Permettez un petit retour de modeste metteur en Rue Libre. Comme d'habitude Jacques Livchine produit une critique exigeante, c'est salvateur, je suis d'accord avec les points soulevés. Sur la libre _expression_, oui nous l'avions. Mais nous ne réclamions pas que pour nous. Jouer modestement et bruyamment le rôle de petits média du coin de la rue ça fait partie de notre histoire. Crier et danser pour plus de liberté en diffusant des messages généreux c'est aussi notre boulot. La « manif pour tous » défile pour crier le contraire, on la laisse faire aussi. Rue Libre c'est pour la presse, c'est du lobbying ? Oui. Notre marketing est assurée par nous-mêmes et pas par des « spin doctors » ça nous correspond, c'est courageux et risqué. Sur le + d'argent dans la culture, je ne sais pas vous, mais les compagnies que je connais ont toutes vécues une baisse très forte du volume de programmations depuis au moins 2 ans. On galère tous pour bosser... alors où va l'argent ? Je suis au raz des pâquerettes sans doute mais c'est une vraie question. Maintenant la phrase : « La troupe éphémère (…) Ils ont fait ce qu’ils pouvaient. Pour la fois prochaine, je proposerai une vraie compagnie professionnelle aguerrie à la déambulation. Le bénévolat a ses limites.» Alors la... !?? Qui est le «je» de «je proposerai» ? Jacques connait les arcanes et joue la mouche du coche, mais pour les autres, je trouve important de redire que ÇA NE SE PASSE PAS DU TOUT COMME ÇA RUE LIBRE ! En tous cas pas en Idf. « Je proposerai » sous-entend qu'il y a une compagnie référante, un leader ? Capable, pourquoi pas, de faire « 4 heures de note à la suite de la répétition ? » Qui ? et à quelle réunion s'est pointé celui qui fait autorité à ce point ? Je l'ai raté ! Rue Libre se fait avec des tas de réunions avec des gens aux métiers différents. Les choses avancent lentement. Quelqu'un arrive avec une idée puis on ne le revoit plus avant 4 ou 8 réunions, plus le temps... d'autres arrivent en disant « moi je sais ce qu'il faut faire mais vous êtes à coté les gars, salut ». Chaque année certains investissent plus que d'autres. Cette année l'idée de la Marianne conditionnait la suite, les constructeurs ont passés du temps, Serge a sillonné la France en camion. Mais pour le reste, au moins 80% des participants à Rue Libre arrivent le jour même. Malgré des dizaines de mails de récap et d'appel à participation. Il y 2 ans c'est un groupe d'une dizaine de personnes, débarquées au dernier-dernier moment, qui a fait l'essentiel de la brigade d'accueil sur le Rue Libre des boites-géantes à Répu !! Ils nous ont sauvé la journée ! il s'agissait de copains de copains, pas des comédiens de rue du tout, ils venaient se marrer, découvrir, ils ont été super ! Sans eux nous aurions été 5 sur la brigade et cette année là il y avait des huiles qui défilaient au micro fallait que ça vive. En prépa nous cherchons donc un concept avant tout. Un concept ça permet d'inviter tout le monde à participer à un happening, au dernier moment, l'impro, c'est un de nos savoir faire. Oui, y'a du déchet forcément... Rue Libre, depuis des années, ne permet pas d'aller beaucoup plus loin. J'entends chaque fois des collègue bienveillants venus assister : « Rue Libre cette année c'est pas terrible » ou « Rue Libre cette année c'est plus beau que d'habitude ». J'ai toujours envie de répondre : tu es du métier alors débranche ton cerveau de consommateur et viens aux réunions de prépa. C'est dans l'air du temps en plus et nous avons une culture d'avance : le collectif, l'économie participative, l'échange des savoirs, les consom-acteurs... J'ai expérimenté sur moi-même, ça m'a pris plusieurs années : ce qui est difficile sur Rue Libre c'est de travailler ensemble, d'apprendre à écouter les autres, à conduire en grandeur nature l'exercice du compromis mais aussi ne pas lâcher et aller au bout de l'idée à laquelle on croit. Il y a un peu de sous fédé pour la logistique, et tout le monde attend celui qui arrive avec une vision qui pète bien et qui se montre prêt à la porter !! alors venez !!!! Mais nous n'avons pas tant que ça l'habitude de faire ensemble. Et les créateurs sont énergiques et fiers parfois avant d'être collectif. On peut voir au fil des réunions de l'inquiétude sur certains visages : « mais qu'est-ce qu'on est en train de faire ?? celui là dit des conneries, celle-ci fait trop long, on abandonne les bonnes idées!... le qualitatif est en train de se casser la gueule, Rue Libre va être moche ! ». Oui le risque est bien là ! Ô que oui ! Alors comment sauver le travail à plusieurs ? J'habite le même quartier depuis 25 ans, je vois beaucoup plus de chiens qu'avant j'en suis sûr. De très jeunes femmes et jeunes hommes avec un chien, seuls dans la brume de l'aube ou du crépuscule pour les caca-trottoir... à Paris, un/une jeune célibataire, avec chien, dans 25 m2 ? Je vois aussi des millions de joggeurs. Ça, ça déborde ! Allez les voir passer à la fin du marathon de Paris, on dirait la série The Walking Dead ! Tous dans la même direction, baveux, les yeux vides, des sponsors partout et des montagnes de déchets plastique sur les cotés. Un résumé de la société ? Mais les écrans aussi ça rend narcissique, individualiste. Aimer son chien, aimer son corps, embellir son profil facebook c'est pas du collectif. Consommer ça se fait tout seul et critiquer aussi. Nous sommes des lutteurs mais faisons partie du monde. Les critiques de Jacques L visent à proposer, avancer, mais ce n'est pas le cas de bon nombre de critiques entendues partout. L'analyse critique est une tradition de la vraie gauche, mais c'est mal vu dans le système. On préfère les éditocrates, les billets d'humeurs bien sauvages et même l'aigreur assumée. On ne critique bien qu'en faisant, de concert. Sortir du classement, se chercher un accomplissement en dehors de la seule réussite personnelle... je vais pas faire le curé plus longtemps, mais Rue Libre c'est, en tous cas pour moi, d'abord marcher sur un fil. Faire avec les autres, sans être payé, sans avoir le temps, en se prenant les critiques (bienveillantes) des copains et pour finir pas se demander « mais à quoi ça sert au fond » ? Ça sert à apprendre à refaire société. Nous sommes très concerné par cet enjeu dans l'exercice de nos métiers donc aux premières loges pour en être les hérauts. Ça s'entretient, ça s'apprend et ce n'est pas toujours valorisant. Enfin Jacques «Le bénévolat a ses limites » Merci ! Bravo et banco !! Pour les 20 ans de la fédé l'an prochain (si j'ai bien compris) on fait un Rue Libre vraiment pro ! Une vraie troupe éphémère pro, avec des répétitions, un ou plusieurs metteur en espace, et soyons fou : un peu de fric pour se payer un vrai temps de travail. Si nous sommes bons, le truc permettra d'accueillir l'impro des derniers venus du jour même. Je m'inscrits tout de suite, je ne compterai pas mon effort, promis. La bise, et merci à tous, j'ai passé un super moment Rue Libre 2016 (et c'est vrai que c'était plus beau que d'autres RL ;-) Benoit Piel Le 30 oct. 2016 à 09:35, Jacques Livchine a écrit :
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