Lettre
ouverte à Madame Aurelie Filippetti, Ministre de la Culture.
Madame la Ministre de la Culture,
Je ne suis qu'un simple artiste d'une
compagnie dite des "arts de la rue", secteur du spectacle vivant qui
se manifeste souvent pour tenter de se faire légitimer parce que nous serions
moins aidés que les autres secteurs, et parce que l'appropriation de l'espace
public nous rendrait plus proches des gens.
Je ne suis qu'un simple artiste parmi
les 1000 compagnies du secteur, dont 950 au moins sont méprisées, déclassées
par l'institution. Si dans les discours de la candidate Le Pen bien des choses
m'ont effrayé pendant la dernière campagne, je dois dire que le pire était de
l'entendre dénoncer "les systèmes", comme si la France, dans tous les
domaines, était inféodée à des réseaux qui n'ont que faire des clivages
politiques pourvu que leurs bénéficiaires se maintiennent.
Ce n'est pas sans effroi que je
constate que certains artistes et ceux qui les jugent n'échappent pas à cette
problématique, et pour ce que j'en connais, le domaine des arts de la rue.
Il n'engage que moi d'affirmer que le
conventionnement des compagnies est une invention née du mépris de
l'institution de s'intéresser à la seule vraie forme d'émergence qui résiste au
temps : la jeunesse. J'ose affirmer, en reprenant la thèse de Stéphane
Blanchard, ancien président d'une fédération régionale Midi-Pyrénées moribonde
car délaissée par tous les "importants" du secteur parce qu'ils
avaient obtenu ce qu'ils cherchaient, que les moyens dont disposent certaines
compagnies pourraient entre autres servir à soutenir les festivals et les lieux
de diffusion du spectacle vivant, si tant est que la mission principale
consiste à partager la culture. J'ose affirmer qu'il y a des "experts"
qui font et défont les compagnies, et dont on ne sait pas par qui ils ont été
nommés, par d'autres experts sans doute. Qu'ils soient d'une région de gauche
ou d'un ministère de droite, leur collusion est parfois évidente. J'ose
affirmer qu'il est des festivals qui s'autoproclament comme étant des tenants
du "vrai art", pour mieux écarter ceux qui pratiquent
"l'animation", en se fondant sur des critères douteux.
Je ne suis qu'un artiste, mais je
suis aussi "un citoyen normal". Je veux bien abandonner cette idée un
peu naïve que les artistes sont par essence des humanistes qui rejettent toute
attitude libérale, mais je ne supporte pas qu'en un sens, la candidate Le Pen
et ceux qui la soutiennent soient confortés dans leurs affirmations. Pour ces
raisons, Madame la Ministre, je vous demande d'opérer le changement qui nous a
été promis, en proposant aux artistes de la rue comme à d'autres un chemin
juste et équitable pour une culture partagée par tous.
Je vous prie d'agréer, Madame la
Ministre, mes salutations distinguées.
Raymond GABRIEL,
compagnie Les Commandos Percu