Bonjour à toutes et à tous,
Bonjour Christophe,
Merci pour ce mail qui donne l'occasion d'échanger certaines réflexions et idées.
Selon moi, je ne pense pas qu'il soit bon de comparer un spectacle sur la reconstitution de la prise du Kremlin en Russie en 1919 et les spectacles du Royal de Luxe à partir des années 1980, tout comme il ne serait pas judicieux de comparer ce qui s'est fait dans les arts de la rue dans les année 1970-1980 et ce qui se fait actuellement en France. Les époques sont différentes, les contextes, les sociétés évoluent. Pour ma part, les spectacles du Royal de Luxe m'ont fascinée. D'abord parce que j'ai pu en être spectatrice, qu'ils étaient innovants dans ce qu'il se proposait à grande échelle, dans le rapport au public, dans la magie de l'imaginaire suscitée, tout du moins en France à ce moment là. Mais au delà de faire l'éloge du Royal de Luxe, je dirais qu'il n'y a pas de sens selon moi à comparer des spectacles qui n'ont pas les mêmes volontés artistiques au départ. Peut-on comparer des spectacles de la cie Kumulus avec ceux de la cie Willi Dorner ?
Il y a une autre comparaison qui me gêne aussi, celle que tu fais en disant : "Nous sommes une partie du spectacle contemporain et pas des moindres, la plupart des metteurs en scène de salle sont restés à l’âge de pierre du spectacle . Engluer dans des pratiques culturelles mortifères." Pour moi, il n'y a pas à comparer ce qui se fait en salle et en espace public. Proposer un spectacle en espace public est différent de proposer un spectacle en salle. Il y a des exigences différentes. Certes, je suis davantage attirée par ce qui se pratique en espace public, partageant les valeurs du milieu des arts de la rue, à savoir de vouloir désacraliser l'art et le rendre accessible au plus grand nombre, de tout mettre en œuvre pour favoriser l'hétérogénéité des publics, de réinventer sans cesse son rapport avec ceux-ci, de vouloir se mettre dans des situations inconfortables pour la beauté du geste et du risque. L'espace public offre selon moi un espace tellement immense, infini, de possibilités, empli d'histoire, de vie, qu'il en est fascinant de le voir s'animer par des artistes engagés, talentueux, qui l'ont choisi comme terrain de jeu. Cependant, j'ai vu des spectacles en salle qui m'ont vraiment marqués dans le bon sens du terme, May B de Maguy Marin par exemple. Il n'y a pas d'opposition artistique à faire entre ce qui se pratique en salle et en espace public. Il y a selon moi de très bons spectacles en espace public tout comme il y en a de très bons en salle. La qualité fait défaut à certains spectacles mais cela est vrai selon moi en salle comme en espace public.
La différence est que la pratique artistique en salle est plus développée que celle en espace public. Et arrive alors la volonté de vouloir accroître la reconnaissance de cette pratique artistique pour les professionnels de ce secteur. La reconnaissance se fait au travers du public grandissant mais aussi selon moi au travers des institutions, indépendamment du caractère financier. Est-ce que le secteur des arts de la rue et en espace public souhaite cette reconnaissance des institutions ? Je pense qu'il y a des façons de faire à repenser dans le spectacle vivant, notamment dans le secteur des arts de la rue et en espace public et qu'il y a des connexions, des ponts à créer entre celles et ceux qui pratiquent en salle et celles et ceux qui pratiquent en espace public. Il y a de plus en plus d'artistes qui œuvrent à la fois en salle et en rue d'ailleurs, pour des raisons diverses ( facteurs économiques, envie d'expérimenter différents lieux de représentations...)
Voilà quelques réflexions partagées...
Une pensée pour vous le Pudding, les Jurassiens...
Prenez soin de vous,
Des Bises*
Estelle
La fin de la seconde guerre mondiale est la matrice de la culture que l’on connait actuellement.
C’est ce qu’on appelle vulgairement la décentralisation, un concept méga génial pour l’époque, mais qui maintenant s’est émoussé, s’est institutionnalisé, en tout cas a perdu sa nécessité première.
Cette idée était déjà en vogue dans l’entre deux-guerres, elle prend racines dans les hommes et femmes de cette époque (Dullin , Copeau ,Arthaud, Maurice Potecher du théâtre de Bussang , Firmin Gémier mon préféré , etc …)
Et vous savez quoi, c’est une femme qui est à l’origine de tout ça.
Jeanne Laurent, une visionnaire qui dés que le CNR (Conseil National de la Résistance) a commencé à se positionner sur une société nouvelle et bien elle, avec un petit groupe, elle réfléchissait une culture pour le peuple, et surtout une culture qui va vers le peuple.
Pour la petite histoire, cette grande dame a été remplacée par André Malraux , pas évident d’être femme après la guerre. Un homme ça présentait mieux.
Bref cette grande Dame lance à partir de 1946, une opération nationale de démocratisation du spectacle vivant.
La culture est essentiellement parisienne, il faut irriguer les provinces car le peuple entier a soif de culture, de rassemblements, d’humain …………d’expériences communes.
On est dans une époque où le General De Gaulle a dit :
« Quand il ne reste plus rien, il reste la culture »
La culture au sens large du terme
A la fin de la guerre le territoire est exsangue, il n’y a pas d’infrastructures culturelle en France, rien, que nenni.
Et dans un premier temps, y’a pas à tergiverser, pour que cette mission réussisse, il faut aller au charbon, réinventer les modes de productions, mais surtout réinventer les modes de diffusion des œuvres en province et pour les banlieues de l’époque
Des troupes se forment autour de metteur en scènes, directeur, c’est le vrai esprit de troupe tel qu’on le rêve de nos jours. Certains achètent des vieux camions des surplus de guerre (le fameux half-track de l’armée américaine) et c’est parti sur les routes ……….
J’ai eu l’immense chance d’avoir été formé par des hommes et des femmes qui avait connues cette époque bénie, des hommes et des femmes qui dormaient chez l’habitant, installaient les scènes, géraient tous les aspects inhérents à une tournée, les spectateurs devaient venir avec leur chaise et payaient un petit prix d’entrée, ceux qui n’avait pas le sou pouvaient voir le spectacle gratuitement s’ils restaient derrière les places payantes.
Et si il n’y avait vraiment pas de pognon , le village nourrissait et arrosait copieusement les artistes .
Le nombre de cuites mémorables doit se compter en milliers, le nombre de VRAI rencontres … en dizaines de milliers.
La place de l’artiste est désacralisée et il reprend enfin son rôle premier d’être avec le peuple et de faire avec, dans une écoute commune, et un besoin partagé.
Images d’archives hallucinantes de foules , tout âge confondu, agglutinés comme des sardines devant un grand classique, il faut dire qu’à l’époque, même celui qui n’a que le brevet des collèges a un minimum d’instruction (hé oui) et connait ses classiques, il connait Molière, Racine, Shakespeare et il découvre avec bonheur des auteurs comptemporains .
Ca joue partout ou c’est possible, extérieur, salles de classes vidés pour l’occasion, grange etc.….
Parce que, il n’y a tout simplement pas d’endroits dédiés au spectacle vivant, et c’est ca qui est fantastique.
Moment où tout a du sens, aller vers, donner sans retenue, éduquer les masses populaires ………
Faire son boulot d’artistes en tirant vers le haut en ayant une vraie réflexion sociologique.
Notre travail DOIT servir à quelque chose. Ok, là, j’enfonce une porte ouverte.
Cela fait de nombreuses années que je me dis que cette époque et le spectacle de rue actuel ont énormément de choses en commun, que notre véritable creuset, hé bien il est là………..
Nos dinosaures Crespin etc. … n’ont ni plus ni moins que réinventer une nouvelle décentralisation.
Je me rappellerai toujours Michel Crespin qui me raconte comment dans les années 70, ils ont inventé des nouveaux circuits en appuyant sur les MJC, et tous ces lieux issus de l’éducation populaire, On invente rien , on réinvente sans cesse …….
Toujours est-il que si tout cela a été possible c’est qu’il y a eu des hommes et des femmes qui ont penser une autre culture, mais surtout ils s’en sont donnés les moyens, leur plan de guerre n’était pas un petit truc à l’échelle d’une ville ou d’une région , mais véritablement un plan d’attaque à l’échelle du territoire, un plan ambitieux qui s’appuyait sur des institutions nouvelles et qui surtout était mené de commun accord avec l’état.
Depuis le début de rue libre je rage derrière mon ordi dans mon jura natal, à me dire, putain on est incapable de se coordonner pour faire une action de niveau national, une action qui passe sur les médias nationaux, on est vraiment des mickeys sur ce point là .vraiment .
Imaginer que toutes les fédérations régionales, les Cnarep, les collectifs non affiliés, les artistes indépendants aient convenu d’un jour et d’une heure pour que dans la France entière on fasse tous une action artistique devant les sièges des France 3 régions, une action coordonnée à l’échelle du pays avec les moyens d’aujourd’hui, l’image, les médias, hé bien je suis sûr que le ministère et son concierge du moment, lui en entendrait parler ……
L’extrême gauche et l’extrême droite on bien compris l’intérêt de l’actionnisme pour faire parler d’eux, ils sont très forts, inspirons nous-en.
Et ce n’est qu’un exemple ………..
Ne le prenez pas mal, je critique juste la lisibilité, mais je loue toutes les bonnes énergies qui y ont cru et y croient encore. Hauts les cœurs …….
Alors pourquoi j’écris tout ca ???? j’écris tout ça parce que je pense qu’il faut rêver loin, très loin et surtout ambitieux , si on veut tirer notre épingle du jeu.
Car en ce moment on est littéralement terrorisé par la vision d’avenir, on réagit, et c’est normal, le nez dans le guidon .(merci à ceux qui militent pour nos « anciens « droits , qui dépatouille ce bordel de notre survie à tous )
Mais permettez-moi une projection :
Et si les outils culturels d’hier n’étaient pas ceux de demain et que nos armes actuelles deviennent caduques, il faut un plan …….
Donc essayons de rêver large, je sais c’est dur, mais si des gens l’ont fait il y a 60 ans au sortir d’un drame quand même beaucoup plus compliqué que ce que nous vivons maintenant .
Pourquoi pas nous ?
Alors comment fait on pour avoir un accès direct au ministère de Franck le branleur et leur expliquer que les arts de la rue sont en capacité et en envie de faire une grande fête nationale de fin de déconfinement ?
Une action coordonnée sur les territoires et la capitale en temps et en heure ;Un moment où on s’accapare véritablement la loi NOTRE.
Ils pensaient nous filer des miettes avec cette loi, et en fait, le local, les territoires, ce sont des terrains de jeu fantastique où nous réinventons des petites décentralisations.
Comment, en accord et complicité avec les scènes généralistes, qui le veulent , car faut le vouloir , (c’est plus un projet A 4 de mes coui……. mais une question de vie ou de mort) .on s’associe .
Cela pourrait être l’occasion de tisser des liens ?
Regarder le nombre de scènes généralistes qui commencent à goûter à nos œuvres, ils sont mûrs. Ils nous regardent encore un peu de haut, mais là, y vont avoir besoin de nous, car ils ne sont plus capables de réitérer le coup d’éclat d’après guerre.
Comment on fait pour se réapproprier notre outil de travail (l’espace public) en accord avec nos tutelles, car on est au bon endroit, on est capable de jouer partout, presque sans infrastructure ; comme les anciens de la décentralisation.
Et je n’insiste pas sur la nécessité de reconquérir l’espace public, l’espace citoyen, chacun est assez malin pour sentir ce qui se prépare.
Si chacun réfléchit dans son territoire à ce que pourrait être cette fête de déconfinement, on pourrait faire d’une pierre plusieurs coups, travailler du local au national en ayant conscience de ce maillage, se ré emparer de notre outil de travail avec la bénédiction des tutelles, et surtout profiter de ça pour faire valoir une véritable reconnaissance.
On est les enfants cachés de la décentralisation bordel de dieux, crions-le, hurlons-le, nos œuvres sont de plus en plus intelligentes, nos écritures sont de plus en plus pertinentes. Nous sommes une partie du spectacle comptemporain et pas des moindres, la plupart des metteurs en scène de salle sont restés à l’âge de pierre du spectacle . Engluer dans des pratiques culturelles mortifères.
Nous on invente depuis 30 ans, on dépoussière (y’a pas que nous dans les salles ça arrive parfois) profitons de nos expériences, valorisons nos pratiques ………
Dé confinons le spectacle de rue avec comme objectif de choper des lettres de noblesse, soyons ambitieux si on veut avoir ne serait-ce qu’un quart de ce qu’on rêve.
Et je finis par une anecdote artistique :
Un des plus grands spectacles de rue du 20 ième siècle s’est déroulé en Russie en 1919, c’est la reconstitution de la prise du kremlin par les révolutionnaires, d’ailleurs toutes les photos qu’on a de cet événement ont été prise ….en 1919 (le drapeau rouge sur le kremlin vous voyez)
Chœur de l’armée rouge mis en scène sur le toit du kremlin et rediffusé avec les premiers haut parleurs (c’était le nom)
Ensemble philharmonique aux fenêtres d’immeubles, des milliers de figurants, la société civile mise en scène, l’armée etc. ……..
Deux trains équipés en scènes de théâtre; sur les toits et dans les wagons découpés pour le coup; ces scènes mobiles pouvaient arriver de cour ou de jardin (ils ont monté les rails pour l’occasion)
Bref, même le royal de luxe n’a pas fait aussi fort.
Et c’est normal c’était un théâtre instrumentalisé par le pouvoir en place.
Revenons à nos moutons
Si le ministère suivait on pourrait déconfiné avec art et humanité la France entière.
On est j’imagine beaucoup à avoir eu l’idée de Chtou concernant les grosses déamb, mais y’a sans doute un immense rituel à réfléchir ……et tout ce à quoi je ne pense pas.
Et si on est pris pour des fous , des utopistes , des punks a chiens, des sous artistes alors niquons tout le monde et fesont le en mode « armée des ombres » (ref : resistance francaise )
Inspirons nous des « yes men » et des extremes de tout bords, eux y savent faire .
Bon j’ai totalement conscience que tout ça est un peu mégalo, ceux qui me connaissent savent que j’assume, mais sachez que toutes les grosses crises ouvrent des opportunités incroyables pour la culture, ça a presque toujours été vrai dans l’histoire.
Chatelain Christophe. Génération mammouth du théâtre de rue.
Lucile Chesnais
Port pro : 07 82 02 23 72
Port perso : 06 67 74 50 21
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L’AGITÉE
Accompagnement de projets artistiquesCréation et organisation d’évènements artistiques et culturels
Diffusion : « Broncaravane » - Le Mitch (51), « Doppelgänger » - BRONCA (51), « Le Projet Laramie » - Cie Jour de Fête (64)
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Pudding Théâtre - Mesnay, Jura (39)
Chargée de prod et de développement
théâtre de rue
Facebook: Pudding Théâtre
site internet : www.puddingtheatre.fr
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Cie L'oCCasion - Besançon (25)
Chargée de prod et de développement
théâtre
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Francomtoise de Rue - Franche-Comté
collectif de cies franc-comtoises d’arts de rue
coordinatrice
site internet : www.francomtoisederue.com
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FAREST - membre du CA, référente BFC
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