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[rue] Un article du monde sur la culture


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  • Subject: [rue] Un article du monde sur la culture
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Fabrice Raffin Les politiques culturelles répondent peu aux désirs des Français

Selon le sociologue, les propositions des institutions et des professionnels de la culture demeurent globalement excluantes aux yeux d’une large part de la population

Les politiques culturelles françaises sont fondées sur des principes généreux d’éducation et d’émancipation. Le problème, pour ceux qui, professionnels de la culture en tête, placent en elles de tels espoirs, est que les formes plébiscitées par les institutions publiques depuis 1959 produisent surtout des effets de domination et d’exclusion.

En effet, sous couvert de démocratisation, les professionnels de la culture et leurs publics attitrés définissent ensemble une « bonne culture », qui est surtout la leur. Dans les faits, elle correspond fort peu aux désirs de la majorité des Français (seulement 3 % d’entre eux ont un abonnement dans une institution culturelle). Pourtant, loin d’être éloignés de la culture, ces publics fuyants ont bien en la matière des attentes et leurs propres pratiques, hors institutions. De plus, ils sont tout à fait conscients de la somme d’argent public que cette politique représente, tout en déclarant inlassablement au fil des enquêtes que je mène depuis les années 1990 : « Ce n’est pas pour nous. » Encore faut-il comprendre le fondement de ce rejet massif et sa traduction politique.

En premier lieu, la politique de démocratisation culturelle française est avant tout « bourgeoise », dans un sens très précis. Elle s’est en effet constituée à la fin du XVIIIe siècle, contre l’aristocratie (superficielle) et contre le peuple (vulgaire), sur une base intellectualiste qui valorise l’accès à la connaissance et la « vérité » par les formes artistiques : souvent par souci d’éduquer, la « véritable » qualité artistique se mesure encore aujourd’hui à la capacité des œuvres à nous faire comprendre le monde et la condition humaine. Cette logique « apollinienne », portée principalement par le ministère de la culture, valorise tantôt la contemplation des œuvres majeures de l’histoire de l’art, tantôt des formes contemporaines reconnues par les professionnels.

Les tenants de cette logique intellectualiste tendent à ne pas reconnaître digne d’intérêt une gamme de pratiques culturelles majoritaires ancrées dans les populations : danses et musiques country des mondes ruraux, fanfares, chorales et carnavals, pratiques théâtrales (cosplayreenactment), plastiques (fan art, tatouages), et toutes les pratiques numériques. 

Paris donne encore le « la »

Ces divers centres d’intérêt sont culturels non parce qu’ils donnent accès à des œuvres socialement valorisées par une élite, mais parce qu’ils permettent une expérience « hors du commun », faite d’émotion, de plaisir et de fête. Une conception « dionysiaque », qui valorise la participation durant les moments culturels, par la danse, le chant, les cris, le faire. Très physique, cette expérience est bien différente de la contemplation distante, réfléchie et retenue des milieux culturels. Et si André Malraux affirmait que « si la culture existe, ce n’est pas du tout pour que les gens s’amusent », il semble au contraire que parmi nos contemporains les attentes des publics soient bien plus ludiques, voire prosaïques.

On pourra arguer qu’avec la « démocratie culturelle », depuis Jack Lang, puis la notion de « droits culturels », les institutions se sont ouvertes à ces formes plus populaires. Mais ce n’est pas tout à fait le cas. D’abord, les subventions étatiques vont toujours en majorité vers des équipements classiques qui dépassent rarement la logique intellectualiste. Les tiers lieux ou les expériences socioculturelles restent peu subventionnés. De plus, lorsque, exceptionnellement, ces institutions s’orientent vers les formes populaires, c’est en général pour mieux se les approprier et leur redonner une dimension intellectualiste. Ce processus « d’artification » est perceptible dans les glissements sémantiques qui qualifient ces pratiques lorsqu’elles deviennent subventionnées : le cirque est devenu « arts du cirque » ; le théâtre de rue, « art dans l’espace public » ; la BD, « 7e art » ; le hip-hop est passé du côté de la danse contemporaine, le graph de l’art contemporain…

Bourgeoises et excluantes, les institutions culturelles symbolisent enfin une autre dimension de la rupture avec les milieux populaires : elles sont urbaines, voire parisiennes. Ce dernier point pourrait paraître exagéré. Il est pourtant à la genèse du projet des maisons de la culture qui, selon les termes de Malraux en 1959, « dans chaque département français diffuseront ce que nous essayons de faire à Paris », afin que « n’importe quel enfant de 16 ans, si pauvre soit-il, puisse avoir un véritable contact (…) avec la gloire de l’esprit de l’humanité ». Le misérabilisme le dispute ici au mépris provincial. Malgré leurs efforts, les institutions culturelles des villes françaises, censées s’ouvrir à la diversité et aux productions locales, restent orientées vers un étalon artistique situé à Paris. Et lorsque les collectivités territoriales développent, depuis les années 2000, leurs propres politiques sur une base plus événementielle pour se rapprocher des populations, le conflit devient ouvert avec les professionnels.

Aussi, dans le rejet actuel du politique, lisible dans le vote extrémiste ou l’abstention, il y a parmi les « classes populaires » un sentiment de domination et d’impuissance qui concerne aussi la culture institutionnelle. Le modèle artistique des professionnels impose un usage social dominant de la culture, mais il en existe une infinité d’autres, chaque jour réinventés par chaque groupe social. S’il convient de continuer à soutenir les formes de la grandeur artistique de demain, il faudrait aussi reconnaître et laisser vivre les cultures du quotidien de la majorité des populations.

Fabrice Raffin est maître de conférences en sociologie à l’université Picardie-Jules-Verne et chercheur au laboratoire Habiter le monde

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  • [rue] Un article du monde sur la culture, Jacques livchine, 24/07/2024

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