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[rue] Un article éclairant


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  • Subject: [rue] Un article éclairant
  • Date: Thu, 26 Dec 2019 13:21:37 +0000
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Le théâtre a mal à ses ressources humaines

Face aux conflits multiples entre équipes et directions, consultants, psys et avocats entrent en scène

ENQUÊTE

Cela vient comme un cri du cœur : « On a été et on est toujours naïfs et romantiques. On pensait qu’une direction du théâtre devait être une direction artistique. » Marie-José Malis, nommée en 2014 à la tête du Théâtre La Commune, à Aubervilliers, déchante. Le combat qui l’oppose depuis un an à la chef de la billetterie, déléguée syndicale, et une partie de l’équipe nommée par son prédécesseur, Didier Bezace, n’en finit pas de plomber l’ambiance. « Là-dessus, il faut le dire, on n’a pas été très bons. On vient des compagnies. Habitués au bricolage, on s’est pris un effet de réel », convient-elle.

De Béthune à Dijon, metteurs en scène remarqués, ils ont débarqué dans les centres dramatiques nationaux – consacrés à la création théâtrale –, en pensant toucher le Graal : un lieu et des moyens pour faire exister leur travail à grande échelle au service du plus grand nombre ! Ils ont découvert des entreprises lourdes à manœuvrer, à l’outil souvent obsolète ou à rénover, sans oublier les subventions en berne. Après Rodrigo Garcia à Montpellier, c’est Philippe Quesne qui a jeté l’éponge, annonçant en juillet son départ de Nanterre pour la fin 2020.

Résultat, à Aubervilliers comme partout, les avocats en droit du travail, les consultants en ressources humaines et les maisons d’audit (Technologia, La Belle Ouvrage, PK Consultants) sont désormais sur le devant de la scène… Un marché qu’on n’imaginait pas hier. Psychologues, médiateurs, cursus et plates-formes de formation font partie du paysage. « En bout de chaîne, c’est autant d’argent que les artistes n’auront pas », soupire la directrice de théâtre, épuisée. La formule est dans l’air du temps : « souffrance au travail » à tous les étages.

Micha Ferrier-Barbut est consultante en management. Présidente de l’association Le Pacifique, le centre de développement chorégraphique national de Grenoble, elle a codirigé en 2017 un opus qui a fait débat dans le milieu, La Gestion des ressources humaines dans le secteur culturel (Territorial éditions). « C’est un secteur pour qui le capital humain est longtemps resté un impensé, explique-t-elle. Ces structures se sont construites sur une sorte de militance – laquelle est de moins en moins vraie –, avec des formes d’organisation très hiérarchisées. Pas toujours nommées d’ailleurs, mais des hiérarchies symboliques très élevées. » 

Se livre ainsi en coulisse un combat à couteaux tirés entre la liberté de création et le droit du travail. D’un côté, des artistes patrons défendant la révolution permanente sur le plateau, apanage de l’art, dont la mission est de faire bouger les lignes et d’interroger les marges. De l’autre, des salariés, politisés, cultivés – plus que la moyenne des actifs –, aspirant à une forme de réalisation personnelle, où l’attachement à ces structures implique « une gestion particulière, comme le suggère un consultant. Au risque de voir l’émotivité transformer le conflit social en des clivages de personnes ». Et, pour couronner le tout, derrière l’ensemble, les fantômes très actifs des « hiérarchies symboliques » antérieures – qui, aux temps bénis des vaches grasses, ont pu acheter la paix sociale facilement.

« Des logiques opposées »

« C’est plus facile quand tu as un chéquier, quand l’argent des tutelles est là. Aujourd’hui, tu arrives, tu ne connais rien de la situation, il n’y a aucun système de passation, de tuilage, d’évaluation, prévu… Si tu ne fais pas une dépression nerveuse dans les deux premières années, tu as de la chance », confie le directeur inquiet d’un de ces théâtres, découvrant en marchant les bons vieux acronymes qu’on apprenait autrefois dans les manuels de ressources humaines – le GVT : le glissement vieillissement technicité (le salarié qui vieillit, gagne en savoir-faire et coûte de plus en plus cher), les chartes QVT (qualité de vie au travail), la NAO (négociation annuelle sur les salaires)…

Dans les cinq grands théâtres nationaux aux équipes imposantes (Odéon, Chaillot, La Colline, la Comédie-Française et le TNS à Strasbourg), il y a longtemps que le sujet est maîtrisé. « C’est notre travail de concilier des logiques opposées mais tout aussi légitimes : la compagnie qui est de passage avec une envie de tout bousculer. Et l’équipe du théâtre qui va rester là des années », s’étonne Bethânia Gaschet, l’administratrice de l’Odéon (131 équivalents temps plein, 18 millions d’euros de budget). Tout comme Kim Pham, son homologue à la Comédie-Française, elle est énarque et rompue au dialogue social. Numéro deux du metteur en scène Stéphane Braunschweig, cette normalienne a passé cinq ans au ministère du travail. La captation vidéo des spectacles ? Négociation. Travail de nuit pour la livraison d’un décor ? Négociation. Un metteur en scène hésitant qui fait faire et défaire ? Négociation.

La DRH superstar ? Facile pour les poids lourds aux budgets ad hoc. Mais 93 % des 21 500 entreprises du secteur du spectacle vivant comptent moins de onze salariés (« Il est clair qu’on ne va pas mettre un directeur des ressources humaines dans une boîte où il y a cinq personnes », fait remarquer dans un sourire la consultante Micha Ferrier-Barbut. Restent les théâtres de taille moyenne, tels les CDN, qui, à l’heure de la raréfaction des crédits publics, n’ont ni les moyens de se les offrir ni ceux de s’en passer.

« Professionnalisation ! », affirment les uns. « Institutionnalisation, bureaucratisation ! », clament les autres. Au milieu, le ministère reste silencieux. Faute de stratégie ? Faute de courage politique ? En vingt ans, la subvention au spectacle vivant a baissé (dans la plupart des maisons, les sommes n’ont pas été réévaluées depuis quinze ans), à mesure que le nombre de salariés augmentait (+ 140 % depuis 2000, soit environ 250 000 personnes concernées aujourd’hui, qu’elles soient titulaires ou intermittentes). Comment faire ? Donner à ces théâtres les moyens de vivre selon le modèle établi ou dire qu’il y en a trop et redistribuer la manne financière ? Questions iconoclastes que d’aucuns se posent tout bas. « De tout ça, on en a conscience, au ministère, glisse un ancien de la Rue de Valois. Les CDN et les scènes nationales, c’est comme un aquarium foisonnant. Dont ils vident l’eau. Et ils regardent ce qui va se passer. Qui va survivre ? Les gros ? Les petits ? »

« Trop de théâtre ? Je récuse ce genre de propos »,s’insurge Jack Lang, l’homme qui fut, avec la manne culturelle des années Mitterrand, à l’origine de ce qui était hier une solution, et aujourd’hui peut-être un problème – il en convient lui-même : « En 1981, quand j’ai décidé de faire sauter le système des maisons de la culture, qu’en son temps j’avais trouvé ingénieux, j’ai beaucoup pensé à Jeanne Laurent. Cette femme qui n’avait que le titre de sous-directrice est le plus grand ministre de la culture que la France ait connu. Sa hantise était que les théâtres deviennent des institutions bureaucratiques. Pour elle, les CDN, qu’elle a créés, c’était : un chef de troupe et basta ! Des maisons de la culture, elle disait : “Ces institutions, c’est une catastrophe. Vous verrez qu’elles vont se nourrir d’elles-mêmes et finiront par ne plus rien produire, enfermées qu’elles seront sur elles-mêmes.” A l’époque, il fallait que ces organismes se métamorphosent ou disparaissent. » De là à dresser un parallèle avec la situation actuelle, il n’y a que l’épaisseur d’un sous-entendu…

Vers de nouveaux concepts

Ainsi voit-on des Caroline Guiela Nguyen, des Julien Gosselin, des Sylvain Creuzevault, prendre petit à petit la tangente vers des « tiers-lieux », des « fabriques »… A nouvelle époque, nouveaux concepts. « Forcément. Pourquoi s’embêter avec des théâtres où c’est compliqué et où les artistes n’arrivent pas à faire la différence ? », s’inquiète Marie-José Malis, qui vient de quitter la présidence du Syndeac, le syndicat qui regroupe les dirigeants du secteur culturel.

« Ce n’est pas la bonne façon de considérer le problème », suggère Benoît Lambert, qui dirige le Théâtre Dijon Bourgogne. Lui aussi a eu droit il y a quelque temps à sa grogne sociale – et à son audit – face à l’augmentation des tournées et de la charge de travail. « Je ne nie pas qu’il existe une confrontation entre une éthique des métiers et une éthique de la création, mais je dirais qu’elle est secondaire. Au fond, ce à quoi on assiste, c’est à une démonétisation symbolique de nos maisons. Et pour nous tous, qui travaillons dans les théâtres : un même sentiment d’abandon. Après, c’est la complexité de ces lieux… Un jour, le metteur en scène Pierre Meunier m’a dit : “Pour déformer une structure, il faut la chauffer.” Mais, si tu la chauffes trop, elle casse. Si tu ne la chauffes pas assez, elle refroidit et elle reprend sa forme initiale. Tout est là. Dans ce délicat équilibre. »


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  • [rue] Un article éclairant, Jacques livchine, 26/12/2019

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