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[rue] Chronique d'ailleurs : l'Inde (1ère épisode)


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  • Subject: [rue] Chronique d'ailleurs : l'Inde (1ère épisode)
  • Date: Sun, 13 Mar 2016 02:17:48 +0000 (UTC)

L'Inde : un milliard six cents soixante millions d'individus sur un territoire sept fois plus grand que la France, tu imagines le nombre de spectateurs potentiels ?
Comment s'est-on retrouvé là-bas ? Un simple clic sur Youtube d'une insomniaque, qui, ensuite a réuni tout son staff et les a collé devant la vidéo pour voir comment il réagirait.
C'était une vidéo tournée par un spectateur en Hollande. Le staff hindou a ri à la vision de la vidéo alors l'insomniaque s'est dit :" Il me les faut, je vais les faire venir."
Voilà comment nous nous sommes retrouvés, pour "trois francs six sous" (clin d'oeil à Marylin et Bellot), dans une nouvelle aventure ou un nouvel essuyage de plâtre.

C'est le 31ème pays ou nous jouons avec ce spectacle, et c'est toujours magique, incroyable et surprenant ! Nous avons pris 9 avions en 10 jours et avons joué dans quatre régions, un truc de dingue qui te fait perdre toute notion de l'espace-temps. D'ailleurs les Hindous disent de nous, comme les africains  "les européens ont l'heure, nous, nous avons le temps". C'est vrai ! C'est fou comme nous avons attendu, comme nous avons lanterné pour récupérer nos malles dans chaque aéroport. Mais l'attente est cool, sereine, tu te mets en mode hindou, à savoir, une administration dix fois plus chiante et tatillonne que celle que nous connaissons en France, une corruption très présente mais pas trop insistante, et ça marche. Pas avec ton timing à toi, mais avec le leur. Du coup, tu prends le pli et tu patientes sans t'affoler. 

Le premier truc que tu prends dans la gueule, c'est le monde. Un milliard trois cents soixante millions d'Hindous sont en mouvement perpétuel. Il y a du monde de partout, tout le temps, et beaucoup te regardent comme un E.T. débarqué de sa planète. Toi, le p'tit con tout blanc avec tes congénères qui ne sont que 63 millions, tu fais presque office d'espèce en voie d'extinction. On vient te regarder sous le nez, on tente de te demander de prendre des selfies avec toi, ou on se lève pour essayer de te fourguer des marchandises moyennant finance ou on te regarde en coin parce que tu intrigues ou simplement, on veut savoir d'ou tu viens et on te sourit...

Le théâtre de rue n'existe pas en Inde. Il y a eu des comédiens qui ont fait du théâtre-forum, très politique, comme Kabir Kala Manch dans la région de Pune, mais qui ont aussi essaimé et  joué au Pendjab, et qui ont été descendu par des nationalistes.

L'Inde n'est pas un tout, mais une mosaïque incroyable de cultures, d'individus, de langues, de traditions.... Oui, ils sont zen et sympas, jusqu'à ce qu'ils se prennent bien la tête et alors, ça part vite en incendie à partir d'une simple étincelle. Il y a quelques années (moins de dix ans) ou la culture du coton a subi une maladie qui a décimé les récoltes. Ces enflures de Monsanto ont affirmé détenir des plants non contaminés, évidemment stériles, qu'ils ont vendu en masse aux fermiers qui faisaient du coton. Le résultat a été catastrophique parce que les plants étaient aussi contaminés. Les fermiers, endettés jusqu'au cou, pendus par leurs dettes et la succession de non récoltes, se sont suicidés en masse. Et quand je dis en masse, ça veut dire que plusieurs milliers de fermiers se sont suicidés en moins d'une année. Un truc de dingue !

L'année dernière, au Pendjab (la région des Sikhs) située dans le nord, les paysans, très pauvres et peu éduqués, ont réclamé que leur "caste", située au bas de l'échelle, soit juste un tout petit peu plus respecté que ce qu'ils vivaient en contraintes et humiliations quotidiennes. Le refus des autorités politiques a provoqué une flambée d'une violence inouïe de tous ces paysans, violemment, à son tour, réprimée par l'armée et la police. Il y a eu des milliers de morts en très peu de temps. 

L'Inde, c'est chaud et tu le sens bien. Les gens sont apparemment cools mais tout est possible. La circulation des véhicules est un truc hallucinant qui te chope d'entrée. Le clignotant est inexistant, mais le klaxon est permanent. Ce n'est pas pour t'indiquer que tu fais chier, mais pour indiquer qu'il te faut regarder dans ton rétro ou mon véhicule se situe. ça double à droite, ça double à gauche, c'est de toute façon le plus culotté qui avancera. Ce qui est paradoxal, c'est cette sorte de grand égoïsme de chacun fasse à la masse de gens en véhicule 'ma gueule d'abord", si t'es piéton "au secours", et le fait que tout le monde est habitué à fonctionner comme ça. Et cependant, ça marche, et c'est ça qui est dingue ! Ces gens habitent sur un territoire trop petit par rapport au nombre qu'ils sont, mais ils ont trouvé leur façon de se supporter et de vivre plus ou moins ensemble. 

Je digresse beaucoup, au détriment d'une rationalité efficace... Tant pis, je reviendrai. Je voulais juste pour terminer, dédicacer cette chronique à deux personnes, Michel Crespin, qui nous manque, parce qu'il les aimait ces chroniques et m'appelait "le voyageur" et à Marylin Dorléans qui m'a incité, sans insister, à raconter... 

Jluc
 



  • [rue] Chronique d'ailleurs : l'Inde (1ère épisode), JL des Goulus, 13/03/2016

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