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[rue] Mémoire des victimes du fasciste


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  • From: François Mary ( via rue Mailing List) < >
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  • Subject: [rue] Mémoire des victimes du fasciste
  • Date: Fri, 10 Jan 2025 00:13:17 +0100
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Rassemblement des anti-Le Pen place de la République à Paris, à l'annonce de sa disparition, le 7 janvier 2025. (Virginie Haffner/Hans Lucas. AFP)

 

TRIBUNE

Tous les morts ne sont pas à pleurer, par Nadir Dendoune, journaliste, écrivain et réalisateur australo-franco-algérien

 

« Pourquoi devrait-on toujours se taire ou afficher de la tristesse quand quelqu’un meurt, même s’il a semé la haine toute sa vie ? Est-ce vraiment honteux de ressentir un peu de joie à la mort d’un homme comme Jean-Marie Le Pen ?

Le 21 avril 2002, j’étais en Allemagne, à la fin d’un périple à vélo pour sensibiliser la planète au sida. Ce jour-là, l’impensable s’est affiché sur l’écran de la télévision : Jean-Marie Le Pen accédait au second tour de l’élection présidentielle. Une claque.

A des kilomètres de la France, j’ai pleuré.

Je venais de passer huit ans en Australie, bercé par l’insouciance d’un pays paisible. Quatre ans plus tôt, la France multicolore de Zidane, d’Henry et de Barthez, soulevait sa première Coupe du monde. J’avais cru, naïvement, que nous avions enterré nos vieux démons.

Mais chaque élection ravive la peur de l’extrême droite au pouvoir. L’homme est mort, mais ses idées, comme partout ailleurs, gagnent du terrain. Elles ont de nouveaux visages : Marine, Jordan… Leurs sourires sont plus lisses, mais la haine, elle, n’a pas changé.

 

En 2007, journaliste pour France 3, je couvrais un reportage sur Jean-Marie Le Pen. Il se tenait là, devant moi. Un sourire poli, une main tendue.

Je l’ai serrée. J’avais envie de la retirer, de lui tourner le dos. De lui cracher au visage. Je pensais à Brahim Bouarram, à son fils Said, âgé de 9 ans, quand son père fut jeté dans la Seine le 1er mai 1995 par des skinheads galvanisés par les idées du Front national. Le FN a toujours nié sa responsabilité, mais son discours a nourri la haine qui a tué Bouarram. Le Pen est moralement responsable.

Je pensais à tout ça, mais je n’ai rien dit, j’ai juste fait mon travail. Ce jour-là, j’ai serré la main d’un homme que mon père haïssait.

Mohand Dendoune, mon père, est né le 8 mars 1928 en Algérie, trois mois avant Jean-Marie Le Pen. Il a quitté la Kabylie en 1950, le ventre vide et des envies de bosser plein les mains. En région parisienne, il a vécu la guerre d’Algérie. Avec ses maigres économies, il finançait le FLN, soutenant la lutte pour l’indépendance.

Le Pen et lui ne se sont jamais croisés. Mais c’était l’ennemi de mon père. Parce que mon père savait. Il savait ce que Le Pen avait fait. Il savait que ses frères avaient été torturés à Alger.

Alors, quand Le Pen est mort le 7 janvier, je n’ai ressenti ni tristesse ni compassion…

Le Pen a passé sa vie à vomir sa haine des Arabes, des noirs, des gitans, des Juifs, des homosexuels, des femmes. Il transformait les gens comme moi en parasites.

Pour lui, j’étais un problème à éradiquer. Aujourd’hui, la peur des musulmans et des migrants est partout. Le Pen n’a jamais été président, mais il a gagné sur bien des fronts.

 

Un héritage de division et de peur

Notre société nous pousse à croire qu’à la mort, tous les comptes sont soldés. Que le respect dû à un être humain est un droit inaliénable, même après sa disparition. Mais le respect n’est pas une dette universelle. Il s’accorde en fonction des actes. Respecter la mort d’un homme, c’est souvent honorer ce qu’il a semé parmi les vivants. Or, que semait Jean-Marie Le Pen ? Ses mots ont alimenté des haines, ont désigné des ennemis, ont attisé des violences. Les morts ne sont pas tous des figures à pleurer ni des légendes à saluer. Certains laissent un héritage de division et de peur. Le respect n’est pas une question de mort, mais une question de vie.

 

Certains disent que la mort impose le silence. Mais quelle mémoire défend-on en taisant le mal ? Respecter Jean-Marie Le Pen, c’est nier la souffrance de ses victimes.

La mort ne blanchit pas les fautes. Ni la torture, ni la xénophobie, ni la complaisance envers le négationnisme ne deviennent excusables parce que le cœur s’arrête.

La mort rend-elle intouchable ? Non. Si un hommage doit être rendu, c’est à ceux dont la dignité a été niée. Ceux dont les noms n’ont pas eu d’épitaphe dans les discours officiels. A ceux qui, vivants ou morts, n’ont jamais cessé d’être invisibles. »

 

 

Bien à vous,

François

 

 

 

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  • [rue] Mémoire des victimes du fasciste, via rue Mailing List, 10/01/2025

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