Merci François,
je ne suis pas branchée sur les ondes mais je me retrouve bien dans son analyse/pensée !
Rappel : Pour celles.ceux qui n'ont pas encore voté pour leur représentant.e à la Sacd c'est jusqu'au 25 juin
La SACD c'est la grande famille des auteurs/autrices, là ou il y a une reconnaissance et un soutien pour l'écriture sous toutes ses formes. Alors, je me présente comme administratrice à la SACD pour vous représenter oui vraiment, vous écouter, transmettre, défendre, construire ... Je suis novice car oui je n'ai pas été formée par mes pairs - ceux qui ont siégé avant moi - et je suis convaincue qu'il y a tout à faire de vous avec moi et de moi avec vous. Que vous vous dites aut.rice.eur des arts de la rue ou de danse, théâtre, marionnette etc ... avec vous j'ouvre le dialogue, le débat, le chemin. Cette année nous sommes deux : Fred Fort (le légitime) et moi (la nouvelle) et oui il me faut me battre pour pouvoir vous représenter (parcours de femme oblige ... GRRR).
avec les mots et avec les baisers
marie do
Ce matin, Jeanne Balibar était invitée dans l'émission "Boomerang", sur France Inter.
"Les mots sont des mots et les
baisers sont des baisers" dit Camille à Perdican dans "On ne
badine pas avec l'amour". Cette phrase, on l'entendait
souvent dans les cours de théâtre : elle me fascinait.
Espoirs de baisers qui soient des vrais baisers, sans doute,
espoirs de mots qui soient la promesse d'un amour vrai, d'un
avenir dans l'art, d'une vraie vie...
Aujourd'hui, j'entends Assa Traoré dire, en réaction aux
propos du Président de la République : "Ce sont des mots...
nous voulons de actes, pas des mots !"
Et je songe à ce gouvernement avec qui, quand les mots sont
des mots, cela ne désigne pas une promesse, mais une
trahison.
Je songe à ce monsieur cynique dans son fauteuil ministériel
qui, après les manifestations, tapote "la violence n'a pas
sa place en démocratie et rien ne justifie les débordements
survenus ce soir à Paris".
Qui fait comme si la violence était du côté de ceux qui la
dénoncent pacifiquement.
Qui semble jouir de vider les mots de leur signification.
Je songe à cette jouissance pratiquée à plusieurs.
Car ce monsieur cynique, c'est aussi celui qui est assis
dans son fauteuil ministériel, Rue de Valois, et qui
photographie les colonnes de Buren, sous ses fenêtres.
La place est vide, le ciel est bleu, le cliché lui plait...
pourquoi se priverait-il du plaisir de le poster sur
Instagram, assorti de la légende "Le Palais Royal, son
jardin, ses colonnes de Buren... un lieu magique chargé
d'histoire, qui reprend vie au cœur de Paris" ?
Ce monsieur cynique-là qualifie de lieu magique son
ministère, où aucun travail n'aboutit, aucune vision n'est
déployée...
Ce monsieur cynique-là sait bien que, sans un plan
d'ensemble chiffré, c'est l'amputation annoncée pour l'art
chargé d'histoire dans notre pays.
Il se le laisse assez dire par les tribunes qui se
succèdent, et dans lesquelles chaque secteur de la vie
culturelle vient, tour à tour, expliciter l'urgence.
Mais, c'est un monsieur cynique... alors, il calcule que
c'est précisément la fragmentation qui va lui permettre de
laisser les gens parler dans le vide.
Et il prépare son tour de passe-passe : faire croire qu'il a
obtenu 1,3 milliard pour la culture, quand il ne s'agit que
de 400 millions à saupoudrer ici ou là...
Et comme c'est un monsieur cynique, il se paye le luxe de
poster la photo de l'entrée de son ministère entièrement
déserte -plus mort, on ne fait pas !- avec la légende "Ça
reprend vie !"
Il paraît que c'est excitant de faire de la provocation...
pour ce monsieur cynique, sans doute !
La partage-t-il, cette excitation, avec ce monsieur cynique
ébouriffé, assis à sa gauche, à la table d'un simulacre de
consultation en bras de chemise, qui se conclura par
"c'était très émouvant... Catherine, Énora, allons chercher
du jambon et du fromage" ?
Ce monsieur cynique-là aussi a bien fait ses calculs : il a
calculé qu'on n'y verrait que du feu, qu'en fournissant aux
réseaux sociaux une punch line sur un tigre et une autre sur
un sandwich, il détournerait l'attention de l'indigence des
annonces et de son silence criminel sur le sort des
intérimaires.
Ce qu'on y a vu, c'est l'absence de sensibilité, d'un
horizon, d'un espoir, d'hypothèse philosophique...
Mais, ce monsieur cynique qui est assis dans son fauteuil
présidentiel, s'en moque éperdument.
Depuis 3 ans, c'est ce même procédé dont il paraît tirer
jouissance.
Faire semblant d'écouter, faire semblant d'être dans une
agora, où il revêtirait, comme dans du mauvais théâtre, des
mimiques de scènes de genre : costume de mimiques "spécial
Gilets Jaunes", "spécial Équipe de France", "spécial Monde
de la Culture" !
Revêtir ces costumes et puis, recourir à une formule en la
vidant de son sens concret.
Et puis, ne rien faire, si ce n'est laisser le champ libre à
la destruction de tout ce qui est notre bien commun.
Que tous ces messieurs cyniques prennent leur jouissance où
ils veulent : ce n'est pas mes oignons !
Mais, dans ma fréquentation des arts, j'ai appris que le
cynisme est la mort de toute qualité et que vider une phrase
de son sens concret, c'est se condamner à être mauvais.
Si on ne pense pas à un vrai petit chat qui est vraiment
mort, quand on dit "le petit chat est mort", ce qu'on fait,
ça ne vaut rien !
Si on dit "je ne laisserai personne au bord de la route", et
qu'on abandonne 2,2 millions de personnes à l'aide
alimentaire, on est juste un cynique qui veut faire
carrière.
Si on dit "la santé doit sortir de la loi du marché", et
qu'on fait semblant de s'occuper de l'hôpital public, pareil
!
Si on dit "la Culture, on y va, on s'engage !", et que l'on
ne fait rien, c'est encore pareil !
J'ai aussi appris que le public sait faire la différence.
Oui, que tous ces messieurs cyniques prennent leur
jouissance où ils veulent !
Pour être des tartuffes, ils n’en sont pas moins hommes et
ils ont leurs démons, c'est bien normal !
Mais, qu'ils ne détruisent pas les êtres humains qui ne sont
pas comme eux.
Et qu'ils ne détruisent pas les lieux où l'on peut, comme
dit Ariane Mnouchkine, "révéler les dieux et les démons qui
se cachent au fond de nos âmes, ensuite transformées, pour
que la beauté transfigurant nous aide à connaître et à
supporter la condition humaine. Et supporter ne veut pas
dire subir, ni se résigner."
Jeanne Balibar
France Inter - lundi 22 juin 2020
https://www.franceinter.fr/emissions/boomerang/boomerang-22-juin-2020?fbclid=IwAR3D4bjR8DfYmpnO186O6fTsSeEMBENdGgRlp5pjSjYBwOcd_WdhOxazvzM
Bravo, merci Jeanne Balibar. Bonne journée,
François
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