LETTRE OUVERTE

aux partenaires du Centre National des Arts de la Rue

en région Aquitaine Limousin Poitou-Charentes

Mesdames, Messieurs,

Nous écrivons cette lettre, ouverte mais inquiète, en réaction au silence qui entoure la réinstallation du Centre National des Arts de la Rue.

Depuis la fin de l'année 2015, le Centre National des Arts de la Rue en Poitou-Charentes « Aux Usines Boinot », installé sur le site éponyme niortais, n'a plus que son label pour exister. La nouvelle équipe municipale n'a pas souhaité que la ville de Niort continue de bénéficier de cette structure qui promeut une culture populaire, ouverte sur l'espace public. Le Centre a donc quitté les bords de la Sèvre en décembre, laissant derrière lui un cortège de vaines contestations.

Parallèlement, près de 9 mois de rencontres, d'échanges, de réflexion et de négociations, auront été nécessaires pour qu'une autre ville propose d'accueillir le CNAR. Et c'est en décembre que le maire de La Rochelle a annoncé officiellement que le Centre viendra s'installer dans la capitale de Charente-Maritime.

Nous devrions alors nous réjouir, nous qui sommes impliqués, de cœur et jusqu'au cou, dans le secteur des arts de la rue, nous devrions nous réjouir et pourtant il n'en est rien.

D'abord nous ne sentons aucun engouement, aucune excitation, personne au conseil municipal rochelais ou dans les bureaux de l'administration, personne qui ouvre grand les bras pour enlacer ce nouvel équipement, et avec lui la douce ambition d'une dynamique culturelle enrichie.

En outre, et plus pragmatiquement, le CNAR ne dispose pour le moment d'aucun espace de travail. Nous imaginons bien qu'il faudra du temps avant que la structure ne jouisse d'un équipement véritablement adapté à l'accueil de compagnies artistiques en résidence. Mais un premier lieu provisoire pour résidences artistiques devrait pouvoir être trouvé sur une ville telle que La Rochelle. De plus, les quatre salariés n'ont pas même un espace administratif pour se retrouver et organiser l'année en cours.

Enfin, nous sommes inquiets en entendant la municipalité de La Rochelle expliquer publiquement que l'accueil du CNAR n'aura aucune incidence financière. Une telle déclaration ne témoigne pas d'une grande lucidité, et ne fait pas montre d'une volonté politique ni engageante, ni rassurante.

Comme les sciences et la recherche, l'art et la culture ont un coût. Aussi, comme les sciences et la recherche, l'art et la culture nous apportent énormément. Alors non, il ne s'agit pas d'un apport immédiat et évident, mais d'un apport pérenne et sensible. Comme le chercheur, l'artiste a besoin de temps et d'espaces dédiés pour mener des expériences, pour voir émerger de nouvelles formes. Les spectacles ainsi conçus partent alors à la rencontre des publics, et participent d'une économie globale liée à la culture, au tourisme, à la communication ... C'est pour accompagner ce processus que les CNARs existent : sortes de laboratoires artistiques, assurant également un lien continu entre les habitants d'une ville et les artistes accueillis.

Soutenir la création de formes artistiques dans l'espace public est un choix politique. Les arts de la rue regroupent toutes les disciplines du spectacle vivant, avec la particularité essentielle d'envisager ces pratiques dans un espace libre et gratuit, toujours différent d'une ville à l'autre. Aller au devant du public pour nous questionner parfois, nous faire rêver peut-être, nous surprendre toujours. Les arts dans l'espace public créent de la mémoire commune et réduisent les distances entre les gens.

Nous ne pensons pas qu'un Centre National des Arts de la Rue soit une structure que l'on puisse parachuter sans accompagnement local, sans travailler aux conditions idéales de son installation. Un Centre National des Arts de la Rue ne propose pas automatiquement aux habitants, comme un théâtre par exemple ou une scène de musiques actuelles, une offre de diffusion à laquelle souscrire par abonnement, une offre pour laquelle on peut tabler sur des œuvres connues, rodées... 

Ce sont les artistes eux-mêmes qui proposeront leurs imaginaires pour la ville. L’équipe du Centre National des Arts de la Rue doit ensuite inventer avec eux, et avec le soutien indispensable des services de la Ville et de diverses structures-relais, sa relation aux habitants du territoire.

Depuis presque un an, la ré-installation du CNAR se déroule « en coulisses », éléments scéniques peu usités par le spectacle de rue, ce qui explique notre envie de transparence. Nous avons été étonnés que l’équipe du Centre National ne soit pas sollicitée, ni au moment où il fallait trouver un nouvel endroit où poser ses valises, ni depuis que La Rochelle s'est positionnée, afin qu'elle adapte le projet du Centre à son nouvel environnement.

Nous écrivons ce courrier pour ne pas nous sentir pris au dépourvu. Nous voulons croire en la réinstallation du CNAR à La Rochelle. Nous sollicitons par la présente une rencontre entre tous les partenaires du Centre National des Arts de la Rue dans la première moitié du mois de mars : l’Association, son équipe, l'État, la Région, la Ville de La Rochelle ; mais aussi les Villes de Rochefort, Cognac et Poitiers qui se sont mobilisées lors du processus de prospection pour un nouveau port d'attache. Nous souhaitons que des représentants de la Fédération des Arts de la Rue participent à cette réunion.

Nous vous remercions de nous tenir informés rapidement.

Cordialement,

Le Conseil d'Administration de la FAR OUEST

Fédération Régionale des Arts de la Rue en Poitou-Charentes

Pour nous contacter :  " class="">