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[rue] RE: A nos élites


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  • From: Ronald Brown Lee < >
  • To: "Le Fourneau" < >
  • Subject: [rue] RE: A nos élites
  • Date: Tue, 6 Mar 2012 22:26:44 +0100
  • Importance: Normal

Comme souvent et de plus en plus, ta plume m'inspire...

Et juste un truc, je vais te donner une recette (petite) pour monter un groupe qui tourne (connu ou pas du grand public, it's not important).

En gros déjà, avoir "le niveau adéquat musical requis" pour le style de musique de musique proposé.
Même si tu n'es pas une bête, au moins être capable d'assumer ce que tu veux montrer.
Ca veut dire des heures, des heures et encore des heures de travail personnel acharné, au moins dans un temps de ta vie, et des heures et des heures de répétition avec tes collègues...

Moyenne de (sur)vie d'un groupe de musique actuelle en France = 2 ans !!! C'est pauvre, n'est-ce pas.
La dissolution, dans la grande majeure partie des cas survient juste après l'enregistrement du disque.
Ca tient peut-être au fait que la prise en studio (dans un vrai studio, pas chez Marcel Broluzeau, avec son 4 piste à bande Yamaha, ou plus actuel avec son ordinateur monté avec un hersatz de Logic pro, Protool ou cul-base), le genre qui ne connaît rien ou presque au son, et qui s'est baptisé lui-même ingénieur du son - au passage, un ingénieur, ça fait au minimum 5 ans d'études poussées, la tête dans le guidon toute  l'année, avec des travaux à rendre, des exams à passer, des stages l'été etc... -le milieu du son est peuplé de trous-du-cul qui veulent péter plus haut que leur trou de balle... Déjà quand un mec te déclare qu'il est ingé-son, faut se méfier (il y en a des vrais quand même! - Je préfère les "sondiers" comme beaucoup d'entre eux se nomment avec un peu de dérision); donc, un enregistrement de CD, ça se fait dans un vrai studio. Ca coûte...
Et là, dans une studio d'enregistrement digne de ce nom, ce que fait chacun des musicien est passé à la loupe, voir au microscope. La note de basse que tu perçois comme un pic, un point dans le spectre sonore, ça devient un trait de 50 cm de long épais de 10 cm. Alors, chacun entend les cacas des autres, et ça chiffonne fatalement une paire d'égos mal tournés... Surtout les: "c'est jamais moi, c'est l'autre"....
Mais qu'est-ce que c'est bon quand tu peux leur mettre le nez dedans, à ceux-là... Et là, tu peux te permettre d'appuyer sur la tête avec tes deux pieds... Debout...
Les autres, les "clairs", par oppositions aux faux-culs, ça ne leur pose pas de gros problème de reconnaître leur erreurs et d'essayer de les corriger.

En gros, vaut mieux commencer par enregistrer quand tu as quelque chose qui tient la route !!!
Au moins, s'il y a un gros con dans la bande, tu le démasques tout de suite et soit tu t'arraches, soit ensemble avec les autres, vous l'éjectez et le remplacez. Un seul con suffit à faire exploser un groupe... Alors, pas de larmoyisme catho mal placé. Faut pas hésiter.

Ensuite, il faut que chacun se colle à une tâche annexe: Entretien du matos (c'est rare qu'en groupe commence avec un technicien son), promo (création d'affiche par exemple) diffusion (se taper les radios locales tous ensemble, autre exemple) vente, suivi des fiches de paie... etc...
Pas de ramier au montage démontage... On se pose quand tout est fini. Pour ça et pour plein d'autres choses, je crois que l'école du baluche reste une bonne école. Encore faut-il pouvoir en sortir un jour... Mais, j'ai de vieux amis baluchards depuis plus de trente ans. Au moins, il savent un peu tout faire, ces vieux forcats de la zique. Ca charge son propre matos, ça fait le trajet, ça monte, ça fait les balances, ça joue 5 ou 6 heure, ça démonte, ça refait la route en sen inverse , ça décharge... En général début 16h00,  fin vers 6 ou 7 heures du mat.

Surtout, dans le groupe, pas de gros alcoolos -et il y en a un paquet dans le monde de la zique- de ceux qui se croient géniaux quand ils sont tartinés à 4 grammes, farcis à la Beu made in Hollande (François), raides à la pédo...
Pour ceux qui ont du mal à démarrer, on pourrait limite prescrire une petite poinet de coke. Mais bon, faut pas que ça deviennent une habitude.
Les musicos accros sont encore plus chiants que les déjà chiants...
Bon il y a des contre exemple: un Chalie Parker par exemple... Ou un Django Reinhardt. Même s'il oubliaient de venir jouer quelques fois, on a bien fait de les laisser s'exprimer...
Une adecdote qui se conte chez les grateux, c'est la façon dont Django a totalement foiré une tournée américaine (je ne sais même pas s'il y en a eu une autre).
Je crois que c'était sa première date: New york (Brodway ???) 1946....
Attendu pas une salle pleine, les critiques et tout le gratin, Il n'est pas allé jouer...
Il a rencontré Marcel Cerdan lors d'un apéro, et ces deux géants, tous deux sortis des bas-fonds, se sont grassement pouillave le chetron...
Bon, mais ces mecs là, c'étaient des génies. Espèce rarissime...

Ensuite, que chacun soit d'accord pour faire le boulot de bûcheron (sur scène, dans les bistrot -si le temps n'est pas compté, faut pas pleurer sur les rappels, les répertoires à rallonge.. Faut "donner". On est pas là pour faire 8h00-midi, 2h00 - 6h00 !!!),
Le boulot de promo, de diffusion de vente (là il ya du taf, et je témoigne, c'est en règle générale un seul et le même qui s'en décrotte, et qui se fait braquer quand le repas de la petite asso, qui organise sa fête de la musique avec un budget de merde te propose une saucisse frite et une binouze)... Tous ceux qui ont toujours quelque chose d'autre à faire à 'heure de monter sur scène et qu'il faut débusquer du bar, par exemple, en train de péter des binouzes et de draguer le "gueuzesses"...

Tu vois, Cthou, pendant 20 ans, en pro ou en amateur, j'ai tiré des groupes (donc des individus) par le slibard pour les faire avancer...
Organisé les répets (déjà, ça, c'est compliqué), trouvé les plans, etc je ne vais pas la refaire....
Et un jour, quand j'ai tout quitté pour retourner jouer dans la rue, vu qu'à la fin des année 70 j'avais commencé au banjo-chant (sans micro) dans un groupe de New Orleans - big turn over in my life, je me suis retrouvé un en petite culotte mais puisque la vérole était déjà dans le chantier -  je me suis dit... "Et pourquoi pas tout seul ! " why, why why ???
Alors j'ai refais du répertoire: du Brassens, du perso, de la reprise; j'ai enregistré plusieurs  albums (financé à mes frais avec des prêts de la banque) en invitant ma vieille garde, ces vieux potes et vieilles copines en qui j'ai une absolue confiance, et qui viennent m'épauler pour un cachet minable... Et qui le referons si je le leur demande.
Heureusement, les vieilles amitiés sont parfois solides.
J'ai construit ma charrette-tonneau-sound système, et banzaï !!!
Et j'ai eu un peu (beaucoup), de la chance: celle de me trouver dans de bons endroits au bon moment.
En 12 ans, environ 800 dates et au moins 1000 sorties...
Bien sûr, jouer en groupe c'est vachement plus jubilatoire...

Voilà, dernier paramètre essentiel:  il faut aussi de la chance pour qu'un groupe se lance, comme les Elmer, et tant d'autres.
Mais quand on a mis toutes les chances de son côté, on a plus de possibilités d'aboutir....
Comme disait un pote pendant mes 5 années de scopard en tant que boulanger bio,
"prévoir, c'est laisser un peu de place à l'imprévu" ...
Ne pas confondre avec "gouverner, c'est prévoir"!
Que j'aurai bien mis dans la bouche de Louis XVI ou de Napoléon, par exemple, ou du "Joker" qui gouverne ici...
Superman, oh Superman, je t'en prie, viens lui péter la gueule...



Fred. R
Baladin, peintre de chansons,
Chanteur de rue et des bistrots
Tel: 06 79 25 67 00

Retrouvez-moi sur:
http://fanclub-fredr.over-blog.com/
 
http://www.myspace.com/fred.r




 


> From:
> Date: Tue, 6 Mar 2012 09:53:23 +0100
> To:
> Subject: [rue] A nos élites
>
> J'ai quitté le monde des arts de la rue.
>
> C'est un dernier festival, en septembre, qui a eu raison de moi.
> Nous l'avions pourtant préparé avec coeur, et elle tournait bien, notre déambulation, on était tous intermittents...
> Une carriole à bras fleurie, juchée sur deux grandes roues, ornée de grands tournesols et de vieux arrosoirs, et nous, déguisés en plantes vertes, qui guérissions les maux écologiques de la ville...
> Nous jouions tout près de Paris, et logiquement j'avais appelé mon pote Stan, mon vieux pote d'enfance, le guitariste des fameux Demonium Fuckers.
> Il est arrivé avec le chanteur, en plein après midi, et j'ai été foudroyé sur place en les voyant arriver.
> Dans un effroyable éclair de honte, j'ai subitement compris tout le ridicule de la situation.
> Ils nous regardaient l'ai gênés.
> Dudu caressait un arbre avec ses dreads, cécile chantait en arrosant les buissons municipaux, et moi sur la carriole en salopette de chantier je battait la cadence sur des pots de fleurs retournés.
>
> A l'époque, on avait un groupe avec Stan.
> C'était pas le niveau des Demonium Fuckers, mais on s'éclatait bien, et on était super respectés par toute notre bande de potes.
> On avait un minimum de gloire.
> Un minimum d'honneur.
> Le soir, je lui ai bredouillé que je m'en foutais, que c'était pour crouter cette compagnie, mais même ça, c'était pas une excuse...
> On a pas le droit de faire ça quand on a eu 22 ans, qu'on a rêvé de devenir quelqu'un de grand, une star, un vrai artiste.
> Moi je l'ai rêvé, d'être le plus grand, je me suis aimé au point d'en être saoulant, mais putain quelle ivresse!
> Je me suis juré un grand destin. Et là je tapais sur des pots de fleurs retournés, en salopette. Brûlé au coeur, j'ai tout lâché.
>
> De retour à Rennes, j'ai remonté un groupe, avec la ferme intention de produire tout un set dans l'hiver, et d'attaquer une tournée dès l'été suivant.
> J'ai profité des assedics pour bosser à fond la batterie, et j'ai assemblé toute la formation.
> J'ai même trouvé un pur chanteur avec des bons textes, une perle, et des musiciens, des vrais, des bons, et disponibles.
> Deux répés par semaine, tout est allé super vite. On s'est appelés les Wadzefuck.
> Franchement, ça sonnait, grave. De grave.
> J'étais aux anges. Je retrouvais peu à peu le milieu musical, les check ça papa, les tatouages lookés, les commentaires sur les tournées d'untel, les anecdotes des roadies, l'ambiance de backstage.
> Ca fumait de la clope, ça brillait de la chevelure, c'était un monde dur, ou ça charriait sévère, mais c'était un monde de mecs, et je m'y sentais bien.
> Et puis le groupe a été prêt, on avait une heure et demie de pure zique.
> Le moment était venu de tourner.
>
> La réalité m'a frappé le front: comment fait-on venir le public, quand on est un groupe?
> Parce que vous n'avez pas les thunes, pour placarder la ville d'affiches que vous ne pouvez pas vous payer...
> Et même si vous vous les payez... les gens, ils s'en foutent totalement d'une affiche d'un groupe inconnu!
> Je veux dire, si tu veux avoir du monde, remplir une salle, tout seul ou en étant acheté par les mecs qui louent les salles...
> Il faut être hyper connu, que des centaines de mecs adorent ce que tu fais personnellement, qu'ils viennent te voir toi, pour qui tu es toi!!
> Je badais. On jouait pour une salade de ris et trois consos dans des bars vides.
> Nos myspace soundcloud et facebook étaient inondés de groupes qui voulaient être nos amis, c'est tout.
> Les journaux étaient intouchables, les radios cliquaient sur corbeille, les maisons de disques s'écroulaient, et les gens normaux se foutaient totalement des jeunes groupes.
> On était inconnus, on n'avait pas de dates, et pire, même en jouant gratos où on pouvait, on n'avait pas de public.
> Un soir, en remontant ma batterie à l'appart, boîte par boîte et marche par marche, je me suis rappelé les pots de fleurs.
> Sur le palier, en sueur, je me suis assis sur la grosse caisse, et là j'ai compris.
>
> Une affiche avec des noms de groupe inconnus ça n'attirera jamais personne.
> Une affiche avec marqué "festival de plein de groupes", c'est foutu.
> Et pourtant, une affiche "festival des arts de la rue", ça attire plein de monde.
> Grâce à qui? Aux dix compagnies dont les noms sont un peu connus, et qui font des salles ou des gros événements?
> Ou aux 700 qui sont tout à fait inconnus et qui ramènent à eux tant de public qu'ils talonnent le cinéma?
> L'énorme avantage, si énorme qu'on l'oublie quand on est dans ce milieu, c'est qu'à chaque fois que tu vas quelque part, t'a rien à faire, et le public est là. Par centaines.
> Putain quel luxe comparé à l'autoprod!
> Et ça grâce aux salopettes et aux pots de fleurs.
> Cette masse de spectacles ne vous fait pas rêver, vous les artistes carriéristes, vous la "haute" du milieu.
> Pourtant cette masse si humble, si populaire qu'elle ne s'extraie jamais de son milieu pour glisser sur les hautes orbes de la gloire, c'est à sa nature même qu'on doit tout le succès des arts de la rue.
>
> Parce que c'est ça que les gens sont venus voir, du divers, du varié, du gratuit, du simple, du beau, de l'accessible, du franco de port, de la rue.
> J'ai compris aujourd'hui, au RSA, fier et minable avec mes Wadzefuck, que mes potes zicos pétaient plus haut que leur cul.
> Que même dans le milieu des arts de la rue, tous ceux qui n'avaient pas compris que c'était la masse des essais, des off, des compagnies pas terrible, des facilités, des petits succès, qui faisaient la force d'âme de la profession, que tous ceux qui n'avaient pas compris cela, n'étaient que des aristocrates égocentriques et prétentieux.
> Les arts de la rue doivent leur succès à leur peuple, pas à leurs élites.
> Les "bonnes" compagnies, les grands noms historiques, les adoubés des subventions, ne doivent leur succès qu'à ce qu'ils appartiennent à la masse grouillante, qu'ils sont portés par les mains noires et graisseuses de leur classe.
> En art de la rue, tout élitisme est du révisionnisme.
> A vous qui tenez le discours de l'excellence, de l'esthétisme, je vous dis que vous êtes des traitres.
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> Je vais revenir à la rue. Cet hiver, on a bossé une nouvelle déambule.
> On est couverts de glaise en hommes préhistoriques, et on se balade à pied en découvrant les rues comme si on était des bêtes, en faisant des gags.
> Ca casse pas des briques, mais on va bien se marrer, avec les gens.
> Et ça, c'est le sommet de la gloire, mon pote.
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> Et j'espère que toute la profession nous considèrera avec respect pour ce que nous sommes.
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> Son peuple.
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> www.qualitestreet.com
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