Quelques mots par Stéphanie Ruffier .
"Pour ton bien, ce serait bien que tu partes."
Le nouveau spectacle de Marjorie Margo Chou, "Lilliana Butter Not" nous parlera migration. Mais sans valise, sans récit du calvaire de l'exil.
La sortie de résidence au CNAREP de Chalon ressemble à ce que l'autrice-comédienne est / fait depuis quasi toujours : ambiance cabaret, intimité et confidence, obsession pour les pays de l'Est et le chant.
Et pourtant, le décalage est là. Elle travaille sur le sosie, sur l'autre soi, autour de la figure et du destin bousculé de la chanteuse yougoslave Ljiljana Buttler - quand son étonnante voix virile surgit, c'est la sidération auditive.
Margo tente de discuter avec elle, et avec elle-même.
Sorte de psy-speakerine au "je" inidentifiable, indéterminé, multiple, vacillant sous les possibles de la perruque et du costume, elle rapporte au style direct une voix et parcours de femme de chambre migrante, traque la distance avec les racines.
Elle qui aimerait être (d')ailleurs, surgit ici ou là.
Elle a ce décalage étrange, ce verfremdungseffekt dirait Brecht, qui rend tout surréel, charmeur, un peu de Twin Peaks aussi.
Commentatrice distanciée et impliquée à la fois.
Humour dans la trame.
Qu'est-ce que l'identité ? Qu'est-ce qui est vrai dans ce qu'on se raconte du "moi" ?
On ne sait pas ce que ça donnera, si le personnage sera plongé dans le flux de la rue, mais le moment est suspendu, l'écriture superbe.
"Mon carnaval, c'est le moment où je ne fais rien comme moi, où je ne me reconnais pas."
Le renoncement à l'identité et le féminin performé distillent le TROUBLE.
Stéphanie Ruffier