— C'est parti. Mercredi 18 août, malgré l'annulation, aura lieu l'ouverture la plus exceptionnelle du festival d'Aurillac.

Nous sommes au moment où tout est possible, où chacun se demande ce qu'il va se passer, où les équipes se jaugent.

Aurillac, c'est vraiment au bout du monde.

Il a de bonnes chances pour qu'on ne puisse pas jouer.

Et puis à quoi bon? Il n'y aura même pas de programmateur.

C'est même un coup à affronter les CRS, non?

On ne sait même pas s'il y aura du monde...

Mais pourtant...

Pourtant plus de 2380 personnes ont signé à ce jour l'appel de Saint Amand.

Pourtant les gens appellent, se demandent, se motivent, les compagnies discutent, les poings se serrent.

Dans toute la profession, on souffre, oui on souffre de cette deuxième annulation consécutive. 

Deux ans de suite!

Deux ans qu'on nous annule la possibilité de trouver des dates dans le plus gros festival de rue de France. Les directeurs, les maires, les dracs, les préfets, nous disent qu'ils ont fait tout ce qu'ils pouvaient, qu'eux aussi, ils sont très très déçus, mais leur salaire mensuel à eux n'a pas bougé, pas vrai? 

Le nôtre, il a pris un sacré coup dans la gueule, et surtout, tous nos espoirs sont foutus par terre, avec la plus belle chose qu'on sache faire, notre cathédrale d'histoires, avec notre vie entière!

On n'a pas seulement coupé l'herbe sous le pied aux créations, on n'a pas seulement envoyé la jeunesse dans les cordes de la désillusion, on a piétiné notre symbole. 

Pour des raisons sécuritaires absurdes, on nous a décrétés non-gratta, tandis que tout autour de nous, les gens se pressaient, s'entassaient, à Avignon, à Cannes, dans les festivals d'Auvergne, dans le métro, mais nous? Restez chez vous.

Alors Y'en a marre.

Y'en a marre de voir la liberté foulée au pied, partout, sur toutes les chaines, dans toutes les rues, marre de cette gouvernance erratique, de ces solidarités feintes, on voit clair dans ce jeu, on ne se laisse pas bouffer la cervelle par les chiens de garde de ceux qui ont toujours choyé les causes, et qui prétendent nous protéger des conséquences!

On ne se laissera pas marcher sur la vie indéfiniment.

Qui va défendre le théâtre de rue à notre place, si on ne le fait pas, qui?

C'est nous, c'est nous le théâtre de rue. C'est à nous de nous battre, on a toujours été fiers de notre liberté, à Aurillac, on va la mériter!

La fédé s'y est enfin mise, c'est super cool, elle va tenter de réunir le mouvement, de canaliser l'énergie, je ne sais pas si elle y arrivera je lui souhaite, mais honnêtement même si ça déborde, normal, non?

C'est génial. C'est le meilleur plan de l'été.

On va se battre pour toutes ces valeurs qui sont les nôtres, vent debout, la tête haute, sans compter, sous nos couleurs, on va voir se dresser l'Histoire avec une grande hache! Ce sera le cortège militant le plus saltimbanque de la décennie.

Ça va être simple, la veille on se retrouve, toi, moi, nous, les compagnies, et on tchatche, on s'organise, on prend le pouvoir, on partage, on improvise, et le lendemain la rue est enfin à nouveau à nous, à nous tous! Chacun peut avoir sa place, tout le monde compte.

Venons avec nos vélos, on sera plus véloces, venons avec nos costumes, venons avec nos structures, nos camions, venons avec tout ce que nous avons et surtout nos envies, nos folies, venons par dizaines, venons par centaines! 

On va se serrer les coudes, on va chanter, protester, manifester, on va se marrer, on va vivre!

Parce que ce qui est aussi inéluctable que la mort, c'est la vie! La vie, la vie, la vie... LA VIE!!!