Je ne peux pas commencer sans évoquer Aurillac d’il y a 30 ans.
Michel Crespin avait appelé l’Unité.
“ Je vous prends à Aurillac, je vous prends l’intégrale”. Michel, ai -je
répondu, nous avons au répertoire la 2CV théâtre, la femme Chapiteau, le
théâtre pour chiens, le mariage, les grooms, 5 spectacles ! “. Michel a dit :
je prends tout. Nous n’étions donc que deux compagnies françaises, l’Unité et
Zingaro + 3 compagnies étrangères. Hommage donc à Michel Crespin disparu il y a
à peine un an. Personne n’aurait cru à
la naissance du plus grand festival de théâtre de rue du monde.
Je ne peux ne pas raconter le jeudi 28 août 1986. Nous avions installé notre 2CV théâtre place
de l’hôtel de ville. 11 H. La place est
déserte. Michel nous dit : commencez. Mais Michel, lui dis-je, il n’y a
personne. Commencez, et j’entends encore Hervée qui parle devant zéro personne
: ”Circulez, il n’ y a rien à voir, vous êtes devant la 2CV théâtre, le plus
petit théâtre du monde, un théâtre à deux places et uniquement deux places. Et puis il y a eu 10 personnes , puis 20 puis
50 personnes.
Nous dormions à l’Hôtel Saint Pierre, les loges
étaient la salle à manger.
2015, ce sera notre sixième Aurillac.
Alors cette année, ce sera quoi ? Le parlement de rue ?
Tout commence en 2006 à Amiens,
encore quelqu’un de formidable, Jean Pierre Marcos, escorté de son inséparable
philippe Macret : “On vous emmène au
quartier d’Etouvie. Quoi faire ? A vous de voir”.
On invente avec les habitants un événement de légende : la Tour Bleue.
De nouveau en 2013, sept ans plus tard, le 28 février, on se
retrouve dans le quartier d’Etouvie, la tour bleue a disparu pour de vrai. Ghislaine Roche est la nouvelle directrice du
Centre Social Culturel. Faut faire quelque chose pour la fête dans la ville, le
20 juin 2014. Toujours ce Marcos.
Zéro idée préconçue. On demande à Ghislaine de rassembler 50 personnes
minimum pour le 28 mars 2013. Et là,
nous nous asseyons en cercle, ce que nous appelons le cercle de l’idiotie. Chacun à tour de rôle doit donner l’idée la
plus idiote possible.
Les habitants de ce quartier adorent se qualifier de “cas sociaux”.
Aucune idée n’a le droit d’être critiquée. Je note tout.
Il y a de la mobilisation, du
désir, de l ‘imagination.
Alors c’est assez saugrenu, on passe d’un désir de féérie à une fausse
prise d’otage, d’un banquet républicain à une chaîne humaine, d’un kidnapping
en hélicoptère d’une équipe de télé pour qu’enfin on parle du quartier. Et puis il y a du ressentiment, quarter
stigmatisé, et d’un seul coup ça sort, quelqu’un dit : “le peuple doit prendre le pouvoir, on en a
marre de ne pas être écoutés”, alors on se raconte la commune de Paris, et si
on faisait pareil, si on faisait la
commune libre d’Etouvie ? Emballement, on ferait un hymne. On ferait sécession
avec Amiens, on écrirait au monde entier….Pour la première fois un quartier
fait ses propres lois ! Notre richesse ce sont nos idées clament les uns
soutenus par les autres.
Dans le compte- rendu de la séance du 2 juillet 2013, il est écrit : les
habitants décident de vivre pendant une journée comme s’ils étaient
indépendants, réunis en assemblée révolutionnaire, ils vont édicter une certain
nombre de décrets qui refléteront leurs doléances, leurs envies, leurs utopies.
C’est parti pour l’écriture collective des lois.
Un an plus tard , c’est le 20 juin 2014, dans une atmosphère pré-
révolutionnaire, les lois sont soumises au vote du quartier.
Sans faire vraiment exprès, nous
avons réinventé la démocratie, le pouvoir du peuple.
Une habitante invite François Hollande, il s’excuse de ne pas venir, Obama est invité
lui aussi et Valls et Najat Vallaud-Belkacem
On aère l’assemblée avec des poèmes, un hymne et des jingles.
Petite déception, on n’a pas fait
les 5000 personnes de la tour bleue en 2006. Nous jouions en même temps que le match France Suisse, Pendant l‘assemblée, 17 millions de français
étaient devant leur télé.
La suite, novembre 2014, discussion
gare de Lyon avec Jean Marie Songy et Charlotte Granger. On parle de tout, nous sentons que nous
sommes dans une drôle de période, on ne lit plus les journaux, on n’a plus
envie de voter, bref le jeu politique semble n’être plus que des stratégies
pour prendre le pouvoir ou s’y maintenir. On sent que les politiciens
abandonnent le peuple. On évoque la
commune libre d’Etouvie.
Et voilà, en février, Charlotte vient à Calais pour préparer Aurillac, mais comment faire ? Il n’est pas question de débarquer avec les 150
participants, on doit inventer quelque chose sur le même principe. On doit élargir le propos, ce ne sera pas un
quartier qui invente ses lois, ce sera un parlement de rue, un vrai parlement
populaire. On sélectionne 9 habitants du quartier d’Etouvie, qui seront nos “experts
du quotidien”, on remplace les musiciens et la chorale du conservatoire par
Didier Super, le saignant et deux demoiselles chochottes.
On invite la Brigade d’intervention théâtrale de Pau que nous avons
formée, à nous épauler.
L’objectif est le suivant : “François
et Manuel, Vous avez abandonné
le peuple, mais le peuple ne vous abandonne pas, pour vous,
le théâtre de rue ré-invente la démocratie à Aurillac”.
Quelque chose de ce genre à discuter.
Jacques Livchine et Hervée de Lafond
Théâtre de l’Unité
APPEL AUX HABITANTS d’AURILLAC
Si vous voulez participer au Parlement de rue, rendez -vous tous les
matins du 19 au 22 août de 11 H à 12 H
30 à la chapelle- Auditorium place des Carmes.
Le parlement de rue, se tiendra
du 19 au 22 août à 18 H place des
Carmes au pied du séquoïa.