Voici le texte publié par le collectif La Méandre, de Chalon-sur-Saône. 

" Dans la noirceur d'un presque matin, alors qu'un pays entier dort encore, même le vent qui fait danser les flocons de neige au sol a cessé de faire du bruit, laissant la ville entière enfouie dans un silence glacial et abyssal. Dans la nuit de jeudi, un ours a déserté les rues et la vie, laissant les humain.e.s face au son mat des paysages enneigés, laissant derrière lui toutes ces années vécues en plein chahut. Nous, on a toujours su que t'étais un ours, ça se voyait à tes grosses pattes, à ta crinière épaisse et aux cicatrices sur ton museau. Il parait que quand on était pas né.e.s t'as inventé des choses qui ont tout changé. Y'en a plein des vieux ours qui disent qu'eux aussi ils ont inventé la rue. Mais t'es le seul qu'on croit vraiment. On te croit parce que toutes tes histoires, on les a dévorées les soirs de pleine lune. Tu nous as pris dans tes grands bras pour nous donner les clés de la rue, et puis tu nous as poussés en dehors du terrier avec assez de confiance en nous pour nous démerder. Tu as cru en nous, en notre alteréalité, dès le début. En fait, t'étais un ours pirate, qui a inventé de nouvelles règles, remis le sauvage au cœur des rues, et presque institué le vacarme, sans jamais essayer d'en tirer profit. C'était ta pudeur d'ours. Un ours avec un cœur immense. T'aurais donné ta chemise pour nous tirer vers le haut, alors que ta chemise, tu y tenais beaucoup. On ne dira pas que tu nous as tout appris mais, ce qui est certain, c'est que sans notre rencontre, notre monde serait beaucoup plus étroit. Pendant toutes ces années passées dehors à rêver en grand et à créer, nos poils ont poussé, nos sens se sont affûtés, on a appris à devenir une joyeuse bande d'animaux pirates. Ce silence que tu laisses aujourd'hui résonne comme une invitation à s'approprier toujours plus ce vacarme, celui de la rue, là où se situe notre lutte pour rester vivant.e.s. Toi tu le savais très bien. Maintenant, quand on sera dehors, on fera encore un peu plus de bruit. Merci Smooz."