Liste arts de la rue

Archives de la liste Aide


[rue] depuis la Catalogne, quelques impressions


Chronologique Discussions 
  • From: Xavier Montserrat < >
  • To: Llista Arts del Carrer < >
  • Subject: [rue] depuis la Catalogne, quelques impressions
  • Date: Tue, 23 Aug 2022 18:53:55 +0200 (CEST)
  • Authentication-results: mx0.infini.fr; dmarc=none (p=none dis=none) header.from=orange.fr
  • Dkim-filter: OpenDKIM Filter v2.11.0 mx0.infini.fr 11A5E2CBD94E
  • Dmarc-filter: OpenDMARC Filter v1.3.2 mx0.infini.fr 11A5E2CBD94E
  • Importance: Medium

Bona tarda a tothom,

Les derniers échanges qui ont eu lieu dans cette liste, ne m'ont pas laissé indifférent. Plutôt contrarié, consterné de voir combien de violence peut se cacher derrière les mots et comment de facile résulte formuler des pensées derrière un écran. Sans interlocuteur. Sans personne qui puisse avec sa seule présence, remettre en question nos convictions.

Depuis bien d'années que je fais partie de cette liste et je ne me souviens pas d'avoir lu des échanges à ce niveau d'irrespect pour l'autre et de haine. Même si parfois il y a eu des échanges houleux... Mais pas à ce point-là, je pense. Est-ce que je me trompe ?

Est-ce la pandémie/confinement(s) qui rend les gens cons ?

Malheureusement, cette liste n'est pas le seul endroit où cette violence transpire. Je ne parle pas de la violence institutionnelle, politique ou sociétale à l'égard de nos métiers et des personnes, mais de la violence des personnes contre les personnes. La violence du chacun pour soi.

J'ai remarqué que presque tout le monde signe les messages au nom d'une compagnie, c'est à dire pour les personnes qui en font partie, n'est-ce pas ? Je signe toujours en mon nom et aujourd'hui je veux vous parler Théâtre.

Si je devais vous parler des conditions de travail auxquelles je me suis confronté au cours des plus de quarante ans de métier, parfois travaillant pour les plus grands, je vous dirais que la seule chose qui m'a tenu droit dans mes bottes, ça a été la passion aveugle pour le spectacle et ma place de gros chiant quand il a fallu défendre les conditions de travail de mes collègues hommes et femmes (et aussi les miennes, bien sûr). 

C'est vrai que chaque pays a ses particularités et que les politiques culturelles et du travail sont parfois très différentes d'un pays à l'autre. Alors, aujourd'hui je ne vais pas parler de droit du travail. Ni français, ni catalan, ni espagnol. Je veux tout simplement parler théâtre et du temps qui passe.

Au cours de ma vie, il y a eu des spectacles et des comédiens qui m'ont profondément marqué et desquels je garde un grand souvenir. Il m'ont fait grandir et font encore partie de moi. En catalan on dit "qui perd ses origines perd son identité".

Le premier qui me vient à l'esprit : Mistero Buffo de Dario Fo, joué par lui même. C'était à Barcelone, au Teatre Grec. J'avais 17 ans. Lui, tout seul sur scène pendant plus de deux heures, habillé en noir et ayant comme seul décor la falaise au fond de la scène.

À partir de là il y en a eu d'autres : Lindsay Kemp, avec ses spectacles Flowers et Songe d'une nuit d'été, les deux finis en orgie ouverte au public (ça c'est vrai), Odin Teatret, Fernando Fernán Gómez, Marcello Mastroianni, Vittorio Gassmann à qui j'ai vu jouer au Piccolo Teatro de Milan, Carmen jouée par la compagnie Antonio Gades (pas le film de Carlos Saura).... et bien sûr La Fura dels Baus, où j'ai joué dans plusieurs spectacles et fait le tour du monde pendant quelques années. C'est avec eux, d'ailleurs, que j'ai fait mes premières tournées en France. À cette époque-là on faisait beaucoup la fête avec ceux de Royal de Luxe et Archaos. On était jeunes (ha, ha, ha, ha)

Si je dois parler du premier spectacle de rue que j'ai vu en France et qui m'a impressionné, ce sera la Guillotine du Théâtre de l'Unité. 

C'était la première fois dans ma vie que j'allais à Paris et quelqu'un m'a proposé d'aller voir un spectacle à Saint Denis. Je ne maîtrisais pas le français et pourtant j'ai tout compris. Après l'avoir vu, j'ai décidé que mon prochain projet consisterait à en finir avec la monarchie espagnole. Pour l'instant c'est raté, mais ça viendra...

Je garde dans ma mémoire des images très nettes de ce spectacle et il me semble parfois d'entendre les voix d'Hervée Lafond et de Jacques Livchine, personnes à qui je n'ai pas eu le plaisir de rencontrer. La place était bondée de gens de partout dans le monde et de toutes les couleurs. Pour moi, c'était une première. Jamais je n'avais vu autant de monde différent. Il faut dire qu'à Barcelone on n'avait pas encore cette diversité de couleurs et de civilisations comme à Paris ou Londres.

Une image qui me vient souvent c'est au moment de vérifier le bon fonctionnement de la guillotine : d'abord ils voulaient l'essayer avec un porcelet. Rien que pour ça, le public a commencé à hurler et à proférer des insultes (en tout cas c'est comme ça que j'ai interprété les cris des gens). Après d'avoir réussi à calmer le public en laissant libre le pauvre animal, ils ont essayé avec un gendarme. Là ça a été unanime : des applaudissements retentissaient partout. Finalement, ça a été fait avec une poupée.

Grâce à ce spectacle j'ai appris l'histoire de la guillotine, comment il fallait la monter pièce par pièce sans se tromper, et, le plus important, à quoi ça servait.

Avec le recul, je me demande si certains des spectacles que j'ai vu ou joué il y a quelques années (trente), on pourrait les jouer aujourd'hui sans qu'un juge ou l'église ou la garde civile ou des associations musulmanes ou juives, ou des associations de protection des animaux ou des partis politiques, ou des associations de parents d'élèves, ou de bien-pensants de tout poil, ne te tombent pas dessus. En Espagne des artistes sont en prison ou en exil. Et ce n'est pas l’extrême droite qui gouverne, sinon la "gauche" bien-pensante formée par le parti socialiste et Podemos. Le "gouvernement le plus progressiste de l'histoire", comme ils aiment nous le rappeler, qui n'hésite pas à justifier et à donner les moyens pour instaurer la forte répression existante en Catalogne depuis des années. Je sais que dans cette liste il y a des personnes qui adorent la mairesse de Barcelone, Ada Colau. Savent ces personnes qu'elle n'a pas hésité de pactiser avec Manuel Valls pour obtenir le pouvoir ? Ce qu'en France serait impensable, là-bas c'est possible et passe comme une lettre à la poste.

Il y a quelque temps j'avais diffusé dans cette liste le cas d'une compagnie de marionnettistes qui avait été accusée d'apologie du terrorisme : https://fr.globalvoices.org/2016/03/01/195286/

Actuellement, il y a en Catalogne plus de 4000 personnes victimes de la répression de l'état espagnol, certaines avec des peines de 4 à 17 ans de prison. Je ne parle pas des politiques qui avaient été jugés, incarcérés et plus tard graciés pour avoir organisé un referendum d’autodétermination. Je parle des gens des milieux social, éducatif et associatif pour la plupart d'eux.

Je vous donne l'exemple du chanteur de rap Pablo Hasél, accusé d'outrage à la couronne et d'apologie du terrorisme pour les lettres de ses chansons. O Valtónyc, parti en exil, accusé des mêmes raisons par la justice espagnole. Je pourrais en citer d'autres. Voici un reportage de France Inter qui en parlait :

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/les-histoires-du-monde/espagne-on-incarcere-bien-les-rappeurs-5343805

Je vous envoie deux des chansons pour lesquelles Pablo Hasél a été condamné à 10 de prison et qui est en prison depuis février 2021 après plusieurs procès :

https://www.youtube.com/watch?v=2TsZnpi75KE (chantée en catalan et sous-titrée en espagnol)

https://music.youtube.com/watch?v=QybGf319txw (chantée en espagnol et sous-titrée en anglais)

Chanson de soutien à Pablo Hasél, Valtónyc et les chanteurs incarcerés. Cette vidéo a été réalisée depuis la prison Model en plein centre de Barcelone et emblème de la répression franquiste :

https://www.youtube.com/watch?v=ySqxLQ-UsNo (chantée en espagnol et catalan et sous-titrée en catalan. Les paroles sont en bas de la vidéo).

Fins ben aviat

Xavier Montserrat

Catalunya



  • [rue] depuis la Catalogne, quelques impressions, Xavier Montserrat, 23/08/2022

Archives gérées par MHonArc 2.6.19+.

Top of page