Castaner, le pétrin et la pitié.
Les paupières en capote de fiacre, le teint have, les joues mangées d’une barbe noctambule, vous semblez, Monsieur, lessivé, rincé, fourbu, telle une guimbarde aux pneus lisses.
Mais quelle idée vous prit donc de vous en aller au chevet d’un policier blessé, louable manifestation de commisération ministérielle, hélas gâchée par une prise de parole assez calamiteuse.
L’on vous sait gaffeur, relou et empoté: pour renfort de portage, votre garde-robe parfois adornée de si peu seyantes vestes à carreaux sans doute achetées au « Brummell’s » de Forcalquier, vous confère un petit côté Aldo Maccione qui porte ombrage à l’autorité dont vous êtes dépositaire.
Sans doute auriez-vous été plus dégourdi en quêtant les bons tuyaux auprès de nos dandys de grand chemin, tel Jack Lang et François Fillon, dont la mise ne souffre point la critique.
La charité, la pitié, commandent de ne point charger davantage votre barque; le despote, tout ainsi que le baron Philippe, ne cessent de vitupérer.
Le monarque qui vous a préféré à Monsieur de Péchenard qui avait les faveurs du Premier ministre, se mord à présent les doigts d’avoir eu la main si peu heureuse.
Le baron Philippe qui ne vous souffre pas même en peinture, grince que l’on ne fait pas d’un chauffeur de salle le premier flic de France. A l’énoncé de votre nom, la Cour lève les yeux au Ciel , soupirant, soufflant, rappelant à l’envi que, dans votre lointain passé de socialiste apostat, l’on vous collait le gentil sobriquet de « Simplet ».
Vous voici donc dans le pétrin, contraint d’avouer que vos mots furent excessifs lorsque vous dénonçâtes « l’attaque » du lazaret de la Pitié-Salpêtrière. Maladroit que vous fûtes, à gâcher le succès qui vous permit de sauver votre tête à l’issue d’un Premier mai plutôt calme, miracle du muguet et de ses délicates clochettes.
Caramba! Vous salopâtes le boulot avec une boulette lancée au LBD!
Vos imagiers avaient pourtant tenté de réhabiliter votre réputation de teuffeur impénitent en suscitant çà et là des articles vantant votre dévouement à la tâche, vos nuits passées sur modeste lit de camp…
Qui abusait-on avec ce story-telling surgelé cependant que vous vous éclatiez sur le dance-floor d’une boite de nuit?
Notre roi, le Gamin suprême, vous remonta les bretelles pour le plus grand plaisir du baron Philippe qui, à présent, se prend même de regretter Monsieur de Collomb, votre prédécesseur.
Vos jours en l’hôtel de Beauvau seraient-ils donc comptés?
Le despote se trouve bien seul à faire blinquer les cuivres de sa renommée couverte de vert-de-gris. Il craint comme peste que la coterie menée par Madame de Loiseau vienne à mordre la poussière face à Tata Marine lors des prochaines européennes.
Il se dit qu’il se montrerait sans pitié pour celles et ceux à qu’il ne manquerait pas d’imputer un échec qui ternirait le second épisode de son règne.
Il se dit encore, Monsieur, que même en cas de succès, vous seriez condamné à l’exil, à l’oubli, relégué en votre bastide de Forcalquier.
Votre statut de grognard de la première heure ne vaut point assurance-vie…
Hervé Karleskind, publié le 04/05/2019
https://blogs.lexpress.fr/chroniques-politiques-marquise-sevigne/2019/05/04/castaner-le-petrin-et-la-pitie/