Je ne crois pas non plus que la rue soit morte. Ni que tout ramène à Disney, même s'il y a une tendance à le vouloir chez certains élus sans grande culture et/ou sans grande élégance.Il y a autant de diversité thématique en rue qu'en salle. Et inversement. Et il y a plus de diversités dans les formes en rue quand salle - évidemment - ce qui est une grande richesse que la salle n'a pas.Les CNAR et la FAI AR ? Ils existent. Il faudrait qu'ils disparaissent ? Qu'est-ce qui en sort à part des spectacles de rue ou plutôt : des spectacles dans l'espace public ? Ce qui est la même chose, à ceci près qu'on touche à tous les espaces et c'est heureux, et pas seulement à la rue qui a l'identité de ses origines, de son histoire.Ce qui ne va pas, et je vais dans le sens d'un complément de reconnaissance institutionnelle et non l'inverse :- c'est que trop trop peu de scènes nationales et autres lieux institutionnels accueillent la rue. Ce n'est pas normal. Cela devrait faire l'objet d'une sérieuse discussion avec le ministère et la profession du spectacle vivant dans son ensemble. Ce serait bien d'avoir des chiffres sur le nombre d'accueil.- c'est que le Off tient une grande place dans les programmations de festivals. A part Avignon, combien de festivals de spectacles en salle accueillent une telle proportion de off ? Quelle proportion de IN et de OFF selon les types de festivals ? A-t-on des chiffres ?- c'est que le plus gros des CNAR reçoit moins de subvention que le centre dramatique national le moins lotis. Et le plus gros des CDN ou la plus grosse des scènes nationales, reçoit beaucoup beaucoup beaucoup moins que les grandes institutions parisienne.Enfin, c'est un constat et non une critique, c'est vrai que la rue ouvre a une palette plus large de publics que les scènes institutionnelles - espaces publics accessibles et gratuité oblige. Mais pas beaucoup plus. Il y a encore de quoi faire.Philippe ViolantiLe 11 juin 2018 à 12:20, bulles de zinc a écrit :la rue est morte ?non.personnellement je ne fais presque plus de théâtre de rue.J'en ai fait beaucoup, les dernières années je voulais des spectacles à texte.Du texte, rien que du texte, poétique et politique.Alors j'ai monté Exil.Exit. puis la Trilogie noire, un spectacle pour place publique de 3h30. 3 solos à suivre. Rien que du texte. 9h du montage au démontage... une place entière bloquée pour une jauge de 100 spectateurs. On servait un mafé et on faisait livrer de la bière du Togo pour que le public bouffe entre le 2è et 3è solo.Il y a eu des programmateurs à venir nous voir, on a eu quelques contrats. Mais 3h30 ...on a mis 1 an (une dizaine de dates) à trouver le rythme. Quand on a été fier du spectacle, aucun programmateur pour venir nous voir. J'ai arrêté le spectacle.Pour Exil.Exit., je continue... de moins en moins... trop politique ce n'est pas moi qui le dit ce sont plusieurs programmeurs et programmatrices qui l'ont dit à l'agence qui me diffuse.J’aurais pu me direla rue est morteparce que ça faisait 18 ans que j'y jouais et que 18 ans plus tard, je n'y avais presque plus de contrats.Je préfère me dire que je n'ai pas su y faire ma place.car il y a des compagnies qui font des très beaux spectacles avec du texte, engagé, et qui tournent.Les festivals et les mairies veulent de plus en plus du tout-public-visuel-et-familial-et-drôle. ça me fout en rogne parfois mais c'est leur choix. Pourquoi vouloir imposer le notre ? Mais pourquoi pas aussi ?Pourquoi ne pas faire quand même, creuser, dénoncer et continuer...Après la Trilogie noire, j'ai monté Match retour, un spectacle qui dénonce la Françafrique, le metteur en scène que j'avais embauché m'a dit arrête !Arrête la rue et va vers la salle.Je me suis dis qu'il avait raison, je me suis tourné vers la salle pour tenter ma chance. parce que la rue ne me faisait plus vivre.Est-ce pour ça qu'on dit quela rue est morte ?parce que des personnes n'en vivent plus ?Pourtant le théâtre de rue c'est une discipline, un style de théâtre, un terrain de jeu, pas seulement un travail.Je ne vais presque plus dans la rue,J'y vais pour faire des expériences (j'ai expérimenté le mois dernier un rituel théâtral sur 8 jours), je construit des légendes urbaines à l'échelle de petites villes ou de quartier.parce que la rue ne sera jamais mortetant qu'on aura décidé qu'on a quelque chose à y faire.La rue ne me fait plus vivre financièrement,le "réseau rue" ne s'intéresse pas (peu) à mon travailmais que ce que je m'y éclate !La rue est né aussi de son pouvoir subversif.c'est ça qui m'a inspiré au début, tout ce que les éléphants du théâtre du rue ont fait.je vous ai admiré, vous les pionniers et pionnièresvous me faisiez envie, je m'y suis mis.J'aime le politique, bousculer, interroger les travers de nos sociétés. Je me suis fait arrêté par des vigiles, par des flics ou encore "menacé" par des élus (je faisais de faux discours politiques comme représentant du gouvernement... là encore dur à vendre car il ne fallait pas que ça soit annoncé comme spectacle, sinon tout le croustillant part... ça n'a pas beaucoup intéressé le milieu du théâtre de rue, j'ai également arrêté)..Mais je n'ai jamais perdu le regard que j'ai sur les milliards de mises en scènes et de situations qu'offre un bout de trottoir.Les festivals et les mairies avec leur programmation tout public m'ont fait taire car je n'étais pas acheté, mais ce n’est jamais un flic ou un député qui m'a empêché de parler quand j'avais envie de dire quelque chose dans l'espace public.La rue est un espace de liberté, certes à reconquérir.Mais dans les années 70, certains l'ont fait, non ?Dans des pays de dictatures, certaines le tente, non ?Alors ici, n'aurait-on que ça à direla rue est morte ?Le 10 juin 2018 à 20:22, Jacques livchine < " target="_blank"> > a écrit :Pascalc’est Franck qui me donne envie de réagir,
c’est aussi CathyC’est aussi Boueb
j’ai bien sûr l’envie de parler à la terre entière
Voilà : à l’époque de nos plus grandes tournées entre 1985 et 1990, j’avais une sensation bizarreon rêvait tous de jouer, le plus possible,
on avait trois ou quatre spectacles, 2CV, femme chapiteau, mariage, théatre pour chiens, guillotine
Nos bureaux étaient à Paris dans le XI ème, notre dépôt de décor à Gambais.
Si on oubliait un gant , il fallait deux heures et demi aller -retour pour aller le chercher
En 1986 pour l’ouverture d’Aurillac Michel Crespin prend tout, tout, tout, même ce qui allait devenir les grooms.
Cette année - là il y avait Zingaro aux haras… à vérifier.
Evidemment Michel Crespin, on le connaissait depuis 1973 , à Aix ville ouverte aux saltimbanques, c’est le théâtracide , ils faisaient un malheuravec des numéros de de divination , de la musique etc et nous avons assisté à une manche qui nous a stupéfiée : Michel avec sa grosse voix de saltimbanque hurle à la fin : prenez tous une pièce de 5,00 F et bombardez nous, je n’avais jamais vu une telle pluie d’argent. C’était fou.
Et puis Faivre d’Arcier nous prend dans le In d’Avignon, article super élogieux dans Libé, la rue en rut, on tourne en 1989 jusqu’à 150 dates dans l’année dans 3 continents différents et là figure- toi que nous sommes en overdose.
Mais bien sûr le succès, mais à chaque fois on repart, on oublie les gens que l’on a connus, je me sens tel un amant qui collectionne les femmes sans relation profonde, le côté une femme dans chaque port. Resto, plateau, dodo.
Nous nous appauvrissons. On se réunit pendant quelques jours Claude Acquart Hervée et moi, pour redéfinir nos désirs.Et on sort un document intitulé le TGD ( très grand dessein de l’Unité) qu’on envoie à Libé à l’époque où les journaux existaient encore.
Jack Lang lit la double page sur nous, cela l’énerve considérablement car nous sommes agressifs vis à vis du ministère de la culture.
Nous voulions une relation avec un territoire, et en 1991 nous sommes nommés à la scène nationale de Montbéliard que nous allons baptiser centre d’art et de plaisanterie en l’honneur de Jean Dubuffet.Nous voulions Tinguely comme parrain , mais il meurt avant de recevoir notre lettre.
Demain je pars à Montluçon, pour préparer le parlement de rue. Pendant cinq jours je vais parcourir toutes les associations pour qu’elles pondent des lois et viennent assister au parlement vendredi et samedi.
J’aime la relation profonde avec une ville, pas juste jouer et repartir, je veux rencontrer des vrais gens, parler à des inconnus .
Pas de la consommation rapide, s’enrichir au contact des gens.
La Scène Nationale de Calais, le Channel, nous a pris 15 fois en 17 ans, c’est agréable, on connait du monde , ils nous connaissent.
Et à Audincourt, nous avons un rendez- vous mensuel le Kapouchnik, qui est pris d’assaut par 400 personnes. Le public se renouvelle d’un tiers à chaque fois. On ne fait
aucune pub, c’est un rituel , tout marche par entrainement mutuel. On a fait 130 kapouchniks
alors j’ai calculé : 52 000 spectateurs. Chacun l’a raconté à 10 personnes au moins soit 520 000 personnes sont au courant , 4 stades de France. T’as bien compris que le calcul est litigieux, mais ça fait du bien de le croire.
Sans arrêt des gens que je ne connais pas me saluent : c’est quand le prochain Kapouchnik ? On a un public incroyable, la postière, la dame de la pompe à essence, la
guichetière de la SNCF, les syndicalistes, un médecin , la femme de ménage de mon village qui emmène à chaque fois cinq personnes. Ils nous connaissent, etc
Evidemment je pourrai faire la gueule aussi : pas assez de lycéens, peu d’étudiants, les politiques ne viennent plus, le ¨PDG de Peugeot n’est jamais venu voir.
Le contre- coup, c’est le phénomène girondin, la province. Tout ce qui n’est pas à Paris n’existe pas pour la profession théâtrale, alors on nous a oublié. On nous croit déjà morts.
Car bien sûr on sera à Aurillac, mais 4 jours, cela ne suffit pas, le théâtre de rue est une enclave, une compagnie doit se montrer dans des lieux légitimes.
Alors nous serons aussi à Villeneuve les avignon en juillet avec la Nuit Unique bien aidés par Lieux publics.
Nos caisses sont vides mais on s’en fout, on fonce.
Pascal, il faut marcher sur deux jambes, un peu de tournée certes mais aussi une implantation quelque part, ta rue de Tunis en quelque sorte.
Jacques
C’est ce que j’appelais : resto plateau dodo , me^me si notre plateau c’était la rue.
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