Ce débat que tu as lancé, Jacques, pour rompre le silence (?) de Pascal, est passionnant, et si les grains de sel s'accumulent, devrait donner lieu à une publication. IL se trouve que j'ai collaboré par une contribution à un livre des éditions de l'Atelier " Mai 1968 par ceux qui l'ont vécu". Je verrais bien "Le théâtre de rue par ceux qui l'ont vécu, le vivent et le vivront". Les points de vue ne s'opposent pas, ils se complètent donnent lieu à une réflexion fondamentale qui va aider la nouvelle généra tion à trouver le nouveau chemin. Oui le théâtre de rue tel que nous l'avons vécu est mort. Oui, mais si le grain ne meurt, il ne portera pas de fruits. Pascal, nous sommes mortels (sauf Jacques qui lui est éternel) Festivals ? Je crois plus à la rencontre inattendue avec le public, mais les festivals m'ont permis des découvertes et des rencontres fantastiques. Lorsqu'en Mai 68 j'ai vulu monter une pièce écrite à chaud par Luc de Goustine "Le 10 mai 1968", les comédiens étaient en grève, je me suis donc adressé aux étudiants d el 'Ecole des Arts Appliqués, et on a joué avec eux dans la rue.Parmi les étudiants ils y avait Gilles Rhode qui a repris ce texte à Nanterre il y a quelques jours. Ce fut ma première expérience dans la rue, une expérience fabuleuse, à chaud dans l'événement, inattendue pour le public. Toujours en mai 68, avec les étudiants des Beaux –arts on a construit, à partir d'un cageot de bois, une tête de marionnette, grand nez et gros sourcils, que j'ai baptisé le "Pompigaulidou', et que j'ai emporté au bout d'une longue perche dans les manifs nombreuses de l'époque. Le public injuriait cette tête, et j'ai découvert la force incroyable de la marionnette, sa puissance de transfert, son efficacité en théâtre de rue. Ensuite j'ai créé un Festival à Epinal, le "festival de Colportage". C'était un festival à l'échelle d'une ville, qui réagissait avec ses émottions, ses à priori, et pour qui le passage de Kumulus avec les Squams, de la totale du théâtre d e l'Unité, des campeurs et des douches de cacahuète , ou du roman photo du Royal de Luxe resteront toujours dans les mémoires. Mis à la porte d'Epinal pour avoir créé un spectacle contre la guerre du Golfe en 91, nous avons inventé les Padox: nous étions à la rue, nous faisons du théâtre de rue.Nous avons eu des aventures prodigieuses par immersion dans des quartiers "difficiles " et aussi dans des festival. Mais à l'époque il n'y avait pas de peur, pas de problème de sécurité, la rue était pratiquement libre Alors, je suis d'accord avec toi, Barth, l'utopie et la révolte que j'ai vécus en 68 sont balayés par Disney, et le théâtre de rue est à réinventer dans les ZAD, en relation directe avec les utopies du jour, les usines en grève, les paysans révoltés, les bonnets rouges ou noirs. Il y a encore du grain à moudre, mais dans d'autres champs, tout viendra du terrain et pas du Ministère. Sortir du Festival clos, défricher un nouveau terrain, inventer, trouver des nouveaux moyens de production. Je pense à Jean Renoir, à qui la CGT a commandé en 1936, "La Marseillaise". Je pense à l'agit-prop. Une gauche unie et digne de ce nom devrait être le ferment d'un mouvement profond de théâtre politique de rue. Le théâtre de rue n'a de sens que s'il ébranle les citoyens et si il sort de l'institution Dominique Houdart, 125 ter rue de Reuilly 75012 PARIS tel fixe:01 43 42 54 42, PORTABLE 06 11 87 62 77 ATTENTION, NOUVEAU SITE https://sites.google.com/site/compagniehoudartheuclin/ De : "Jacques livchine (
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via rue Mailing List)" <
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> Répondre à : < "> > Date : dimanche 10 juin 2018 20:22 À : Liste Liste rue < "> >, Fédération arts de la rue < "> > Objet : [rue] je poursuis Pascal c’est aussi Cathy C’est aussi Boueb j’ai bien sûr l’envie de parler à la terre entière Voilà : à l’époque de nos plus grandes tournées entre 1985 et 1990, j’avais une sensation bizarre on rêvait tous de jouer, le plus possible, on avait trois ou quatre spectacles, 2CV, femme chapiteau, mariage, théatre pour chiens, guillotine Nos bureaux étaient à Paris dans le XI ème, notre dépôt de décor à Gambais. Si on oubliait un gant , il fallait deux heures et demi aller -retour pour aller le chercher En 1986 pour l’ouverture d’Aurillac Michel Crespin prend tout, tout, tout, même ce qui allait devenir les grooms. Cette année - là il y avait Zingaro aux haras… à vérifier. Evidemment Michel Crespin, on le connaissait depuis 1973 , à Aix ville ouverte aux saltimbanques, c’est le théâtracide , ils faisaient un malheur avec des numéros de de divination , de la musique etc et nous avons assisté à une manche qui nous a stupéfiée : Michel avec sa grosse voix de saltimbanque hurle à la fin : prenez tous une pièce de
5,00 F et bombardez nous, je n’avais jamais vu une telle pluie d’argent. C’était fou. Et puis Faivre d’Arcier nous prend dans le In d’Avignon, article super élogieux dans Libé,
la rue en rut, on tourne en 1989 jusqu’à 150 dates dans l’année dans 3 continents différents et là figure- toi que nous sommes en overdose. Mais bien sûr le succès, mais à chaque fois on repart, on oublie les gens que l’on a connus, je me sens tel un amant qui collectionne les femmes sans relation profonde, le côté une femme dans chaque port. Resto, plateau,
dodo. Nous nous appauvrissons. On se réunit pendant quelques jours Claude Acquart Hervée et moi, pour redéfinir nos désirs. Et on sort un document intitulé le TGD ( très grand dessein de l’Unité) qu’on envoie à Libé à l’époque où les journaux existaient encore. Jack Lang lit la double page sur nous, cela l’énerve considérablement car nous sommes agressifs vis à vis du ministère de la culture. Nous voulions une relation avec un territoire, et en 1991 nous sommes nommés à la scène nationale de Montbéliard que nous allons baptiser centre d’art et de plaisanterie en l’honneur de Jean Dubuffet. Nous voulions Tinguely comme parrain , mais il meurt avant de recevoir notre lettre. Demain je pars à Montluçon, pour préparer le parlement de rue. Pendant cinq jours je vais parcourir toutes les associations pour qu’elles pondent des lois et viennent assister au parlement vendredi et samedi. J’aime la relation profonde avec une ville, pas juste jouer et repartir, je veux rencontrer des vrais gens, parler à des inconnus . Pas de la consommation rapide, s’enrichir au contact des gens. La Scène Nationale de Calais, le Channel, nous a pris 15 fois en 17 ans, c’est agréable, on connait du monde , ils nous connaissent. Et à Audincourt, nous avons un rendez- vous mensuel le Kapouchnik, qui est pris d’assaut par 400 personnes. Le public se renouvelle d’un tiers à chaque fois. On ne fait aucune pub, c’est un rituel , tout marche par entrainement mutuel. On a fait 130 kapouchniks alors j’ai calculé : 52 000 spectateurs. Chacun l’a raconté à 10 personnes au moins soit 520 000 personnes sont au courant , 4 stades de France. T’as bien compris que le calcul
est litigieux, mais ça fait du bien de le croire. Sans arrêt des gens que je ne connais pas me saluent : c’est quand le prochain Kapouchnik ? On a un public incroyable, la postière, la dame de la pompe à essence, la guichetière de la SNCF, les syndicalistes, un médecin , la femme de ménage de mon village qui emmène à chaque fois cinq personnes. Ils nous connaissent, etc Evidemment je pourrai faire la gueule aussi : pas assez de lycéens, peu d’étudiants, les politiques ne viennent plus, le ¨PDG de Peugeot n’est jamais venu voir. Le contre- coup, c’est le phénomène girondin, la province. Tout ce qui n’est pas à Paris n’existe pas pour la profession théâtrale, alors on nous a oublié. On nous croit déjà morts. Car bien sûr on sera à Aurillac, mais 4 jours, cela ne suffit pas, le théâtre de rue est une enclave, une compagnie doit se montrer dans des lieux légitimes. Alors nous serons aussi à Villeneuve les avignon en juillet avec la Nuit Unique bien aidés par Lieux publics. Nos caisses sont vides mais on s’en fout, on fonce. Pascal, il faut marcher sur deux jambes, un peu de tournée certes mais aussi une implantation quelque part, ta rue de Tunis en quelque sorte. Jacques C’est ce que j’appelais : resto plateau dodo , me^me si notre plateau c’était la rue. |
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