Premier café en terrasse post-confinement rue des amandiers, quelque part entre le père Lachaise et Belleville. Philippe et moi allons y passer trois jours, à tester une nouvelle forme de spectacle en rue. Ce petit bain de soleil matinal du mardi 2 Juin fait partie des plaisirs simples que nous sommes contents de retrouver.

La lumière est franche ce jour là, et les trottoirs bien secs. Au Bea-ba, le soleil rentre sans peine depuis la verrière. Nicolas de la Ktha Cie nous accueille chaleureusement. J’étais stagiaire dans une formation de la Ktha l’année dernière. On se connaît donc déjà un peu. On se ferait bien un ‘tit câlin de bienvenue.. Bah, on improvise un truc qui y ressemble ;-

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À ce stade, nous avons bien une vague idée de spectacle, improvisé et respectant le public dans sa diversité d’âges, d’envies culturelles, et d’implications. Mais nous ne savons pas encore exactement où nous nous dirigeons.
L’essai inaugural se réalise évidemment comme une première crêpe.. Ça colle un peu, c’est trop gras, et mal réparti. Les huit auditeurs sont partis avec quelques interrogations. Mais ils nous ont aussi confié un paquet de recommandations. L’ambiance apaisée de la Z.E.F ( Zone d’Expérimentation Facilitée, une initiative de la Ktha ) nous permet de ne pas être trop inquiet sur la suite, malgré que l’on se rend compte de l’étendue du boulot.
Le soir, Paris XXème… Les pintes nous attendent. Je n’ai jamais croisé autant de serveurs heureux que ce jour d’après confinement.

Mercredi, nous abandonnons le clavier-maître et l’ordinateur pour arrimer à la place le vibraphone sur le chariot. Combien de fois Philippe et moi avons nous bricolé des marimbatteries, ou des percussions sur diable ! La nostalgie vient à notre rencontre, et l’on en rigole. Les habitants du XXème aussi ont le sourire. Les gosses du square des amandiers, la jeune fille percussionniste, la voisine du Bea-ba… on a testé avec eux, recommencé au soleil et sous la pluie aussi, sous l’abri proche d’une entrée de parking.

Là, le « truc » commence à ressembler à quelque chose. Le vibraphone lie plus facilement la musique de Philippe à mes impros d’histoires. Le vocabulaire s’affine. On abandonne quelques mauvaises idées. On aiguise les bonnes venant des rencontres faites dans les représentations de la ZEF.

Il y a un calme ambiant, l’orage d’hier soir et la tempête du confinement est derrière nous. Il n’y a pas d’enjeu aussi. On peut tout se permettre. C’est de l’expérimentation avant la création.
On peut jouer partout, mis à part au square. La hiérarchie ne laisse pas toujours la place au bon sens. Nous aurons tenté, mais l’inquiétude de la gardienne prend le dessus. Ce n’est pas grave, le trottoir d’en face nous accepte.

On cherche à rapprocher les gens, avec la seule chose qui les relie : les histoires en commun. Philippe et moi tentons de les amener à participer à une histoire éphémère, improvisée et unique. Nous souhaitons qu’ils incarnent les personnages de ces histoires, sans pour autant les forcer à devenir comédiens, ou conteurs.

Ça se joue sur un mot, et des tonnes de précautions.

Alors que dans le spectacle « bAlllAd », je gère une foule de 200 personnes, prendre soin de huit individus, à respecter dans leur singularité est plus délicate. Les nappes de vibraphone de Philippe apaisent.
Dans nos discussions, revient régulièrement la « préhension », et l’ »appréhension ». L’espace entre ces deux termes est énorme. Adèle, la marionnettiste, public hier soir a mis le « doigt » sur ce que l’on doit travailler. Elle qui n’aime pas être manipulée, a aimé l’embryon de spectacle d’hier, car elle s’y est sentie libre. Libre de « prendre », sans « appréhension » ce qu’elle veut.

Je suis d’un naturel impatient, plus habitué à entreprendre que prendre le temps. Cette ZEF me fait prendre du recul à ce sujet. Philippe est souvent plus dans l’écoute et dans la temporisation. Au fond du temps, il prend ce qu’on lui donne. Faut que je fasse un pas vers ça.

Le dernier jour, il se passe un truc. Un coin de rue a pris vie. Les invités ont avancé leurs tabourets, et pris l’histoire en main. Des riverains ont rejoint Nicolas qui s’était placé en observateur. Une voiture de police a eu la politesse de s’arrêter de compter à dix.
Le thé chaud en main, nos invités se sont pris au jeu, et les idées fusent encore un moment.
Une histoire a pris vie, et c’est avec plaisir qu’il ont scotché leurs sobriquets / blaze au verso du plateau de thé.
C’est loin d’être fini, avec Philippe on va structurer tout ça pour arriver à une forme qui nous convient. Nicolas a eu cette remarque mercredi tard dans la soirée : peu importe le contenu des histoires improvisées, le fond de tout ça se trouve dans la forme que ça prend.

Merci à Félix M.J. et Youna pour l’attention porté durant ces trois jours. Je n’arriverais pas à citer tout le collectif du Béa BA qu’on a croisé, mais merci d’être passé !.

P.S. : Ce spectacle n’a pas de nom encore, je sais juste que désormais bAlllAd devient le nom de la Compagnie. bAlllAd se jouera 

encore, en évoluant de son côté.

Cependant, si vous pouvez nous accueillir cet été pour cette petite forme, nous viendront avec plaisir. On va serrer les boulons de ce projet, puis on le fera grandir, pour accueillir plus de monde, et permettre de se déplacer dans l’espace, sans pour autant devenir une déambulation, avec toujours comme mission de se rapprocher via une histoire commune improvisée.