La covid-19 et la culture :
une affaire politique
Trois forces en interaction :
l’effort de garantir la santé publique, l’effort de satisfaire les exigences privées
des capitalistes, l’effort d’accroître la puissance de l’État. La santé de
tous, le profit de quelques-uns, le pouvoir oligarchique, convergent certes vers
une disparition de la démocratie mais pas seulement.
Toutes les bizarreries, les contradictions, les absurdités apparentes, se
laissent expliquer par une combinaison de ces trois éléments.
La culture (au sens artistique
large) est située dans ce champ de forces, comme une cible privilégiée en ce
qu’elle conteste radicalement le fait de la société emprisonnée dans un immense
camp de travail où les seuls loisirs prescrits sont l’achat de marchandise et
le culte religieux. La vraie culture est la liberté à l’état créatif, et non la
consommation d’images produites pas le spectacle de la marchandise. La culture a
pour contraire non pas la nature ni l’ignorance mais la domination.
De l’intérêt politique et
économique de semer la panique
L’Institut National des Études
Démographiques publie chaque semaine des statistiques des décès liés à la
covid-19.
Au 4 février 2021, 81.6 % des morts de la covid ont plus de 70 ans. 59.2
des morts de la covid ont plus de 80 ans. 6.5 % des morts de la covid
ont de 20 ans à 59 ans (dont 4.6 % pour les 50-59 ans). Chez celles
et ceux qui ont moins de 20 ans : zéro mort. Si la notion de pandémie
signifie une maladie qui touche toutes les catégories de populations, alors la covid n’est rien d’autre qu’une épidémie,
certes grave, mais ce n’est pas une pandémie.
Cette épidémie donc est amplifiée
en une terrifiante pandémie. Politiquement, la différence entre épidémie et
pandémie tient au seuil d’acceptation. La pandémie implique un seuil très élevé
d’acceptabilité à l’égard des mesures restrictives de liberté ; tandis que
l’épidémie est corrélée à un seuil très bas, si bien que les restriction ne
sont pas tolérées.
Cette exagération première
engendre une multitude d’exagérations. Par exemple, le 29 octobre 2020, le
président de la République déclare que l’absence de confinement peut provoquer
400000 morts. D’où sort-il ce chiffre visiblement extravagant ? Chacun a
conscience de la dramatisation entretenue par le gouvernement et les médias,
tout comme si nous avions affaire à une nouvelle peste
(la peste médiévale a pu tuer une personne sur deux ; on en est très très
loin). Chacun voit bien la tentative de retourner la responsabilité : les
hôpitaux sont débordés par la faute des malades, et pas par la destruction des
services publics hospitaliers continuée par le président de la République.
D’où l’importance de tout ce qui
contribue à une sidération suffisante :
il faut semer la panique afin d’éviter que ne s’accroisse le nombre de ceux qui
ont compris la supercherie. Une énormité devient, répétée cent mille fois, une
vérité indiscutable. Une police de la pensée s’efforce de disqualifier
l’analyse critique traitée de complotiste, d’irréaliste ou d’égoïste.
Il y a une autre source à cet
emballement d’exagérations : poser le premier mensonge (affirmation de la
pandémie) oblige à l’étayer en permanence, par d’autres mensonges, selon une
logique de l’engrenage. Le reconnaître coûterait trop cher en crédibilité
politique.
À quoi servent toutes ces
exagérations ? À dissimuler la responsabilité du gouvernement dans
l’affaiblissement des hôpitaux publics. À fournir un terrain psychologique
d’anxiété, d’angoisse, voire de panique, très favorable à l’acceptation d’une
dictature politique (appuyée sur l’abus de pouvoir de la bureaucratie étatique
et sur l’impunité publiquement affirmée de la police).
L’action du président de la
République a une finalité principale : servir le secteur privé, accroitre les
profits des capitalistes, détruire les services publics, promouvoir la guerre
de tous contre tous, favoriser les plus riches, privatiser les bénéfices et
publiciser les pertes. Ces buts impliquent d’écraser la contestation par la
répression policière : mutilation, matraquage, interdiction de fait des
manifestations, rend dérisoire la vie politique à coup de culpabilisation, de
paternalisme et d’infantilisation.
C’est dans ce contexte de guerre
de l’État contre les pauvres – et contre une certaine société – que l’épidémie
de covid-19 apparaît comme une aubaine,
une opportunité formidable pour faire
avancer les intérêts des grands groupes privés. L’épidémie est la
continuation de la politique par d’autres moyens.
La suspension de la démocratie est un élément de la stratégie du désastre.
L’amplification de la peur accroît l’acceptation des mesures les plus violentes
ou les plus arbitraires. La violence policière est chargée de maintenir dans un
état de stress toute une population assaillie par ce simulacre de peste ;
d’où la fonction stratégique du discours de la « pandémie » et des
autres exagérations. D’où aussi le sentiment d’être cerné.
Garantir la santé publique des
travailleurs demeure une finalité subordonnée à celle d’entretenir le système
de l’exploitation capitaliste. L’hygiénisme a toujours été motivé par le souci
d’accroître la force de travail, aucunement par philanthropie.
Dans ce dispositif, l’accroissement du pouvoir de l’État est un but important
mais en partie subordonné aux exigences des grandes entreprises.
Grâce à l’état d’urgence
sanitaire, le président de la République peut transformer la société de fond en
comble – l’exigence de privatisation, aussi idéologique et désastreuse
soit-elle, est rabâchée par les conseillers du président.
Mais les rapports entre l’État (c’est-à-dire ici le désir d’être réélu) et le
capital ne sont pas exempts de point de conflit.