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[rue] L'ascension social première partie.


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  • Subject: [rue] L'ascension social première partie.
  • Date: Sat, 12 Oct 2013 07:14:13 +0200
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Je souhaite remercier Jérôme pianiste émérite et amateur de mots qui à la lecture de mes pérégrinations m'a gentiment proposé un coup de main pour l'orthographe et quelques conseils pour le style.
www.jeromebsedeyn.com

Je m'appelle Marc, Marc Costifa. Mais j'ai deux passeports, sur le deuxième il y a écrit René Giradon. Je sais pas pourquoi j'ai choisi ce nom. Je l'ai acheté à un Zaïrois, juste avant de partir en voyage. Le mec vendait des 9 millimètres et des passeports. C'était le même prix. J'ai un peu hésité et puis j'ai pris le passeport. L'avenir me dira si j'ai eu raison.

 

Je suis jongleur. Un bon jongleur même et je suis capable de tenir sur les mains aussi. J'ai bossé pendant cinq ans dans un cirque. J'y suis entré en tant qu'agent d'entretien. J'ai commencé par nettoyer les chiottes et puis, peu à peu, je me suis occupé des bêtes. Le soir après le boulot, j'allais sous le chapiteau et je m'entraînais. J'avais la pêche à cette époque. Tellement qu'à la fin, je faisais même un petit numéro pendant le show. Je suis sorti de ces cinq années avec une réelle compétence et une belle estafilade sous l'œil. Un coup de couteau reçu lors d'une nuit d'ivresse, au cours d'une rixe avec le cuisinier. Faut jamais se battre avec un cuistot, ils sont toujours armés ces cons là. Mais bon, savoir jongler me permet de faire croire au gens que je suis sympa, la cicatrice de leur montrer que je ne le suis pas toujours.

 

Avant de partir, j'avais des rêves et des envies plein la tête. Je voulais faire des spectacles là ou habituellement il n'y en pas. Je voulais vivre hors de leurs normes, à côté de leurs lois, je voulais que ma vie, ce soit mes choix.

Je sais pas ce qui est parti le plus vite. Si c'est mes rêves ou mon pognon. Les deux se sont dissous dans les bars, dans les rencontres d'un soir, dans des hôtels de passes de plus en plus sordides, de plus en plus pourris. La seul certitude qui me reste c'est que si y a encore des anges dans ce bas monde, ils sont parmi les voyous et les putes.

 

Quand je suis arrivé à Chang Maï, ça faisait déjà une bonne semaine que j'oscillais entre ivresse et gueule de bois. Et ce jour là, j'en tenais une bonne, une qui vous ankylose, une qui vous vrille dans tout le corps. Il faisait chaud, mais tandis que je suais  abondamment le mauvais whisky ingurgité la veille, au moins je me sentais vivant. J'ai pris une chambre dans un hôtel miteux et j'ai payé trois jours d'avance. Par réflexe, à la tenancière, j'ai donné mon deuxième passeport, bon réflexe...

 

En entrant dans la chambre, j'ai tué deux cafards. J'ai roulé une cigarette et je l'ai allumée. J'ai tiré quelques volutes de cette fumée âcre caractéristique des feuilles de tabac mal traité et puis j'ai sorti la dernière boîte de bière de mon sac. J'en ai bu deux grosses gorgées. Elle était pas tiède, elle était chaude. J'ai descendu les escaliers en courant et j'ai vomi, juste devant la porte des toilettes. Je suis remonté et j'ai terminé la bière. C'était bon, j'étais installé, je me sentais chez moi, je me suis endormi.

 

Quand j'ai ouvert les yeux il faisait nuit. J'ai commencé à fouiller fébrilement dans les poches de mon pantalon et j’en ai sorti quelques billets froissés et une poignée de pièces: 1930 bahts, et plus de billet d'avion retour depuis longtemps. De quoi picoler pendant une nuit, peut être deux, c'était pas génial, mais c'était déjà çà. J'ai essayé de réfléchir à ma situation. J'ai même songé à travailler, ou à essayer de vendre un petit spectacle, mais avec mon visa touristique j'étais sûr de trouver que des trucs au black et mal payés. Et puis j'ai jamais aimé bosser et là je me sentais vraiment plus le courage d'y retourner, plus la force ni d'en chier, ni  d'être drôle.

 

J'ai pensé à faire un petit braquage, le deuxième passeport finalement c'était peut être pas le bon choix. Quand je suis bourré, j'ai du cran. Mais je me suis abrité derrière un reste de moralité pour y renoncer. La vérité, c'est que je suis pas vraiment un bon voleur. En Europe je l'aurais fait. Mais là, si ça tournait mal, ces cinglés de Thaïlandais n'hésiteraient pas à me couper les bras. Et j'ai toujours tenu à mes bras, plus qu'à mon foie.

 

J'ai réussi à me mettre debout et a descendre les escaliers, lorsque derrière une porte close j'ai entendu des cris, des rires. C'était des Italiens. Ils parlaient en Anglais, mais j'ai reconnu leur accent. Je suis revenu sur mes pas pour écouter et j'ai perçu une voix qui disait : "Mais si, ça va passer je te jure ! Et une fois là bas t'auras plus besoin de faire la putain !" J'étais tellement absorbé par ce que ce mec venait de dire que devant les toilettes j'ai glissé dans ma propre gerbe. J'ai réussi à me rattraper et suis sorti dans la rue.

 

À la faveur de la nuit c'était plus animé. Directement sur le trottoir, sous de petites échoppes des hommes et des femmes cuisinaient. Mon odorat m'a guidé jusqu'à une dame qui méticuleusement retournait une à une des brochettes de porc qu'elle était entrain de faire griller. Au dessus de la viande un petit ventilateur tournait et permettait ainsi d'alimenter la combustion des braises. J'ai baragouiné les quelques mots de Thaïlandais que je connaissais et en échange de mon effort et de quelques pièces, j'ai reçu un grand sourire et six brochettes. Je me suis assis par terre et j'ai commencé à manger. J'arrivais pas à me retirer les Italiens de la tête.

Un vieil occidental est passé, tenant par la taille une jolie Thaïlandaise d'une trentaine d'années de moins que lui. Ça m'a déprimé. Moi aussi je les aime ces femmes, mais je supporte pas ces vieillards grisonnants et leur regard concupiscent. Je déteste leur argent, leur prétendue aspiration à l'exotisme et l'air supérieur qu'ils arborent ici, autant qu'en Europe je conchie leurs pavillons de banlieue, leurs costumes, leurs nains de jardin, leurs voitures climatisées et leurs vies bien réglées. Je me suis dit que je voulais pas vieillir comme ça, et puis je me suis rassuré en pensant que de toute façon grâce à la gnole, j'arriverai sûrement pas jusque là.

 

Je me suis rendu dans une boutique de spiritueux. C'était exigu et rempli d'alcool. Ça m'a rendu le sourire. J'ai quasiment claqué tout mon fric dans trois bouteilles de whisky d'importation en priant pour que ça soit un bon investissement. Et puis je suis allé frapper à la porte des Italiens, j'ai pris mon air le plus affable, mais attention, pas celui d'un baltringue non plus. Je le maîtrise bien celui là.

Un homme a entrouvert l'air interloqué. Il avait la trentaine, pâle, le visage émacié. Il m'a semblé plus drogué que méchant. Je lui ai expliqué qu'on était voisin et que je détestais picoler seul. Quand il a vu la marque des bouteilles que je tenais dans les mains il s'est effacé pour me laisser rentrer. Si j'avais bien capté, ça devait le faire.

 

À l'intérieur y avait deux hommes et une femme, une Thaïlandaise. La chambre était plus grande que la mienne. Le sol était jonché de canettes qui faisaient office de cendriers. Ça sentait un peu l'herbe. La vaisselle du soir n'était pas faite, celle du midi non plus d'ailleurs.

Tout en débouchant la première bouteille j'ai continué à leurs raconter des conneries. Je les ai fait rire, je les ai fait boire, j'ai bu aussi. J'ai jonglé un peu, ça les a épaté, alors je leur ai encore servi des verres.

Un des gars m'a dit que j'avais l'air intelligent et que j'avais dû pas mal barouder. Je lui ai répondu que je savais pas si j'étais intelligent mais qu'effectivement j'avais pas mal baroudé. La fille me bottait bien alors je lui ai fait des sourires, mais pas trop non plus pour heurter personne. Après la semaine que je venais de passer, à part me donner de l'assurance l'alcool ne me faisait plus grand-chose. En revanche les mecs commençaient à avoir du mal à encaisser. Avant la fin de la troisième bouteille tout le monde dormait.

 

Je me suis dirigé vers leurs sacs et j'ai commencé à fouiller. J'ai sorti un paquet de fringues sales, mais putain, rien d'autre ! C'est à ce moment là que la fille a ouvert les yeux et m'a vu. Elle m'a fait un grand sourire, s'est levée sans bruit, m'a pris par la main et m'a attiré hors de la chambre. Je me suis dit que j'allais au moins la baiser. Elle m'a amené jusqu'aux toilettes, on a enjambé la flaque de vomi puis elle est montée sur la cuvette, a retiré une dalle du faux plafond et en a extirpé un sac qu'elle m'a passé. À l'intérieur y avait deux kilos d'opium.

"BINGO" j'ai dit et je l'ai embrassée.

On est allé dans ma chambre. J'ai récupéré mes affaires, on a quitté l'hôtel. Le jour se levait, tant pis pour mes trois nuits d'avance. J'ai fait signe à un tuc-tuc qui passait et je lui ai dit de nous amener à la gare routière...

 

 

Merci si vous êtes arrivés jusqu'à là, méfiez vous il risque d'y avoir une suite.

Waba

 



  • [rue] L'ascension social première partie., Wa ba, 12/10/2013

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