95 lieux culturels occupés et mobilisés contre la réforme de l'assurance chômage.
Médiapart 29 MARS 2021 | PAR
CÉCILE HAUTEFEUILLE
Une analyse de l’Unédic mesure l’impact
de la réforme de l’assurance-chômage, telle que présentée dans le projet de
décret. Alors que le ministère du travail conteste cette étude, Mediapart la
publie dans son intégralité.
Comment défendre l’indéfendable ? Bruno
Le Maire était, ce lundi matin, bien en peine de répondre, sur le fond, aux
conséquences humaines de la réforme de l’assurance-chômage. Interrogé par France
Info sur la baisse des allocations, qui pourrait frapper plus d’un million de
chômeurs, le ministre de l’économie a fait diversion.
Il s’en est pris à l’Unédic, le
gestionnaire de l’assurance-chômage, qui a chiffré les dommages dans une note
d’impact, dont le contenu a été révélé, il y a quelques jours, par Le Monde et
AEF. Sollicité par Mediapart, le ministère du travail en conteste également le
contenu.
« C’est le même Unédic, je crois, qui
nous avait annoncé 900 000 suppressions d’emplois en 2020. Il y en a eu 330 000.
Donc je prendrai les estimations de l’Unédic avec beaucoup de précaution », a
taclé Bruno Le Maire, en ponctuant chaque phrase d’un petit silence. Sans
s’embarrasser de sous-entendus, il a sèchement remis en cause l’étude d’impact
et l’Unédic.
L’an dernier, l’Unédic avait
effectivement évoqué le scénario de 900 000 emplois détruits en 2020, dans une
note publiée le 18 juin. Une semaine plus tôt, le gouvernement disait peu ou
prou la même chose en tablant sur la suppression de 800 000 emplois. C’était
d’ailleurs un certain… Bruno Le Maire qui le prédisait, devant la commission des
finances de l’Assemblée nationale. Faudra-t-il désormais accueillir les
estimations du ministre « avec beaucoup de précaution » ?
« Cette tentative de décrédibiliser
l’étude d’impact est révélatrice, réagit Denis Gravouil, négociateur CGT de la
réforme de l’assurance-chômage. Cela montre que le gouvernement est en
difficulté face aux effets estimés de cette réforme. Mais s’ils ne sont pas
d’accord avec les chiffres de l’Unédic, qu’ils produisent leur propre étude
d’impact ! Après tout, ils ne l’ont jamais fait. »
Pressé de répondre sur l’antenne de
France Info, Bruno Le Maire n’a jamais répondu à la question qui fâche. Il a
choisi de vanter une « réforme qui va mettre de la justice », en insistant sur
la taxation des contrats courts et la volonté du gouvernement de mettre un terme
à la « précarité organisée ».
La réforme prévoit en effet d’instaurer
un bonus-malus pour contraindre les employeurs à limiter le recours aux contrats
courts. Ceux qui en abusent verront leurs cotisations augmenter. Et inversement.
Sauf que, comme Mediapart l’a déjà expliqué ici, cette mesure pourrait ne jamais
voir le jour.
Dans un premier temps, le gouvernement
va en effet observer le comportement des entreprises, puis appliquer le
bonus-malus un an plus tard sur les cotisations. Soit quelques mois après la
présidentielle de 2022, et quelques semaines avant de nouvelles négociations sur
les règles de l’assurance-chômage. Autant dire que cette mesure de « justice
sociale » est déjà teintée de quelques incertitudes.
« Il faut dire la vérité aux Français !
», s’est écrié Bruno Le Maire lundi matin, à la radio.
La vérité, c’est que les chômeurs, eux,
seront sûrs de subir la réforme. Dès cette année. Le nouveau mode de calcul du
SJR (salaire journalier de référence), que Mediapart a déjà détaillé ici, sera
le premier volet appliqué, dès le 1er juillet prochain.
L’étude d’impact de l’Unédic en
démontre les effets redoutables. « La réforme du SJR conduira la première
année à diminuer l’allocation de 1,15 million d’allocataires à l’ouverture de
droit (de 17 % en moyenne), tout en augmentant la durée de droit pour ces
mêmes personnes », peut-on lire en page 7.
Un point que conteste formellement le
ministère du travail. « L’Unédic laisse à penser que la réforme impacterait du
jour au lendemain environ 1 million de demandeurs d’emploi, ce qui n’est pas la
réalité, indique par écrit à Mediapart le cabinet d’Élisabeth Borne. Les
demandeurs d’emploi indemnisés aujourd’hui ne sont pas concernés par la réforme.
Seules les personnes qui se retrouveraient au chômage après le 1er juillet se
verront appliquer les nouvelles règles. »
Selon l’Unédic, les allocations chômage
pourront baisser, dans le pire des cas, de 40 % à 50 %. La première version de
la réforme, retoquée par le Conseil d’État, prévoyait une baisse jusqu’à 80 %.
Le projet de décret a donc introduit un plancher pour que toutes les périodes
d’inactivité ne soient pas prises en compte. Ce plancher limite la baisse du
SJR, comme indiqué en page 8 du document.
Ce volet de la réforme conduirait « en
régime de croisière » à des « moindres dépenses de 2,3 milliards d’euros ». Et
40 % de ces économies seraient directement « liées au moindre cumul
allocation-revenu ». En clair, la possibilité de cumuler une allocation chômage
et des revenus issus d’une activité réduite sera amoindrie, voire totalement
empêchée.
Au sujet de la baisse des allocations,
le ministère du travail répond, dans un mail adressé à Mediapart, que « l’Unédic
communique exclusivement sur le niveau d’allocation mensuelle sans rappeler que
le montant de droits accumulés par chaque demandeur d’emploi restera le même. Un
demandeur d’emploi ne verra pas le montant global de ses droits baisser. Toute
baisse d’allocation mensuelle s’accompagnera d’une prolongation de la durée de
versement ».
Et il ajoute : « Ils [l’Unédic] ne
tiennent pas compte non plus du fait que les nouvelles règles visent précisément
à modifier le comportement des entreprises et des demandeurs d’emploi. Le
bonus-malus va réduire le recours aux contrats très courts, ce qui incitera les
entreprises à proposer des contrats de meilleure qualité. Les nouvelles règles
de calcul vont favoriser le recours à des contrats de longue durée.
»
Quant au durcissement des conditions
pour ouvrir des droits, il conduira, selon l’Unédic, la première année, à «
retarder d’un an ou plus l’ouverture de droits de 190 000 personnes [et à]
retarder de moins d’un an l’ouverture de droits de 285 000 personnes (retard
moyen de 5 mois) ».
Enfin, la dégressivité des
allocations chômage devrait produire ses premiers effets à partir de mars 2022.
« Entre mars et juin 2022, 35 000 personnes verraient leur allocation diminuer
», précise l’Unédic.
L’analyse publiée ci-dessous en
intégralité se fonde sur le projet de décret, communiqué début mars par le
ministère du travail. D’où la mention « résultats provisoires » barrant chaque
page. Le décret, lui, devrait être publié dans quelques jours au Journal
officiel. Sauf surprise, il sera calqué sur le texte décrypté par
l’Unédic. Sollicitée par Mediapart, l’Unédic n’a
pas souhaité commenter les propos de Bruno Le Maire. Bonne journée, François |
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