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RE: [rue] Démontés


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  • Subject: RE: [rue] Démontés
  • Date: Sun, 12 Jul 2015 12:42:51 +0200

Et oui, le théâtre c’est plus confort !

Tu viens, tu met tes pied sous la table, ta scène et tes décors sont monté par des techniciens payé au lance pierre

Et ton public est constitué de bon bobo de gauche qui n’empêcherons pas ton spectacle de continuer, même si c’est de la merde

Avec un peu de chance tu pourra déguster un peu de caviar avec le député PS qui t’aura donné une subvention pouvant faire vivre 50 compagnies

Des fois je me dit, la rue, ils ferai mieux de jouer dans un théâtre ! ils serai moins grisé

 

De : [mailto: ] De la part de Gildas Puget
Envoyé : dimanche 12 juillet 2015 11:08
À : Liste Rue
Objet : [rue] Démontés

 

Quand on a pris la sortie centre-ville, il faisait bien 34 degrés dehors, et 42 dans le camion. 

Je suis obligé de mettre le chauffage à fond pour soulager le moteur, c’est comme si on voyageait dans un sèche-cheveux.

C’est qu’avec tout ce qu’on tire, le pauvre galère un peu dans les côtes, et sur le plat aussi.

Avec la chaleur et le vent sec là-dedans on se serait cru à Zagora, à part que l’est de la France, ça ressemble quand même nettement plus à l’Allemagne.

Fouad a sauté du camion pour pousser les barrières et nous faire rentrer en plein sur la place St Michel.

Tout autour, je voyais les touristes en terrasse le dévisager l’air choqué comme s’il sortait de Charlie Hebdo.

C’est vrai qu’avec notre poubelle ambulante et nos tronches de salafistes, comment voulez-vous que ces gens nous accueillent comme des artistes…

J’ai remonté le son de l’autoradio, et j'ai mis un petit coup d’accélérateur à vide en passant.

De toute façon, c’était un tel bordel sur la place St Michel qu’on commençait déjà à flipper pour le spectacle.

 

Tous les commerçants passaient de la musique.

Au  fond de la place, une fanfare massacrait le groove en collant chaque note au temps, et une crieuse public hurlait des infos sur les touristes en short.

Il fallait rouler au pas dans la foule, et on avait pas le droit de rester garer là, donc warnings, déchargement sous l’oeil de la municipale, sortie, aller se garer à deux bornes, et revenir à pinces.

Belle galère pour commencer, mais pas le choix, il fallait bien amener le matos en camion...

Quand je suis revenu, le montage était bien attaqué et les copains luisaient sous l'effort.

 

On a attaqué le gradin.On a fait les crémaillères en ferraille, pour gagner de la place au rangement.

Par contre le désavantage, c’est que c’est bruyant, et surtout que c’est lourd.

C’est putain de lourd.

Mais je mets au défi toute compagnie de rue de trouver mieux pour installer son public...

Un public sur gradin, c’est au moins trente pour cent d’applaudissements en plus.

De toute façon, on les prête trois fois sur quatre, ces saloperies de gradins, et à chaque fois les compagnies nous remercient, ravies, et tout est dit.

Indispensable, le gradin. Faut juste le monter.

 

Quand on a fini de le caler, je me suis explosé la main en me la coinçant dans un de nos pieds d’enceinte un peu trop vieux, et j’ai regardé le tas de matos.

Le montage était loi  d’être fini. J’ai eu un petit coup de mou.

Faut dire qu’on enchaîne les dates en ce moment, et déjà que le spectacle est bien physique, alors avec cette chaleur, et vu qu’on mange de la merde à longueur de catering…

Enfin bref.

J’ai decendu une demi-bouteille d’eau, chaude, et je me suis mis au montage son.

Quand on a descendu le fly de prolons avec Hakim, on se regardait sans se voir. C’est lourd, le cuivre.

Une demi-heure plus tard, Jamel gaffait comme il pouvait la cablasse sur le macadam au milieu des badauds, et je pouvais passer aux balances des HF.

Le soleil bougeait doucement, mais du coup on l’avait en pleine gueule, et la place en pierre devenait un vrai four.

Un sacré bordel les HF. 

On ne va pas mettre les enceintes devant le plateau, en plein dans la tête des gens, alors elles sont au fond, mais bon mettre des micros omni devant des enceintes, en devant pousser le système à fond parce que la jauge est énorme évidemment…

C’est ce que j’expliquais au régisseur technique qui me regardait d’un air sombre quand j’y arrivais presque, après une bonne demi-heure à tourner autour des larsens.

Un feu d’artifice crépitait quelque part, et j’ai jeté l’éponge, c’était calé pour cette fois.

De toute façon il fallait monter les lights.

 

On a installé notre pont de lumière en face, et on était content de manipuler de l’alu, même si ça brûle.

Le truc, c’est que c’est long. Parce qu’il y a aussi des contres installés sur la structure, alors ça fait pas mal de lignes à tirer.

Hakim s’est bien cogné le coin du front sur un bord de découpe, et il saignait.

Mais ça sera cicatrisé pour ce soir, faudra juste pas que ça se rouvre pendant qu’il danse au sol, parce que saigner sur scène, c’est vraiment la misère.

Le soleil disparaissait derrière les façades au moment où on avait fini le montage.

On s’est assis sur le bord de la scène pour s’en rouler une, complètement flingués.

Evidemment, comme l’hôtel Kyriad était à la sortie de la ville, et le camion garé à l’autre, pas moyen de prendre une douche avant la repré sans y passer tout son temps.

On avait deux heures devant nous avant de jouer.

 

On était tellement contents d’être là, en in, dans ce festival connu, qu’on s’est dit qu’on allait quand même essayer de voir un bout de spectacle avant d’aller se planquer dans les loges.

On s’est mis à déambuler au hasard tous les trois, en cherchant l’ombre, et on a découvert une petite place en retrait, inaccessible en camion, mais charmante comme tout. 

Le cercle était compact et ça applaudissait à tout rompre.

Grisés par ce succès, on a grimpé sur une poubelle.

Le type tapait la cinquantaine, et saluait dignement.

il n’avait quasiment pas de matos, à part un sac en cuir informe, d’où dépassait trois accessoires.

Il a retiré son nez, et les gens ont hurlé de bonheur, un vrai carton.

On s’abreuvait à ce bruit magique, et on s’est assis sur nos poubelles, pour regarder les gens partir.

Les commentaires étaient dithyrambiques, les gens souriaient, marchaient un peu groggy, transportés.

La place s’est vidée doucement.

Le mec a ramassé trois babioles dans son sac, et il l’a jeté sur son épaule. 

Il est reparti tranquillement, et quand il est passé près de nos poubelles, on a échangé un petit salut.

 

On est restés là comme des cons avec Hakim et Jamel, assis sur notre poubelle, à regarder la place vide.

En goûtant un peu de fraîcheur, on ne disait rien.

« l’énfffoiré… » a soupiré Jamel.

On s’est bien marré.

 

Un jour, ça serait trop bien qu’on y arrive...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




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