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Re: [rue] je témoigne


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  • From: "nadege delalande" ( via rue Mailing List) < >
  • To: Vincent Gillois < >
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  • Subject: Re: [rue] je témoigne
  • Date: Wed, 17 Jan 2018 09:48:35 +0000
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Merci Vincent pour ton texte. 

Nadège 

Le 17 janv. 2018 10:32, Vincent Gillois < > a écrit :
Merci Jacques pour se témoignage, ça fait (souvent) du bien de te lire et de bénéficier de ta fraicheur et de ton inventivité.

Tu réponds à la question que je posais. Vous faites comment ? C’est quoi votre alternative économique ? Ca permet souvent de reposer aussi la question de la place depuis laquelle on agit. C’est quoi être artiste, citoyen, acteur du monde contemporain ?

J’ai des copains qui font un petit festival d’une journée, une fête populaire dans un quartier, mais où tous les commerçant qui viennent profiter des 3000 personnes présentes pour vendre leurs produits sont ponctionnés de 10 % de leur chiffre d’affaire de la soirée. Ca permet de payer les artistes programmés. C’est pas idéal parce que l’organisation repose pas mal sur le bénévolat mais je trouve que l’idée est intéressante.

Moi j’ai échangé une de mes installations contre des légumes. On était deux on a chacun eu nos cagettes plus un petit biffeton. Concrètement, ça se tient.

J’ai un copain qui joue chez l’habitant, que du texte contemporain bien pointu genre Gherasim Luca, Novarina… C’est 10 balles par personnes et c’est l’hôte qui trouve le public. Il joue à partir de 20 personnes. Ca repose sur les réseaux amicaux, de voisinage, ça fonctionne par capillarité. C’est exigeant, c’est drôle, Chacun amène à manger à boire et c’est tellement bien que quand tu sors, tu as bien mangé, tu as rencontré des gens, tu as passé une super soirée et tu as envie de l'organiser chez toi. Et puis ma vieille voisine de campagne, je doute qu’elle est jamais entendu du Gherasim Luca, elle a adoré et ça l’a bien fait marrer.

On organise aussi des journées d’expériences bienveillantes citoyennes et créatives dans la rue, ouvertes à tous. Chacun vient avec une idée d’expérience à faire dans la rue et on le fait. Ca permet de reprendre possession de l’espace public, de notre environnement, de secouer notre créativité, d’apprendre, d’être ensemble et de questionner la relation au sens large. C’est cash, c’est spontané, c’est vivant, c’est sauvage, c’est léger, c’est créatif, c’est perturbant et sacrément profond. Y’a pas d’argent en jeu, on "produit" rien, mais ça questionne notre place.

J’ai vu la vidéo de Jean-Marc sur l’UB avec tout le monde qui tient la corde ou avec la corde qui tient tout le monde, je me souviens plus. Ca me rappelle une des expériences qu’on a fait dans les labos dont je parle plus haut. On est tous parti de la place de la mairie avec une pelote de laine rouge et on a chacun déroulé 80 m de fil rouge dans la ville dans des directions différentes.

Moi j’avais proposé il y a une dizaine d’année dans une réunion du SYDCAR, au moment où ils revoyaient les critères d’attribution des subventions du CG ou de la Région je me souviens plus, que toutes les compagnies qui en percevaient, mettent tout en commun et redistribuent horizontalement et équitablement. Je t’explique pas le bordel que ça mettrait. Silence radio… J’ai entendu qu’à l’UB quelqu’un avait proposé ça. Ca nous sort de notre zone de confort non ? et ça mettrait un sacré coup de pied dans la fourmilière.

Je suis bien curieux de lire encore les trucs que vous faites pour repenser l’économie des arts de la rue.

Aller je vous laisse, je vais méditer.

Vincent
Nouvellement Mister Bloom
Anciennement Mastoc Production

PS : j’ai quitté Mastoc parce que justement j’en avais marre de la logique de prod, parce que je ne me sentais plus au coeur de ce pourquoi je fais ce métier, parce qu’après 15 ans j’en avais marre de quémander des aides à des gens qui m’ignorent parce qu’ils sont débordés et qu’eux non plus n’ont plus d’argent mais qui veulent quand même sauver leur boutique (cf. cartocrise ;-). C’est la singularité de notre écriture artistique qui nous a permise d’émerger et puis je sais pas, on est rentré dans une certaine logique et au final, tu as deux ans de travail pour 2 mois de création. Alors c’est vrai que ça permet de payer tout le monde, un certain confort, mais ça t’assure pas non plus que ton spectacle il va tourner, et si en plus ton spectacle correspond pas aux diktats du moment, tu renquilles pour 2 ans, voire 3 à faire de la prod… et c’est encore plus compliqué… Aujourd’hui, je remets l’artistique (et ma citoyenneté) au centre, on verra bien. Economiquement, je cherche… mais c’est un corolaire...


Hep, les garçons et les filles de l‘espace public 
je déteste ce mot, je préfère RUE 
je disais ça dans le temps comme proverbe personnel 

"quand j‘étais petit,  j’aimais descendre jouer dans la rue, je n’ai jamais cessé de le faire "

Cessez sans arrêt de vous plaindre.  

Je suis obligé,  à cause de vous, plaintes à quatre pattes, de me mettre en avant, et tant pis  pour les injures, les insultes, les mises au tapis, la dévalorisation de l’autre pour avoir raison de lui, 
à mon âge on a été tellement souvent rejetés que notre corps est devenu  une armure  pleine de bleus et de bosses.  

Il y a énormément de couards qui pensent plein de choses, mais qui ont tellement peur d’être ridicules qu'ils restent silencieux


Alors je dis quoi : 

On ne peut plus attendre le bon vouloir des directeurs des diffuseurs, des programmateurs, des tutelles, des  hommes politiques de tous bords. 
On ne peut plus écrire des lettres suppliantes pour être pris, de se jeter aux pieds des Cnar, pour attirer leur attention, nous sommes tels les mendiants du métro, personne n’ose même nous regarder en face. 
On ne peut plus téléphoner, se faire jeter avec “il est en réunion” 
on ne peut plus envoyer de dossiers cartonnés auxquels ils ne répondent jamais
et puis tous ces gens -là, on finit tellement par ne pas les aimer, que par réciprocité, ils finissent pas nous détester. 
Alors on ne tourne plus :  c’est à cause de la chargée de diff, alors on arrête avec elle, on en prend une autre on ne tourne pas plus. 
Nous pensons  que nous avons  un solide produit,  les gens rient, ça attire du monde, les gens disent  : on a aimé. 
Mais le téléphone ne sonne plus depuis longtemps déjà; 

Un jour j’ai dit à Jean Marie dit Whitty, qui s’occupe de faire dans son village de Volmerange  une petite programmation. Mais pourquoi tu ne prends pas  Gourmandisiaque  ? Parce qu’à un moment on parle de fellation ?  
Il me  répond  : je ne peux pas , je ne peux pas. Il y a une Mairie derrière moi.  C’est la Mairie qui paie. Ça va faire des histoires avec les cathos etc. 
Mais Jean Marie , tu es le premier à dire que le théâtre doit déranger, interpeller,  être “ borderline”.  Tu as bien vu à Chalon , il y avait un rang d’enfants, ils étaient tous fascinés, justement parce que ce n’était pas pour eux. Et puis économiquement, ça passe , non ?  3 comédiens , 1 régisseur,   Jauge de 400 personnes .  Une prise électrique.  Une location d’un 20 M 3. 
Un  jour Jean Marie a fait un événement  sur la gourmandise,  il nous a pris.  Il n’avait pas assez d’argent pour nous payer, alors on a été payé en bouteilles d’eau de vie qu’ils distillent dans la MJC du village.  il n’y a eu aucune plainte, deux familles catholiques ont quitté la représentation au moment de la fellation, seul incident notable. 
En 7 ans que  43 représentations de Gourmandisiaque   
Quand c’est du classique ça passe un peu mieux  : Macbeth en forêt  : 45 représentations  en 4 ans.  deux de prévus en 2018.  (Quand on pense que même la forêt est un espace  qui n’est pas libre). 
Oncle Vania à la campagne  : 89 représentations en 11 ans. Mais on avait  joué  20 fois à Villeneuve en scène en 2006. 
et la Nuit Unique créé en 2017 , nous en sommes   à 4,  mais 4 qui s’annoncent . Cela dure 7 heures.  10 comédiens , 2 régisseurs.  . 250 personnes allongées. 

Moralité : on ne peut plus vivre que de la diffusion et du bon vouloir des prescripteurs. 

Jadis, excusez -moi de parler du passé , on n’avait pas de chargée de diffusion, on ne prospectait pas,  on jouait 90 fois par an facilement et même plus, puisqu’en 1989 nous avons joué 150 fois,  dans trois continents c’est après cette année éreintante  que nous avons décidé de changer de vie et de nous exiler dans l’Est de la France.
 9 ans nous avons dirigé une Scène Nationale à  Montbéliard, et fatigués d’avoir 30 personnes sous nos ordres et d’avoir tout fait en 9 ans,  on a démissionné et on s’est inventé une autre vie, où la diffusion  n’est plus au centre de nos préoccupations. 

On nous a proposé de rester dans le pays de Montbéliard , la Mairie d’Audincourt nous prête une maison de maitre,  nous avons le studio des 3 Oranges qui peut accueillir 400 personnes , et un magasin d’accessoires et de costumes qui jouxte la salle de spectacle, + un château prêté par l’agglomération avec 13 chambres, 19 lits, deux salles de bains, deux cuisines etc. On rembourse en nature  à hauteur de 45 000 € par an. 

On a inventé des événements mises en scène de l’espace social : la caravane passe en A , les 80 ans de ma mère,  on fait les ruches, des stages d’art oratoire et une fois par mois le Kapouchnik, cabaret d’actualité dissident préparé en une journée , joué par 15 acteurs,  toujours plein . On marche aux oboles libres. On récupère en moyenne 2300 € par séance. Il y a un réel engouement d’un véritable public populaire.    Les réservations se font 13 jours avant, et en 35 minutes, les 400 places sont prises d’assaut. 
On aurait fait un projet A 4  pour cette création, personne ne nous aurait jamais suivi.  Personne n’en  aurait voulu. Là nous sommes en auto- production.  C’est politique, c’est voyou, c’est limite, c’est érotique, c’est bouffon,  c’est ravageur, c’est décoiffant.  Et c’est unique.   
Tous les midis , il y a un repas, on partage notre lieu , il y a environ quinze compagnies qui défilent chaque année sans que l’on fasse de pub. On discute ensemble des créations qui se préparent. Parfois ils écoutent les conseils des vieux, parfois non. 
On a gardé de justesse notre subvention Drac au titre de la transmission, grâce à Pascale Canivet qui a été conseillère théâtre  et une subvention de la Région aussi. La ville et l’Agglo  nous ont  payé cette année un petit événement de deux jours. 


Voilà, j’ai témoigné. Moralité paysanne : ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.    


la cloche sonne, on va manger des paupiettes de veau et une bonne soupe pimentée. 


Jacques Livchine 
 

   


 






 


 






















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