Le mouvement d'occupation des lieux de spectacles dépasse la seule demande de réouverture des salles, explique Samuel Churin, membre de la Coordination des intermittents et précaires, qui appelle à le renforcer.
Comment ne pas comprendre que la précarité grandissante nous concerne tous ? Comment ne pas comprendre que 6 chômeurs sur 10 non indemnisés, c’est un massacre ? Comment accepter que 125 000 intermittents du spectacle obtiennent une année blanche quand un million d’intermittents hors spectacle n’obtiennent aucune aide et basculent au RSA ? Comment imaginer qu’un chômeur en fin de droits puisse trouver un emploi en ce moment ? Comment accepter qu’un salarié est une victime lorsqu’il subit un plan de licenciement et un coupable lorsqu’il devient chômeur ?
À mes amis qui réduisent l’occupation des 90 lieux de spectacle à une demande de réouverture, je dis : vous êtes hors-sujet.
À mes amis qui n’ont pas lu les banderoles « Retrait de la réforme d’assurance chômage » présentes partout, je dis : informez-vous et arrêtez de vomir sur cette magnifique mobilisation pour de mauvaises raisons.
À mes amis du monde de la culture qui n’ont pas compris que les lieux étaient occupés aussi par des intermittents hors spectacle, des chômeurs, des auteurs, des étudiants, je dis : allez occuper avec eux et vous comprendrez peut-être mieux les enjeux de cette lutte.
À mes amis qui pensent qu’il vaut mieux occuper ailleurs, je dis : les chômeurs n’ont pas de lieux, les théâtres appartiennent à tous, les débats passionnants lors des agoras organisées partout doivent s’amplifier. Nous avons cette occasion unique de faire le lien avec toutes celles et ceux qui vivent de contrats courts ou qui font partie de la longue liste des 10 millions de pauvres. C’est là que ça se passe, ici et maintenant. Pourquoi retourner dans l’ombre et s’isoler ?
À mes amis qui ne comprennent toujours pas ou ne veulent pas entendre, je dis : vous êtes hors-sujet, hors-sol, hors tout, n’en dégoutez pas les autres.
À mes amis occupants, je dis : continuons de mettre la lumière sur celles et ceux qui n’ont plus rien, sur les précaires réunis enfin dans un immense soulèvement collectif, amplifions, renforçons les occupations, occupons de nouveaux lieux, continuons à construire ce mouvement avec tous ceux qui ne sont jamais entrés dans ces théâtres.
Alors nous pourrons penser ensemble un projet qui ne laisse personne de côté, qui mette l’être humain au centre de toutes nos préoccupations, qui mette le bien commun au-dessus de tout.
Alors nous pourrons de nouveau jouer de grands mythes, de grandes banalités, ou de belles réalités comme l’histoire d’un ouvrier communiste nommé Croizat qui inventa les droits attachés à la personne et la sécurité sociale, prolongement du Conseil National de la Résistance.