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[rue] Liberté fondamentale


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  • Subject: [rue] Liberté fondamentale
  • Date: Thu, 24 Dec 2020 07:45:23 +0100
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La réaction de Samuel Churin à la réponse du Conseil d'État qui confirme l'interdiction de pratiques culturelles et artistiques pendant une période indéterminée. Bravo aux organisations qui ont porté un recours et aux avocats qui ont plaidé.

Bonne journée,
François


                    Une défaite qui masque une victoire

Le conseil d’état a rendu son verdict : rejet de la requête sur l’ouverture des salles de spectacles et de cinéma.
Il est des défaites qui sont des victoires, et ce n’est pas parole de politicien un soir d’élection. Les avocats sont unanimes et c’est rageant : si nous avions attaqué plus tôt, si le jugement avait été rendu avant le week-end dernier (19 et 20 décembre), nous aurions gagné, de manière sûre.
Oui, juridiquement, comme je le prévoyais, le jugement nous est en tous points favorables.
Le juge des référés relève que « la fermeture au public des lieux culturels porte une atteinte grave aux libertés, notamment à la liberté d’_expression_, à la liberté de création artistique, à la liberté d’accès aux œuvres culturelles et la liberté d’entreprendre. Le seul fait qu’une partie des activités concernées pourrait demeurer accessible au public à travers d’autres supports ou de manière dématérialisée ne saurait faire disparaître cette atteinte. »
Première victoire : l’argument du gouvernement qui consistait à expliquer que le numérique permettait cette liberté fondamentale (liberté d’_expression_ etc ..) tombe à l’eau.

La liberté fondamentale est reconnue et gravée dans le marbre.
Le juge ajoute « les exploitants des établissements concernés ont mis en œuvre des protocoles sanitaires particulièrement stricts qui sont de nature, au moins pour une partie de ces salles, à diminuer significativement le risque lié à l’existence de rassemblements dans un espace clos. Le risque de transmission du virus dans les cinémas, théâtres et salles de spectacle est ainsi plus faible que pour d’autres événements accueillant du public, dès lors que de tels protocoles sont effectivement appliqués. »

Deuxième victoire : les théâtres et les cinémas sont moins « contaminants » que les lieux de culte ou autres évènements accueillant du public. Le conseil d’état reconnait donc recevable l’argument apporté par le conseil scientifique et plusieurs études démontrant que l’impact est moindre que pour les rassemblements religieux notamment parce que les fidèles parlent et chantent, arguments présents dans les requêtes déposées.

Enfin, le juge des référés estime que « le maintien de la fermeture au public des cinémas, théâtres et salles de spectacles serait manifestement illégal s’il n’était justifié que parce qu’il existe un risque de contamination des spectateurs, indépendamment du contexte sanitaire général. »

Troisième victoire : le gouvernement ne peut pas mettre en avant que les rassemblements culturels comportent un risque. En effet le risque zéro n’existe pas. Le conseil d’état insiste sur le fait que cet argument est absolument irrecevable.
Pourquoi cette décision malgré un jugement entièrement favorable ?
Le juge des référés relève que « les données actuelles montrent une dégradation de la situation sanitaire au cours de la période récente, à partir d’un plateau épidémique déjà très élevé, et pourraient se révéler encore plus préoccupantes au début du mois de janvier. En outre, la détection d’un nouveau variant du SARS-CoV-2 au Royaume-Uni est de nature à accroître l’incertitude. Dans ces conditions, compte tenu du caractère très évolutif de cette situation avec un risque d’augmentation de l’épidémie à court terme, et alors qu’une décision de réouverture des cinémas, théâtres et salles de spectacles implique généralement une période préalable de redémarrage d’au moins deux semaines, le juge estime que la mesure de fermeture ne porte pas une atteinte manifestement illégale aux libertés en cause. »

Autrement dit : le maintien de la fermeture des lieux culturels n’est justifié que dans un contexte sanitaire particulièrement défavorable.
La mesure de fermeture n’est donc légale que tant que demeure un niveau particulièrement élevé de diffusion du virus au sein de la population, susceptible de compromettre à court terme la prise en charge, notamment hospitalière, des personnes contaminées et des patients atteints d’autres affections.
Autrement dit, l’actualité sanitaire défavorable et dégradée de ces derniers jours l’a emportée sur la liberté d’ouvrir les salles. C’est ce caractère exceptionnel très récent qui a été retenu dans le cadre d’un dispositif légal possible d’urgence sanitaire. Mais la liberté fondamentale n’est pas remise en cause. Elle est même actée par le conseil d’état.

Quelles leçons à en tirer ?
Pour être clair et direct : si on avait attaqué dès le 5 décembre lorsque les commerces et les lieux de culte ont été ouverts ou même avant le week-end dernier, nous aurions eu gain de cause. Tous les avocats sont unanimes sur ce point. Le conseil d’état ne justifie sa décision que par la très récente dégradation de la crise sanitaire. Autrement dit aussi, si les évêques avaient demandé l’ouverture des églises maintenant, ils auraient eu un jugement défavorable. Pourquoi ne sont-elles pas fermées malgré cette décision à notre encontre ?
Le conseil d’état n’a pas été sollicité sur ce point et n’est pas là pour demander leur fermeture.
Les différents dépôts, le caractère dispersé des requêtes n’ont pas été nuisibles sur le fond mais ont ralenti la procédure. Partir ensemble autour d’un même avocat nous aurait permis de gagner les quelques jours qui nous ont empêché de crier victoire tout de suite.
Quelles perspectives ?
Ce jugement favorable fera date, et il restreint le gouvernement. Ce dernier ne pourra plus discriminer les lieux de rassemblements, il ne pourra plus arbitrer d’ouvrir une église ou une salle de vente et pas un théâtre.
Par ce jugement, le conseil d’état demande au gouvernement de revoir sa copie lors de ses prochaines décisions. Autrement dit, l’histoire ne s’arrête pas là. Il y aura des suites judiciaires si le gouvernement n’en tient pas compte.
Ceci prouve une fois de plus qu’il est toujours bon de se battre. Certes nous n’avons pas gagné tout de suite, mais c’est une victoire quand même : le conseil d’état reconnait que la décision du gouvernement de laisser fermés les théâtres et cinémas est injuste et injustifiée et que cela ne pourra pas se reproduire. Il reconnait que c’est une liberté fondamentale, que nous ne sommes pas moins essentiels que les autres. Seule l’actualité récente « sauve » le premier ministre d’une défaite assurée.
Nous donnons donc rendez-vous en janvier en fonction de l’évolution sanitaire. Imaginez bien que nous ne lâcherons rien.
D’ici là, vous pourrez assister au récit de la naissance d’un homme nommé Jésus et pas à la vie d’un homme nommé Tartuffe, vous pourrez assister à une messe de 700 personnes dans la patinoire de Gap alors que dans cette même patinoire les matchs de hockey se jouent à huis clos, vous ne verrez pas Brad Pitt remplacer le curé de Camaret. Les voies du seigneur sont impénétrables, celles du conseil d’état seront à suivre à la lettre.

Samuel Churin

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  • [rue] Liberté fondamentale, francoismary, 24/12/2020

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