regarde en
l’air pour ne pas t’en prendre une sur le museau. On voit
facilement les tirs. C’est très joli. Si des galettes tombent
devant toi, envoie-les d’un coup de pied dans le caniveau et non
sur les forces de l’ordre. La police aime rarement qu’on lui
renvoie les cadeaux qu’elle offre de bon cœur.
Ne ramasse aucun objet au sol. Aucun ! Jamais !
Ne shoote dans aucun objet solide. Si c’est une bombe de
désencerclement ça emporte un pied pour toute ta vie. Si c’est
un pavé, ça fait très mal.
Évite la position du Christ en croix devant la police pour dire
que tu milites pour la non-violence et la paix sur la Terre.
C’est peut-être très joli sur ton Instagram, mais beaucoup moins
sur la table d’opération, notamment lorsque le chirurgien
t’annonce que tu ne pourras plus jamais te reproduire. (Tu peux
ceci dit gagner un Darwin Award.)
Ne tiens rien dans tes mains qui pourrait ressembler à un AK47,
par exemple. Ça énerve un peu les policiers. Si les flash balls
commencent alors à retentir, dégage à plus de 50 m.
Si tu es pacifique et tes amis aussi, mais que vous voulez aller
au contact avec les forces de l’ordre parce que vous êtes
drôlement courageux et que vous voulez exercer votre droit à la
liberté de manifester et dénoncer la police répressive aux
ordres de l’État fasciste qui veut museler le peuple uni qui
jamais ne sera vaincu, faites des chaînes.
Restez toujours ensemble. Si l’un d’entre vous se fait choper,
n’hésitez pas à l’empoigner à plusieurs. La BAC s’en prend
essentiellement aux personnes isolées.
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SI TU TE FAIS GAULER
Tes amis doivent filmer ton arrestation pour témoigner au
besoin. Ils peuvent demander aux gens autour d’eux s’ils ont
pris des photos, si l’on reconnaît les visages des policiers, si
l’on reconnaît les matricules éventuellement, etc. Si tu le
peux, balance ton portable à tes amis.
Surtout, laisse-toi faire. On va te tirer, te pousser, te
traîner sur le sol, tu vas déchirer tes fringues sur le bitume,
te cogner les genoux, etc. Ne résiste pas. Ne crie pas que les
flics sont des p… de leur mère ou des e… de leur race. D’une
part ce n’est pas très poli, d’autre part ce n’est pas forcément
vrai et enfin, c’est interdit. L’outrage et la rébellion sont
les motifs d’interpellation les plus fréquents.
Ne parle pas dans le fourgon. Ni à la police, ni aux autres
personnes. N’invoque ni ton dieu ni ta maman, ils interviennent
très rarement dans ces circonstances-là et ça fait marrer la
police, et puis ça insécurise encore plus les autres..
Une fois au commissariat, tu vas te retrouver dans un endroit
qui sent la pisse et le vomi avec des gens qui répètent qu’ils
n’ont rien fait en pleurant. Assieds-toi sur ton anorak qui sent
la lacrymo, pense à tes dernières vacances à La Baule en fermant
les yeux, apaise ta respiration. Récite de jolis poèmes de René
Char ou de Louis Aragon dans ta tête.
Tu peux demander d’aller satisfaire tes besoins naturels. Tu
peux demander à boire. On doit te servir un repas chaud aux
heures des repas. Tu peux demander à voir un médecin. En fait,
demande à en voir un sans donner aucune explication aux
policiers. Ça te permettra de sortir de l’endroit qui sent la
pisse, tu pourras parler de choc post-traumatique, du bobo à ton
genou, de ton épaule qui fait un peu mal, etc. Le médecin est
tenu au secret médical.
Quand c’est ton tour, donne ta carte d’identité. Si tu ne l’as
pas, la vérification d’identité peut durer quatre heures, ce qui
est très chiant parce que tes amis boivent des bières sans toi
au Baron.
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LA GARDAVU
Si on te soupçonne d’avoir commis ou tenté de commettre un crime
ou un délit puni par une peine de prison, tu vas te retrouver en
garde à vue (GAV).
On va te lire tes droits mais tu ne vas rien comprendre ni
retenir parce que tu flippes ta race.
C’est le moment de retrousser ta manche et de demander à la
personne face à toi si elle veut bien avoir l’obligeance de
composer le numéro de portable de ton avocat pour qu’il vienne
t’assister.
On va te poser des questions. Ne réponds pas. Dis juste que tu
n’as rien à déclarer. On va te dire que comme tu n’as rien à te
reprocher, il suffit que tu répondes à deux ou trois questions
et puis tu pourras sortir rejoindre tes copains au Baron qui
participent à l’enrichissement immodéré du petit commerce local
puisqu’ils en sont à la cinquième tournée. Réponds que tu n’as
rien à déclarer. Ou alors dis comme Julien Coupat : « L’État a
peur, la DGSI se venge. » Mais bon. c’est Julien Coupat et il a
l’habitude des gardes à vue et de la DGSI et pas toi. Donc, ne
dis rien.
La police est plus forte que toi. Elle ne se laisse pas
apitoyer. Elle ne se laisse pas impressionner. Ce n'est pas ton
amie. Elle fait son métier et elle le fait bien d'ordinaire. Et
puis actuellement elle est plutôt vénère et prend vite le
bouilli. Compte les carreaux du lino et attends en silence.
On peut te demander de prendre tes empreintes et un peu de ta
salive pour te mettre dans des fichiers secrets qui vont te
suivre toute ta vie et t'empêcher d'être maîtresse d'école ou
gardien de la paix. Tu peux refuser mais ça peut te causer des
problèmes. Vois ça au préalable avec ton avocat.
On peut te demander le code de ton portable que l'on t'aura déjà
confisqué. D'où l'intérêt de ne pas avoir de portable ou d'en
avoir un sans contact enregistré.
Amandonné, ton avocat va arriver. Là, tu pourras craquer si tu
veux. C’est ton seul ami. Fais tout ce qu’il te dit.
Après, c’est son job et les conseils de cette page s’arrêtent
là.
Quelques trucs sur la GAV : tinyurl.com/lagardavu.
En fait, le mieux c’est de suivre le conseil de Dexter :, «
Never get caught » (ne te fais jamais gauler putain !)
.
CONCLUSION
Bonne manifestation à toi ! Profite de ta liberté, montre ta
solidarité, rencontre des gens que tu n’aurais jamais croisés
ailleurs.
La démocratie est née dans la rue. Toutes nos avancées sociales
ont été conquises dans la rue. La rue est à ceux qui la prennent
!
Vive la Liberté ! Vive la Fraternité ! (Pour l’Égalité, y’a du
boulot.)
P.-S. Donne en commentaires tous les conseils que tu voudrais
voir ajoutés à ce billet.
P.P.-S. Normalement je suis tous les samedi à 14h30 place de la
Bourse à Bordeaux à côté du drapeau républicain espagnol.
N’hésite pas à venir me claquer la bise. Et puis en fin de
manifestation on pourra boire des bières au Baron et enrichir
jusqu’à pas d’heure le commerce local en parlant du nouveau
monde qui reste à construire.
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Photo : Daodi Yeti.
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