Isère : l’émotion et la colère après le suicide d’un sapeur-pompier de Pont-de-Chéruy

Depuis quelques jours, une onde de choc se propage dans les casernes de sapeurs-pompiers iséroises. Le lundi 8 février, Cyrille Minard, soldat du feu de Pont-de-Chéruy âgé de 44 ans, a mis fin à ses jours. Son corps sans vie a été retrouvé dans le département du Rhône, dans la campagne de Saint-Georges-de-Reneins , à plus d’une cinquantaine de kilomètres de son lieu de résidence, à Saint-Jean-le-Vieux, dans l’Ain.

Pompier professionnel depuis 2003, cet ancien militaire, qui avait notamment été tireur d’élite durant l’opération Épervier au Tchad, au milieu des années 90, était en arrêt maladie depuis de longs mois. Dans la foulée de son décès, alors que l’émotion est encore palpable, un autre sentiment diffus émerge : la colère.

Ce mercredi 10 février, le syndicat Sud Sdis 38, qu’avait cofondé Cyrille Minard, en 2010, est monté au créneau via un communiqué à l’intérieur duquel on peut lire ces mots : “Il a été de tous les combats, de toutes les luttes, s’attirant les foudres de son employeur. Usé par ce combat [...], Cyril a craqué”. Un communiqué partagé par la compagne de la victime sur sa page Facebook.

« Un syndicaliste très actif »

Contacté, Manuel Coullet, responsable départemental de Sud Sdis et membre du bureau national, assume ces propos. Il connaissait bien Cyrille Minard, puisque c’est ensemble qu’ils ont fondé le syndicat en Isère. « C’était un syndicaliste très actif, et le Sdis lui a fait payer. Cela faisait longtemps qu’on suivait son dossier, qu’on avait lancé des alertes, localement et nationalement, car il avait craqué, était tombé en dépression.  »

Une situation concomitante avec un conflit avec son employeur. En 2019, alors qu’il est en arrêt maladie, le dossier de Cyrille Minard passe en commission de réforme, avec une question sous-jacente : son arrêt est-il lié au travail ou pas ? D’après Sud Sdis 38, le comité médical le déclare inapte au travail et démontre le lien entre son état psychologique et son activité professionnelle. « Il m’a appelé, il était content de l’avis de la commission de réforme, nous aussi d’ailleurs, se souvient Manuel Coullet. Finalement, le Sdis n’a pas suivi cet avis. Ils n’ont pas reconnu ça comme un accident de travail. Dans sa voix, quand je l’ai eu au téléphone, j’ai vraiment eu peur, il était vraiment atteint ».

Pour l’heure, et alors qu’aucun élément matériel reliant directement ce décès à la situation professionnelle de la victime n’a été rendu public, le Service départemental d’incendie et de secours de l’Isère n’a pas souhaité s’exprimer sur ce dossier. Il pourrait le faire plus tard. Un silence qui fait écho. Aujourd’hui, Sud est la seule organisation à prendre la parole sur ce dossier. Parmi les hommes du rang, si la tristesse est bien là, le silence est également la règle. Personne ne souhaite faire de déclaration.

« Il s’est toujours battu pour défendre l’intérêt général »

Sur les réseaux sociaux, toutefois, beaucoup d’anciens collègues et d’amis n’ont pas caché leur colère après ce décès brutal. Mais ils ont surtout rendu hommage à Cyrille Minard en rappelant des interventions mémorables à ses côtés, en rappelant, surtout, à quel point il était un excellent sapeur-pompier et un homme hors-norme. « C’était un mec qui avait énormément de qualités, qui s’est toujours battu pour défendre l’intérêt général, c’était un personnage, nous confie un pompier nord-isérois, sous couvert d’anonymat. Je n’aurais jamais pensé que l’histoire se terminerait comme ça. On est choqués ».

Les obsèques de Cyrille Minard auront lieu ce jeudi 18 février, à Jujurieux, dans l’Ain, à 14 heures. Une cérémonie civile, à la salle de la mairie, pour lui dire au revoir, une dernière fois.