Alors que plus de 600 compagnies s’y sont rendues, le compte-rendu artistique est à peine évoqué. Est paru il y a quelques jours le bilan administratif, économique, social et sécuritaire du festival international de théâtre de rue d’Aurillac. La tendance est plus aux chiffres qu’aux lettres, et à des propos dans l’air du temps, comme ceux du maire de la ville qui estime une « population indésirable » à hauteur de 2%. Aïe, ce mot « indésirable », sorti de la bouche d’un élu socialiste de la République française qui qualifie ainsi des personnes venues assister à une manifestation culturelle dans l’espace public. Qui définit la catégorie sociale dite « indésirable », les critères sociologiques, vestimentaires, capillaires, linguistiques, gestuels, corporels, hygiéniques, générationnels ? Qui ordonne, scrute, compte, fait le tri et publie ces chiffres ? A quel courant idéologique, à quelles périodes de l’Histoire renvoient-ils ? Cette population « indésirable » est-elle les fameux punks à chien, objet de tous les fantasmes liés à la marge, les vagabonds « Sans toit, ni loi » d’Agnès Varda - Lion d’or à Venise en 1985, sujets d’une série documentaire dans l’émission Tracks d’Arte en 2007 ** ? Est-ce cette classe sociale qui justifie que le public, les habitants, les artistes, les professionnels, cette population indésirable soient nassés à l’intérieur des barrières qui cerclent le centre-ville la durée du festival ? Le théâtre de rue qui, comme le jazz, le rock, était l’affirmation des pratiques culturelles populaires, affranchi de l’ordre moral, serait-il en voie d’embourgeoisement, de gentrification, de repli sur soi ? Qu’est devenu ce festival d’Aurillac dont le public et les compagnies s’étaient rassemblés spontanément par millier(s) devant la préfecture lors de l’expulsion des sans-papiers réfugiés dans l’église Saint-Bernard par une Compagnie Républicaine de Sécurité à Paris le 23 août 1996 ? * Indésirables jeunes des quartiers populaires, indésirables gilets jaunes, indésirables zadistes, indésirables non-vaccinés, indésirables teuffeurs sur l’île de Nantes, indésirables réfugiés politiques, climatiques, économiques, de guerre (sauf d’Ukraine), indésirables gens du voyage, indésirables intermittents du spectacle, indésirables enseignants syndiqués, indésirables sans abri, indésirables Femen, indésirable population, indésirable refus d’obtempérer… Vivre libre ou mourir à Aurillac ? Inclure plutôt qu’exclure ? Comment oxygéner le désir ? Bien à vous, François Le bilan d’Actu Cantal. ** Punks à Chiens (1/3) - Punks à Chiens (2/3) - Punks à Chiens (3/3) - Tracks ARTE 2007 * Saluons les 5238 € versés par l’association Eclat à l’association Forum réfugiés. Bonus : Coup de Chauffe à Cognac 2022. En voyant cette tente dans la quiétude du jardin public, je croyais que c'était pour un spectacle. Je m'approche et en fait c'est la vraie tente des agents de sécu. Quand le marketing sécuritaire plagie le théâtre de rue...ça me fait penser au titre d'un spectacle qui remporte un franc succès, " Pour un fascisme ludique et sans complexe "... |
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