Liste arts de la rue

Archives de la liste Aide


[rue] C'est politique


Chronologique Discussions 
  • From: François Mary ( via rue Mailing List) < >
  • To: < >
  • Subject: [rue] C'est politique
  • Date: Sat, 17 Feb 2024 10:41:30 +0100
  • Authentication-results: mx1.infini.fr; dkim=pass (2048-bit key; unprotected) header.d=wanadoo.fr header.i=@wanadoo.fr header.b="ghlyVaaF"; dkim-atps=neutral
  • Authentication-results: mx1.infini.fr; dmarc=pass (p=quarantine dis=none) header.from=wanadoo.fr
  • Dkim-filter: OpenDKIM Filter v2.11.0 mx1.infini.fr DE5A64AC5AEE
  • Dkim-filter: OpenDKIM Filter v2.11.0 mx1.infini.fr D63364AC5AE6
  • Dmarc-filter: OpenDMARC Filter v1.3.2 mx1.infini.fr D63364AC5AE6

TRIBUNE

La loi Kasbarian a tué les squats d’artistes

 

par Gaspard Delanoë, co-fondateur du squat Rivoli, à Paris. Publié dans Libération le 15 février 2024

 

L’application de la loi du ministre du Logement signe la mort de fragiles asiles artistiques. Cofondateur du squat 59 Rivoli, à Paris, Gaspard Delanoë revient sur ce mouvement condamné alors qu’il reste nombre de mètres carrés vacants qui dorment tranquillement protégés par la loi.

 

Le squat d'artistes 59 Rivoli, dans le Ier arrondissement de Paris. (Bertrand Gardel/Hemis. AFP)

A 43 ans, c’est un peu jeune pour être fauché. C’est pourtant ce qu’aura duré le mouvement des squats d’artistes, quarante-trois ans, pas un de plus. Car ce mouvement, né rue d’Arcueil en 1980 avec le mythique squat Art-Cloche («clochard» en verlan), et mort en 2023 lors de l’entrée en vigueur de la loi dite Kasbarian (du nom de son sinistre auteur, l’actuel ministre du Logement Guillaume Kasbarian), loi ultra-répressive qui sanctionne désormais de 45 000 euros d’amende et de trois ans de prison le fait de squatter un local, est virtuellement défunt.

En effet, comme on pouvait s’y attendre, les menaces de sanctions considérablement alourdies par la loi Kasbarian ont découragé les artistes d’ouvrir de nouveaux squats. Ces artistes qui depuis des décennies tentaient, dans des conditions souvent difficiles, de construire de fragiles asiles artistiques, souvent dans des friches (les Frigos dans le XIIIe arrondissement de Paris), parfois dans des bureaux (la Grange-aux-Belles dans les années 90) ou des hôpitaux abandonnés (l’Hôpital éphémère), parfois aussi dans des immeubles laissés vacants après des scandales d’Etat retentissants (59 Rivoli suivant la faillite du Crédit lyonnais) ou dans des bâtiments se retrouvant vides en attendant une requalification prenant parfois des années (squat de la Bourse, ancien siège du Club Med, squat Socapi en face du musée Picasso), mais aussi dans des lieux prestigieux : squat de la célèbre école de la rue Blanche (Zen Copyright) ou ancienne miroiterie (Théâtre de verre, la Miroiterie rue de Ménilmontant), ainsi que gares de la petite ceinture en déshérence (Gare XP, Gare aux gorilles) – ces artistes se disent aujourd’hui découragés.

Des centaines de milliers de mètres carrés de bureaux vides

En quarante-trois ans, ce sont plus de 1 600 squats qui auront été ouverts à Paris, drainant des populations précaires mais réussissant souvent le miracle de faire vivre toute une culture alternative où traînèrent nombre de groupes de musique (Bérurier Noir, les Wampas, la Rue Kétanou, Tryo, les Rita Mitsouko, la Mano Negra, etc.) et qui permirent aussi à des milliers de plasticiens (les plus pauvres de tous les artistes) de se regrouper et de former des collectifs, incitant ainsi de nombreux artistes à sortir de leur isolement et à vivoter de leur art.

Qui aujourd’hui, quel artiste prendra encore le risque de passer trois ans en prison pour avoir tenté d’installer son chevalet dans un lieu vide ? Aucun. C’est terminé. Ce ne sont pourtant pas les lieux vacants qui manquent : le musée Hébert, situé rue du Cherche-Midi à Paris, est ainsi laissé à l’abandon depuis près de vingt ans (Rachida Dati a-t-elle l’intention de mettre son nez dans ce dossier ?), quant au musée Guimard dans le XVIe arrondissement, il est vide depuis sept ans, et je ne parle pas des centaines de milliers de mètres carrés de bureaux vides depuis que le Covid-19 a accéléré le télétravail ni des 262 000 logements vacants à Paris recensés il y a peu par l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur). Bref, pendant que des centaines de jeunes artistes galèrent pour trouver un atelier, des millions de mètres carrés dorment tranquillement protégés par la loi.

Une cerise amère sur le gâteau

L’abbé Pierre lui-même avait pleinement assumé la nécessité de squatter les lieux vides «en attendant mieux». On se souvient notamment de sa participation active au squat de la rue du Dragon.

Tout cela est mort, enterré par la loi Kasbarian.

Sans un regard pour tout ce qui va disparaître, et tout ce qui sera empêché de naître. Une fois de plus, ce sont les plus précaires qui subiront de plein fouet les conséquences de cette loi.

La cerise – amère – sur le gâteau est tombée la semaine dernière lorsque la liste des nouveaux ministres a été révélée sur le perron de l’Elysée : apprendre que le type qui a défendu cette loi liberticide vient d’être nommé ministre du Logement a été perçu comme une provocation, une humiliation et ne suscite chez moi qu’une seule chose en réalité, l’envie de gerber. Ce qui m’amène à cette réflexion : Marine Le Pen, si jamais elle arrive à l’Elysée, se réjouira certainement de voir qu’une partie du boulot a déjà été faite.

RIP les squats d’artistes.

 

 

 

Attachment: image001.jpg
Description: JPEG image



  • [rue] C'est politique, via rue Mailing List, 17/02/2024

Archives gérées par MHonArc 2.6.19+.

Top of page