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Re: [rue] Rencart sur la zad


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  • From: Fred Fort < >
  • Cc: Le Fourneau < >
  • Subject: Re: [rue] Rencart sur la zad
  • Date: Sat, 10 Feb 2018 16:31:49 +0100


Nous avons reçu cette lettre que Robin Renucci et d’autres directeurs de
Centres Dramatiques Nationaux vont adresser à Françoise Nyssen, Ministre de
la Culture et que, bien entendu, nous publions.
Vous pouvez la transmettre aux amis, à votre réseau et d’abord envoyer avant
ce mercredi soir votre signature à Frédéric
Perouchine: ,
secrétaire général de l’Association des Centres chorégraphiques nationaux,
de l’Association des Centres dramatiques nationaux et de l’Association des
Centres de développement chorégraphique nationaux, 12-14 rue Léchevin 75011
Paris. T: +33 (0)6 63 17 49 51.
Philippe du Vignal

Madame la Ministre de la Culture,
Vous avez convié certain.e.s d’entre nous à la fin de l’automne à un dîner
pour parler de nos différentes actions auprès des exilé.e.s qui cherchent
actuellement refuge en France. Nous vous avons proposé alors d’organiser une
commission dont nous étions prêt.e.s à prendre la charge, afin d’établir un
dialogue avec le ministère de l’Intérieur. Nous avons insisté sur la
nécessité et l’urgence d’ouvrir ce dialogue entre les artistes, les
acteur.trice.s culturel.le.s et le ministère de l’Intérieur, dialogue sans
lequel tous nos efforts, tout notre travail en direction des milliers
d’exilé.e.s restent une goutte d’eau dans l’océan des violences qu’ils et
elles subissent aujourd’hui sur notre territoire, dans cette France qui pour
elles et eux représentait pourtant la patrie des droits de l’homme, une terre
d’asile et de refuge, et qui n’est plus aujourd’hui, pour ces femmes, ces
enfants et ces hommes, qu’un endroit de violence et de rejet.
Notre demande est restée lettre morte.

Vous avez lancé récemment un appel au milieu culturel et artistique à
faciliter aux éxilé.e.s l’accès à la culture, à développer des ateliers
artistiques avec elles et eux, pour les aider à patienter le long des files
d’attentes administratives.
Madame la Ministre, sachez que voici des mois, des années, que nous menons
ces actions, que nous faisons, nous, artistes, acteurs et actrices
culturelles, tout ce qui est en notre pouvoir pour soulager la misère,
l’impact des violences subies, à tous les endroits où nous pouvons agir, que
ce soit en tant que directeur.trice.s de structures culturelles, de lieux de
création, que ce soit en tant qu’artistes. Quels que soient nos moyens, nous
sommes des milliers en France à tenter d’agir avec d’autres citoyen.e.s et
des associations qui luttent quotidiennement, pour aider, soutenir,
accompagner ces vies blessées, ces parcours meurtris, ces frères et sœurs
humaines qui ont tout perdu, tout laissé derrière eux, non pas pour «
profiter » des « pavés dorés » de notre République, mais par nécessité
vitale. On ne quitte pas son pays, ceux qu’on aime, son histoire et sa vie,
par envie de confort, mais parce qu’on ne peut pas faire autrement.

Nous ne menons pas ces actions parce que nous sommes artistes et gens de
culture, nous le faisons, Madame la ministre, parce que nous sommes avant
tout des citoyen.ne.s, qui, comme des milliers d’autres citoyen.ne.s, de tous
bords, de tous milieux, voient en ces exilé.e.s des frères et sœurs humains
en souffrance. Nous le faisons en ayant chaque jour un peu plus honte de
notre pays, de la façon dont ce pays que nous aimons et dont nous défendons
avec fierté et force l’expression culturelle, trahit ses engagements, sa
devise et son histoire, ampute son avenir. Nous le faisons en ressentant de
la honte devant l’étonnement et le désespoir de ces femmes et hommes qui ne
parviennent pas à comprendre que ce soit ça, la France, un pays où on fait la
chasse aux éxilé.e.s, aux réfugié.e.s, où on brutalise des enfants, où on use
de la matraque contre eux, où on détruit les pauvres tentes dans lesquelles
se réfugient des familles, ces tentes posées au milieu de l’hiver glacé sur
l’asphalte de nos grandes villes, au milieu de nos illuminations de Noël.

On ne mène pas un atelier de théâtre, de danse, d’art plastique, d’écriture,
de vidéo, avec des enfants en exil pour ensuite les remettre dehors dans le
froid, sans se soucier de ce qu’ils mangeront le soir, et s’ils dormiront
dans la rue. On n’accueille pas des femmes et des hommes à un spectacle ou à
un film pour ensuite les mettre à la porte sans se soucier de la faim et de
la peur qui les tenaillent. On ne monte pas une chorale avec des femmes et
des enfants pendant des mois, pour ensuite leur tourner le dos quand ils
reçoivent contre toute attente une injonction de reconduite à la frontière,
vers la prison, la faim, les tortures, le viol ou une mort certaine. (…)

Un frère ou une sœur, et encore d’avantage un enfant, on ne le laisse pas à
la rue une fois la rencontre faite. On ne le laisse pas se débrouiller seul.e
devant des policiers qui chargent, qui gazent, devant des circulaires qui
font la chasse à l’homme. Non ! On l’aide comme on peut, on l’accompagne, on
l’héberge, on lui ouvre nos théâtres, nos salles de répétition, nos maisons,
pour le ou la protéger de la rue et de ses violences, on évite les contrôles
de police avec lui ou elle, on le fait ou la fait changer de domicile en
pleine nuit, quand on sait qu’il va y avoir une descente de police, on monte
des dossiers, des recours, on le ou la cache, on l’aide à circuler, à trouver
de quoi manger. On noue des solidarités, avec tel.le policier.e qui vous
prévient anonymement qu’un tel va être arrêté, avec tel.le enseignant.e qui
fait l’impossible pour empêcher qu’un enfant soit retiré de son école, qui
passe son temps libre à donner bénévolement des cours de français, avec telle
famille qui va accueillir chez elle un mineur isolé sans papier et tenter de
l’accompagner dans la jungle administrative actuelle, avec tel médecin, qui
va soigner sans rien demander en retour, et surtout pas les «papiers».

Aujourd’hui il ne s’agit pas de faire des ateliers de théâtre ou de dessin.
Aujourd’hui, Madame la Ministre, nous luttons contre les pouvoirs publics,
contre les injonctions et les blocages kafkaïens des administrations, contre
les contrôles, contre les refus de protection des mineur.e.s, contre les
violences policières. Aujourd’hui, nous nous retrouvons dans l’obligation
morale de désobéir, pour compenser l’indignité d’une politique migratoire
parmi les plus inhumaines de notre histoire contemporaine.
Aujourd’hui, nous sommes, nous, artistes, acteurs et actrices du monde de la
culture, en lutte et en résistance contre l’Etat français, par solidarité
humaine, par fierté d’être de ce pays, non pas de la France qui rejette et
pourchasse, violente et opprime les plus démuni.e.s, les plus pauvres, celles
et ceux qui demandent aide et assistance, mais la France terre d’asile, la
France pays des droits humains, la France telle que l’ont imaginée ces
milliers d’éxilé.e.s, ces milliers de personnes fuyant la violence sous
toutes ses formes et qui trouvent ici une violence qu’ils ne comprennent pas
et qui les terrorise. Nous le faisons aussi, parce que l’histoire nous jugera
et que le jugement de nos enfants et de nos petits-enfants sera terrible, si
nous ne faisons rien.
Aujourd’hui nous sommes devenus, par la force des choses, coupables de délit
de solidarité, nous sommes passibles de sanctions pour aider, soutenir, de
toutes les manières possibles, des gens en souffrance qui sont pourchassés de
manière inique par l’État français. Aujourd’hui, donc, Madame la ministre,
nous nous dénonçons.

Votre appel au milieu de la culture et de l’art nous permet de nous avancer à
la lumière et d’affirmer haut et clair ce que nous faisons aujourd’hui. Nous
sommes fier.e.s et heureux.ses de vous compter parmi nous, comme résistante à
la violence actuelle instaurée par l’Etat, car nous comptons sur vous pour
aller au bout de la logique de votre appel. Ainsi nous vous invitons à nous
prêter main forte en exigeant l’ouverture d’un réel dialogue avec le
Ministère de l’intérieur, d’exiger que ses circulaires ne viennent pas
détruire tout ce que nous tentons de mener jour après jour, d’exiger au
contraire que tous les moyens soient mis en place pour soutenir l’effort des
citoyens et citoyennes qui chaque jour partout dans ce pays œuvrent pour
tenter de suppléer avec leurs faibles moyens aux manquements criminels de
l’État.
Nous demandons à l’état d’ouvrir un véritable dialogue avec la société
civile, avec toutes celles et tous ceux qui œuvrent auprès des réfugié.e.s
dans notre pays, pour réfléchir et mettre en œuvre concrètement des solutions
d’accueil.
Nous en appelons à un réveil de la conscience de celles et ceux qui ont été
élu.e.s par le peuple face à ce drame humain et sociétal que l’Etat orchestre
à l’intérieur de ses frontières. Nous vous appelons à soutenir nos actions en
permettant qu’elles ne soient pas annihilées par des contre-mesures de
répression d’État, et à peser de tout votre poids pour cela.
Si notre appel n’est pas entendu, Madame la ministre, sachez que nous
poursuivrons notre action et que nous déclarons à présent, nous rendre
coupables de délit de solidarité.
,

Premièr.e.s signataires :

David Bobée, metteur en scène et directeur du Centre Dramatique National de
Normandie-Rouen.
Irina Brook, metteuse en scène et directrice du Théâtre National de Nice.
Elisabeth Chailloux, comédienne et metteuse en scène, directrice du Théâtre
des Quartiers d’Ivry/ Centre Dramatique National du Val-de-Marne.
Célie Pauthe, metteuse en scène et directrice du Centre dramatique national
Besançon-Franche-Comté.
Carole Thibaut, autrice et metteuse en scène, directrice du Centre Dramatique
National de Montluçon, Région Rhône-Alpes-Auvergne.
Robin Renucci, comédien et metteur en scène, directeur des Tréteaux de
France-Centre Dramatique National.


Fred Fort

06 71 10 78 20






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