Liste arts de la rue

Archives de la liste Aide


Re: [rue] Un sacré dilemme


Chronologique Discussions 
  • From: "jean-jacques delfour" ( via rue Mailing List) < >
  • To:
  • Cc: Liste Liste rue < >, Fédération de la rue < >
  • Subject: Re: [rue] Un sacré dilemme
  • Date: Tue, 5 Nov 2019 00:08:56 +0100

Bonsoir
Les machines de FD sont des marchandises spectaculaires douteuses. Que l'on en juge ci-après:

Le lun. 4 nov. 2019 à 23:15, Jacques livchine < "> > a écrit :
Delaroziere devait-il accepter de collaborer directement avec la mairie de Calais  droitière et anti migrant ?
Trahit-il le Channel ? 
Je connais François et Francis , deux êtres assez exceptionnels. 
Il était question pour la mairie  de faire un parc d’attraction sur le lieu même de l’ancienne jungle des migrants.
Je ne sais pas quoi dire. 
Delaroziere pouvait il refuser ce contrat mirobolant ? 
Je n’ai qu’un autre exemple  : les USA avaient proposé à Zingaro de monter un immense parc d’attraction ayant pour dominante le cheval,  Bartabas avait refusé.
Le  Channel  est  pour moi une Scène Nationale modèle.  Parce que régulièrement elle ose le grand événement qui s’adresse à la ville toute entière. 
Nathalie Bouchard ne prend pas de gants pour piquer les idées de Francis PEDUZZI.
 Un  jour de finale de coupe du monde elle a vu tout Calais sortir dans la rue pour suivre le combat du dragon que Delaroziere allait livrer à la Chine , et d’une araignée géante,   j’y étais , j’ai vu la Culture  triompher du football, alors évidemment la Mairesse a vite compris qu’il fallait mettre le grappin sur la Machine et provoquer un court circuit avec le Channel qu’elle a toujours considéré comme un repaire d’écolos et de gauchistes. 



A Calais, un dragon pour sortir de la « jungle »

Le dragon conçu par la compagnie La Machine, à Calais, le 1er novembre. FRANÇOIS LO PRESTI/AFP

Laurent Carpentier

L’animal, créé par François Delarozière, est le cœur d’un projet urbain destiné à redorer le blason de la ville

REPORTAGECALAIS

Toute la ville semble s’être déversée dans les rues derrière l’immense créature. Tel le joueur de flûte d’Hamelin, le dragon – 72 tonnes de vérins et de capteurs, d’acier et de bois sculpté, pattes énormes, yeux sanglants, gueule à faire se cacher saint Georges sous son armure – entraîne derrière lui la population de Calais, compacte face à la pluie et au vent. Manœuvré par une quinzaine d’artistes, il avance, majestueux, ponctuant sa marche de grands râles indolents. Soudain, toutes ailes déployées, il crache. Des flammes. Plus loin, il s’arrête à la hauteur d’un balcon, dans un tête-à-tête avec une habitante. Un cormoran esseulé traverse le ciel gris.

Flux migratoires

Le temps d’un week-end, Calais aura ainsi vécu au rythme d’un conte. Un mythe fondateur, inventé de toutes pièces par François Delarozière, qui, avec sa compagnie La Machine, à Nantes, est devenu un spécialiste du genre. Or donc, raconte l’histoire, échappé des limbes sous la mer, un dragon se réveilla le 1er novembre 2019 sur la plage de Calais, à l’entrée du port. Il entra dans la ville, terrorisant les hommes, qui tentèrent de le repousser pour finalement, au troisième jour, adopter la créature et en faire leur ami protecteur : installé sur le front de mer, promenant jusqu’à 50 humains à la fois sur son dos, pour 9,50 euros par personne, il devint, ou plutôt deviendra, à partir du 17 décembre, le dragon de Calais, pièce maîtresse d’un dispositif de reconquête par la ville de son image.

27 millions d’euros d’investissement sur huit ans pour tenter d’en finir avec une renommée internationale de plaque tournante des flux migratoires. De 2014 à 2016, la « jungle » a en effet accueilli ici jusqu’à 10 000 exilés en précarité absolue… et aussi tout ce que la Terre compte de journalistes. De quoi inscrire dans la durée le portrait de Calais-la-misère.

Mais déjà, quand bien même la région et l’Etat prennent en charge pratiquement pour les deux tiers des dépenses sur la première tranche de 13 millions d’euros, l’opposition dénonce un budget pharaonique. « Les retombées économiques du dragon seront supérieures à l’investissement consenti », martèle Natacha Bouchart, la maire (LR) de Calais, qui n’hésite pas à mettre en regard les 650 millions investis par le port (géré par la SEPD, une société en délégation de service public) pour son agrandissement de 90 hectares pris sur la mer. C’est que, faute de parvenir à boucler le tour de table pour financer le parc d’attractions en faveur duquel elle militait depuis des années (Spy Land, puis Heroic Land), la femme énergique au regard tranchant s’est mise à rêver du modèle nantais et de ses « machines » qui ont fait le tour du monde.

Le dragon n’est ainsi que le dernier épisode d’une longue histoire entre Calais et le bestiaire mécanique de Delarozière. En 1994, à l’ouverture du tunnel sous la Manche, la compagnie Royal de Luxe de Jean-Luc Courcoult, à laquelle collabore alors Delarozière, est invitée à y jouer sa Saga des géants. Les plus vieux s’en souviennent. Francis Peduzzi, déjà à l’époque directeur du Channel, la scène nationale de Calais, repère le plasticien qui a imaginé ces machines monstrueuses avec Courcoult. Il demande à Delarozière de dessiner la salle de spectacle qui va préfigurer ses futurs locaux dans les anciens abattoirs de la ville. Entre les deux hommes, une longue amitié. Le premier finançant les premiers spectacles du second, et les Calaisiens découvrant, au fil du temps, ses machines infernales : Les Girafes, avec Royal de Luxe, puis, avec La Machine, Kumo l’araignée, Long-Ma le cheval-dragon…

Aujourd’hui, Francis Peduzzi est paradoxalement le premier à critiquer le projet. « Avec le dragon, on est dans le commercial, dans le grand discours de l’attractivité », assène-t-il au téléphone depuis l’Italie où il est parti pour l’occasion travailler « au calme ». En 2016, après Long-Ma, il n’avait pourtant pas hésité à donner le numéro de François Delarozière à l’adjoint à la culture de la ville. « Avec la maire, nos relations, c’est les montagnes russes, explique-t-il. Je l’ai vue hurler pour défendre quelque chose et puis hurler dans le sens inverse. Elle a une conception de son rôle envahissante et autoritariste qui n’arrive pas à intégrer que le Channel est une structure autonome labellisée. » Ce qu’il ne supporte pas dans le projet du dragon de Calais, c’est le côté fête foraine, l’instrumentalisation de l’artiste en alibi politique.

Elève des Beaux-Arts, passé par le lycée agricole, François Delarozière reste philosophe. A 56 ans, l’ancien accordéoniste de La Rouquine du premier, un groupe de rock musette (Paulo, le responsable des effets spéciaux, y tenait la basse ; Mino, le compositeur des musiques de La Machine, en était le batteur), est aujourd’hui à la tête d’une entreprise de soixante salariés et d’une centaine d’intermittents, dont le chiffre d’affaires devrait atteindre 7 millions d’euros cette année. Il corrige : « Pas une entreprise, une association loi 1901. Aucun dividende versé à des actionnaires chez nous, les bénéfices sont directement réinjectés dans la création, et moi-même je ne suis que le directeur artistique. »

« Apporter de l’espoir »

Dans l’affaire du dragon, il est passé outre l’avis de Peduzzi : « Ce qui m’intéresse, c’est l’espace public. Si un maire me donne les moyens de m’exprimer, sans aucune censure, alors j’y vais. Je ne travaille pas pour les édiles mais pour les citoyens. Francis est un ami, un résistant de la culture. Il fait partie des gens qui m’ont permis de m’émanciper artistiquement. J’aurais aimé que ce dragon soit dans ses mains, mais cela ne l’intéressait pas. » La ville a donc créé une société d’économie mixte, La Compagnie du dragon, pour s’occuper de la bête. Vingt-cinq salariés dans un premier temps et jusqu’à 70, quand la deuxième tranche sera achevée avec l’ajout de quelques varans et iguanes de même acabit. « On m’a reproché d’aller en Chine, parce que c’est une dictature, poursuit-il. Mais j’y vais à la rencontre d’un peupleA Nantes, on a ouvert une porte, et cela fait des petits dans le monde entier. Emmener la culture dans la rue, confronter l’inutile à l’utile, sans filtre, sans barrières de sécurité – avec les autorités chinoises, cela a été épique – pour moi, c’est un acte politique, c’est apporter de l’espoir. »

Position louable mais pas toujours facile à tenir. Surtout quand la maire est prompte à changer de cap. Elle qui voudrait se débarrasser de l’image pesante de « la crise migratoire » n’a en effet rien trouvé de mieux que de faire afficher un arrêté municipal interdisant la distribution de nourriture aux migrants dans le centre-ville : « En raison de la programmation de ces prochaines semaines (…), les familles et touristes sont attendus en masse et les troubles générés par la présence de migrants risquent de fragiliser la bonne organisation de ces événements et surtout de porter atteinte à la sécurité de ces familles. » Tollé sur les réseaux sociaux, lever de boucliers chez les humanitaires, voici Calais de retour à la page migrants. Tant pis pour « l’effet déclencheur » d’un dragon vertueux !

La découverte, le jour de l’inauguration, d’un migrant asphyxié dans sa tente a achevé de ternir le tableau. « Ce dragon me dégoûte », n’hésite pas à lancer François Guennoc, vice-président de l’association L’Auberge des migrants. « Si seulement la maire avait dit : “Ils sont les bienvenus. Eux aussi ont le droit de rêver. Mais elle a fait tout le contraire », déplore-t-il.

François Delarozière pourrait argumenter que son dragon est une parabole, un étranger du bout du monde qui, comme tel, fait peur, que l’on combat avant de l’adopter, mais il n’aime pas prêcher. « Je deviens quelqu’un de connu et on me demande de tenir une parole publique. Je suis plasticien. Parler de la nature de l’homme à travers des actes théâtraux, voilà ce qui m’intéresse. Même quand j’imagine une machine idiote qui catapulte du pain, je parle de l’homme. »

Salué à Paris, applaudi à Avignon, le metteur en scène Julien Gosselin a grandi ici. Lui qui cherchait une maison, une fabrique sur le modèle des compagnies flamandes, c’est-à-dire un lieu de création avant d’être un lieu de diffusion, en a trouvé une sur le port, dans deux grands hangars, grâce à Xavier Bertrand, le président LR de la région qui lui aussi voit dans la culture une main salvatrice. « Calais est vue comme le cœur du réacteur de la crise européenne, analyse le jeune metteur en scène. Les gens la voient comme une ville dangereuse, alors qu’elle est paisible. La violence qu’on y croise – avec ces jeunes migrants qui errent – est symbolique : c’est la violence du monde, la violence sociale, une forme de tristesse contemporaine…Quand a démarré la crise des gilets jaunes, j’y ai tout de suite reconnu quelque chose que je connaissais – avant de découvrir le théâtre au Channel, j’ai passé mon enfance à traîner à la Cité de l’Europe, ce centre commercial que Michel Houellebecq a photographié, et où je me demande bien aujourd’hui ce que je pouvais y faire. »

Au Blue’s Café, grand comme un mouchoir de poche, on joue du tam-tam et on refait le monde. La maîtresse de ce lieu alternatif, Bijou Makanda, sourit tristement : « Je suis arrivée de Caen il y a quatre ans, et j’ai aimé cette ville pour l’habitant. C’est une ville cosmopolite, qui a toujours accepté l’autre. » Pour tout dire, elle la trouve même belle, cette ville, en dépit de ses alignements anarchiques, de ses mochetés architecturales, de ses quartiers éclatés qui semblent rendre la voiture obligatoire. Elle, elle dit juste : « Il serait temps de faire travailler les gens ensemble au lieu de les dresser les uns contre les autres. » A l’autre bout de la ville, tout petit devant le dragon endormi face au va-et-vient des ferrys illuminés, Gordon Cowan, le maire de Douvres, qui a fait la traversée pour le voir, écarquille les yeux : « Impressive (« impressionnant »). »


Envoyé de mon iPad

--
Pour gérer votre abonnement, c'est par ici : http://www.cliclarue.info/#tabs-7
Pour consulter les archives, c'est par là : http://listes.infini.fr/cliclarue.info/arc/rue
Et pour râler, c'est ici : " target="_blank">



Archives gérées par MHonArc 2.6.19+.

Top of page