Traduire Macron
Suite à son « intervention »
du 6 mai
Macron est un vrai opposant. On a quand
même affaire à une sacré bête de communication, mais au delà qui
maîtrise son sujet et est capable de l'enrober comme un bon
communicant, donc commercial, sous les atours les plus diverses.
Merci à ces artistes en visio conf
devant le président de nous représenter alors que je sais même pas
qui c'est. Un audit de leur présence serait sûrement intéressant
pour en savoir plus sur leur prise de position.
Il y a beaucoup à dire, mais voici une
lecture du fond ; qui n'engage que moi bien sûr.
Première chose :
résilience et résistance. Ou comment
renommer la situation d'urgence actuelle.
Avant de parler de la mesure, actons
quand même que Macron décrète que le temps n'est plus à
l'urgence. Mais bien à la résilience et à la résistance.
Ainsi, nous pouvons considérer que les
réponses sont apportées, et que les cas particuliers seront donc
amenés à faire preuve de résilience et de résistance face aux
situations qui pourraient ne pas trouver leur réponse dans ces
décisions.
On va donc mettre en acte une première
chose :
vous n'êtes pas intermittent du
spectacle : dégagez y a rien à voir.
Primo entrants, RSA, congés maternité,
régime général... cela ne concerne pas la culture.
La mesure : Année blanche.
Jusqu'en aout 2021. on doit donc
considérer la réponse apportée comme la prolongation / prorogation
des droits pour 12 mois à compter de juin. Quelles conditions,
quelle application ? On verra.
Un pacte de confiance comme définit
par le Ministre Riester, avec contreparties donc. Car si pas de
contrepartie pas besoin de confiance. Je te donne c'est tout. Non là,
il y aura bien contrepartie de la part des Artistes. Ils n'ont pas
parler des professionnels de la culture, mais des artistes (parfois
des techniciens) encore une fois : si vous n'êtes pas
intermittent du spectacle : circulez bon sang.
Alors OK. Victoire. De secteur. De
privilège. Les intermittents du spectacles viennent de gagner 14
mois de rab d'allocations chomage prisent sur les impots et la dette
de l'état français.
La solidarité de la nation entière
vient de jouer en faveur de 280 000 intermittents touchant des droits
aux annexes 8 et 10....
On en reste là pour le côté précarré
culturel et défense de l'intermittence du travail et de l'ensemble
des précaires qui en septembre vont saigner à cause de la mise en
œuvre du second volet de la réforme 2019 de l'assurance chômage
dont les intermittents ont été épargnés. (ce qui a été rappelé
hier dans le Monde par un groupe de pression industriel...)
mais en fait ça n'a aucune importance.
D'ailleurs Macron a expédié cette annonce en 10 secondes. Sur 20
minutes de discours. Rien que cela montre que cela n'a aucune
importance pour lui.
Maintenant qu'on a réglé l'urgence et
mis la profession en situation de résilience, alors, il peut déroulé
son plan. « Je n'ai pas de plan »... non il n'a pas de
plan de sauvetage.
Il a un plan de refondation.
Voici les mots que j'ai retenu de son
discours enthousiaste.
Industrie Culturelle et Créative
Exception Européenne / Europe de la
culture
Catalogue
Commande Publique
Initiatives / projets/ libérer /
énergies / Innover
Culture Non Institutionnelle (Riester
après parle de nouvelles institutions)
Voici ce que macron disait de
l'intermittence en mars 2017, alors que la gôche s'apprêtait à
voter pour lui : « l'intermittence est une exception qui
n'a pas sa place dans l'assurance chômage et qui parcequ'elle
traduit la spécificité de la culture devrait faire partie
intégrante du ministère et non pas d'une caisse sociale ».
(sur demande je ressors l'interview il suffisait d'écouter à
l'époque. Oui j'assume la pénitence de ses électeurs sera longue
surtout ceux issus de la Culture..)
alors pourquoi sauver une protection
sociale aussi bizarre que l'intermittence ?
Trois ans de pouvoir, deux ans de
gilets jaunes et de manifs en pagailles, des procès à venir au cul,
une répression grandissante, un durcissement et l'optique d'ici à
2022 d'un gouvernement de coalition, d'union nationale, de
rassemblement pour la reconstruction... CNR Jours heureux.. mais à
lui.
Alors forcément, la perspective
initiale d'attaquer frontalement ce bastion sociale de
l'intermittence devient une stratégie dépassée. Il faut ralier les
icones, les modeles, et si Aurore Bergé semble croire que Sibeth
Ndiaye puisse faire figure de modele pour les jeunes, c'est quand
même plus simple de tabler sur des grands noms un peu iconiques,
mais pour nous, quand même à la ramasse et plutot en général en
proximité sociale des détenants des pouvoirs.
Ainsi donc changement de stratégie.
La culture est une arme de manipulation
et de communication. Le pouvoir dans la logique monarchique doit s'en
assurer un contrôle.
La lutte frontale, parce que nous
sommes mobilisés, groupés, et rassemblés a toujours rendu délicats
les volontés de supprimer l'intermittence. Là ou les intérimaires
se sont fait laminer en 2014.
Il est impossible dans un temps de
refondation de ne pas se dotter de la valeur culture et la laisser à
l'opposition. Ils ont parfaitement compris que la Culture
n'appartient à personne, donc a eux. (cf le Petit Prince le
propriétaire d'étoiles) Quand nous disons la Culture n'appartient à
personne donc à tous.
Il faut donc changer de stratégie.
On sait que donner un os, permet au
chien de se taire pendant qu'on ferme les portes de sa cage.
On achete la « paix sociale ».
comme nous sommes structurés, nous défendons au delà de notre
secteur (En tout cas la CIP) tous les intermittents du travail. Mais
les chomeurs, intérimaires ne sont pas pesant dans nos luttes. Nous
faire taire par victoire, réduit au silence ce combat.
Rappel : ça fait deux ans qu'on
entend personne sur l'assurance chômage. Sans la CIP...
Macron, pour nous mettre en situation
de résilience nous achete.
Done. Victoire.
J'ai pris tout ça pour expliquer 10
secondes de discours vous vous en souvenez ?
Ensuite on refonde.
Préalable : Macron n'est pas un
tyran fou, événement unique et exceptionnel. Il évolue dans un
cadre de fonctionnement culturel appelé néolibéralisme et en est
un représentant.
Tout son discours, très bien enrobé
dans plein de belles paroles et de beaux mots que nous utilisons tout
autant, n'est articulé que sur la démonstration de son plan pour
refonder le secteur culturel et artistique selon le schéma
traditionnel économique de tout secteur
« l'économie n'ayons pas peur de
le dire » je le cite.
Parce que la culture est essentielle à
la société ; il faut donc tout faire pour la réinventer.
Innover, libérer les initatives les énergies. Favoriser les
projets, repenser la pratique, le fonctionnement.
État de l'art : le secteur privé
de la culture ne se débloque que depuis peu, (hors paris) et les
mécénats sont en chute libre. La construction de la culture en
france et de son tissu économique par un prisme de fonctionnement
type « service public », passant par des subventions est
peu à peu remplacé depuis 5 ans par un fonctionnement
« investissement projets » via les appels d'offre et la
commande publique.
Macron définit la culture par les
Industries Culturelles et Créatives.
Il exprime que sa vision de la Culture,
comme secteur économique produisant des biens économiques, à forte
valeur ajoutée, (capital culturel cf Monique Pincon Charlot) qui
doivent se produire dans une économie structurée
Micro entreprises, TPE PME moyennes
entreprises grandes entreprises
Ainsi, le financement unique de la
culture par la subvention donc publique n'est pas suffisante dans un
modele économique orthodoxe pour permettre un développement serein
de ce secteur.
L'état ne doit pas être service public mais
simple facilitateur des liquidités, et des mouvements monétaires.
Son appel à la participation de la BPI
banque publique d'investissement traduit bien cette vision.
De fait, l'appel aux « plateformes »
(ergo Netflix par exemple) pour « assurer » les tournages
a venir, correspond bien à un appel de fond d'investisseurs privés
sur un bien ou entreprise.
Une fois que l'on comprend que pour
Macron, ce n'est pas la Culture avec un grand C qui est en jeu mais
l'organisation d'un secteur économique a haut potentiel de valeur
ajoutée (la valeur ajoutée pour caricaturer c'est le PIB) on
comprend qu'un secteur dont l'économie repose sur des fonds publics
et une protection sociale ne va pas dans son cadre de référence.
Il ne s'agit pas de sauver la culture,
elle est sauvée.
Il s'agit de refonder un secteur
économique.
L'introduction de partenaires privés,
via la BPI, via la directive SMA, via les plateformes, créera
forcément un rapport de force défavorisant le rôle de l'état à
la faveur d'agents économiques privés.
Sa solution correspondant à ce cadre
afin de préserver la richesse de la culture, d'en appeler à
l'Europe, à une culture européenne est complètement raccord avec
toute sa politique.
Mais pas la culture humaine. La culture
en bien économique.
L'union européenne est un marché
avant tout. Ce qui explique son rapport à la mondialisation. La
forte valeur ajoutée de la culture acquise par la France, grâce à
la politique publique et à l'intermittence devient une richesse
exportable et monnayable en tant que marché. Dans un marché mondial
concurrentiel, préserver les catalogues correspond bien à préserver
les valeurs des objets économiques. Afin de les valoriser dans des
transactions.
L'aspet immatériel, intangible de la
culture devient valeur comptable. (amortissez vos créations)
Riester y revient en parlant de la
défenses des Actifs des entreprises. (comme pour les banques et les
usines)
il faut donc vite pour refonder la
culture reconstruire le secteur en le calquant sur le modele
industriel, qui se repose sur une conception économique bien connue,
et appliquée partout :
l'offre et la demande, et la
concurrence. Le marché libre et non faussé.
Qui en appelera non plus à l'état,
mais bien aux acteurs économiques pour en faire le développement.
Cela passe par des initiatives locales, personnelles, mais également
par des logiques d'investissements de masses de gros groupes (salut
les musiques actuelles)
on a donc en guise de refondation la
mise en place d'une échelle structurelle du secteur qui se
reposerait désormais sur cette logique vertical de groupes puissants
jusqu'à des TPE et des PME qui s'appuient sur la valeur financière
de leur secteur pour en faire tourner l'économie, avec une présence
marginale de l'Etat comme simple régulateur et moulin à mouvements
monetaires.
De fait, l'inscription en ces termes de
sa refondation crée la nécessité du marché libre, et donc, peu à
peu de l'assouplissement des regles de fonctionnement social :
uniformisation du droit du travail au régime général. (salut les
traités européens)
Nous venons de gagner. Nous venons de
perdre tout soutien. La casse se poursuit pour le régime général.
Nous suivrons. Et nous aurons encore moins de possibilités de
soutiens.
On ne nous affronte plus frontalement
mais nous isolons de plus en plus.
Car nous jouerons nous mêmes la
concurrence car oui, cela n'est pas tout noir ou tout blanc. Nous
sommes ambivalents et pouvons être solidaires comme égoïstes. Nous
saisirons les opportunités et développerons nos activités. La
concurrence rentre comme partie intégrante de nos métiers. Mais
cette fois, sans protection sociale.
Alors le trip sur l'école...
Macron désire t-il un service public
de l'école ?
Même raisonnement, mais la
privatisation est déjà mieux engagée. Il annonce une refonte de
l'école d'ici à septembre. En 4 mois...
là encore ? Valeur de l'éducation
ou opportunité de marché ?
Ce qu'il nous offre, c'est la
contrepartie.
Aller éduquer les enfants....
si on le fait pas, on nous supprime
l'aide.
Si on le fait, on montre que nous
pouvons nous réinventer dans un modele repensé.
Dans la refonte, si l'axe majeur du
travail pour la masse va auprès des enfants, c'est bien que la
Création, celle avec un grand C, ne sera plus que le privilège de
quelqu uns ; Culture du Ministère. Fait du Roi.
Il faudra bien nous recaser.
L'éducation artistique devient la zone
de reconversion professionnelle. Les gamins sont contents. Et nous
auront de belles scènes comme dans les films américains de la
Culture populaire.
A ceux qui disent ça tiens pas les
techniciens etc..
Macron raisonne en structures et en
masses. Pas en individus.
Son modele comptable est un tableau
excel.
Peu lui importe qu'une personne se voit
dans l'obligation d'abandonner son travail. Un Chiffre de moins
remplacé par une autre valeur.
Les masses. Les chiffres. Les
statistiques.
Les intermittents ne sont pas des gens.
Seuls ses copains artistes le sont.
Nous sommes un corps social, une valeur
économique. Sa composition individuelle importe peu comme la nature
individuelle d'un ensemble de compte pas.
En économie d'ailleurs, les habitants
d'un pays ont la même valeur selon la théorie orthodoxe. Il s'agit
de flux et non de gens. Et si au passage certains se suicident...
Pour conclure,
il faut bien comprendre ce qu'il se
passe.
Nous gagnons car nous sauvons pour un
an ceux qui allaient tomber en précarité.
Nous perdons si nous en restons là.
Nous perdons car même une année
blanche pour 280 000 intermittents n'est encore qu'une miette de pain
jetée sur la face d'un modele social à détruire.
La refondation appelle un modèle
économique du secteur libéral. Capitaliste. Classique.
Hors de l'intervention de l'état.
Cela pourrait vouloir dire par exemple
faire entrer des fonds privés dans le capital d'une entreprise
appelée Festival D'Aurillac.
Pour quel intérêt ?
Nous avons les dates.
Fin aout : grands rassemblement
pour décider ensemble ! (ergo : le gouvernement nous dira)
1er janvier 2021 : transposition
totale de la directive SMA de l'UE dans le droit français et
application.
D'ici là : mise en place de fonds
et de partenariats multiples autour du gouvernement par appel au
privé (BPI, assurance, plateformes, banques...)
Restructuration du secteur autour de
l'idée de la Culture de l'Europe face au reste du Monde...
alors ce soir.
On défend quoi ? champagne ou...
david cherpin
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