Je crois que Grazzia avait grave flashé sur nous.
Bon c'était pas
mon type à la base, mais faut avouer qu'elle avait du chien.
... et une
formidable puissance de taf, même si avec le recul, c'était surtout des
"appels entrants", les dates lui tombaient tout cuit dans le bec, mais
je ne vais pas faire du nez, j'imagine qu'il y a aussi parfois un
travail de relance (?).
Toujours est-il que c'était pile poil
ce qu'il fallait à notre troupe de rock (on avait repris l'_expression_
des Bérus !), un mélange de théâtre provoc et de concert velu qui
sonnait certes un poil daté, mais qui avait l'indéniable atout de la
sincérité.
Pour être franc, je ne sais toujours pas si Grazzia
adhérait totalement au propos artistique à certaines de nos prises de
paroles éméchées, mais on n'est pas obligé d'aimer tout ce qu'on vend
non plus !
En tous cas, avec elle, on a décollé grave, et notre
projet, essentiellement piloté par des bras cassés largement incapables
de se structurer... a fondu tel l'oiseau de proie sur sa cible.
Quel pied, putain de passer de manches laborieuses à des grosses scènes !
Et l'ascenseur avait un turbo ;-)
Grazzia
menait tout de main de maîtresse, et ça tombait bien parce que pour
nous c'était du chinois... le prod, la diff, quel enfer !
Pour info et celles que ça intéresse, ce sont d'ailleurs de métiers
différents, et si vous voulez en savoir plus, sachez qu'il existe une
liste spécialisée dans la diffusion ET une autre pour la production.
Allez c'est cadeau !
Le
nombre de fois que Grazzia nous a sortis de la mouiiiiise !
Elle
prenait son rôle de petite maman tellement à cœur, ça nous boostait
grave, parce qu'avec elle on se sentait invincibles.
La pure
team de choc... qui terminait cramée de fatigue (et souvent cramée tout
court !), quand elle ne finissait par les fonds de cerdane à cracher le
feu sous les étoiles.
Les moments les plus magiques de mon existence.
Et
puis, à vous, je peux le dire, je n'ai j'aimais bien su si tout était
100% légal, à vue de nez je dirais oui.
Cela dit, on va pas venir
pleurer sur les politicards véreux qui s'en mettent plein les fouilles,
et si à un moment on a été un peu dans le flou, il faut peut-être juste
nous regarder comme les derniers Vrais Rebelles !
Et là, soudain, on n'a plus rien compris.
Ca a complètement basculé, viré à la sclérose,
à la main mise... je ne m'attendais tellement pas à ça !!!
De revirements en
manipulations, de coup de pressions pernicieuses en chantage qui ne
s'avouait jamais, Grazzia nous a fait comprendre que notre temps était
fini, celui des vieux slips sales et des traces de cambouis pour faire
genre, celui d'une soit disant "posture virilité", qu'on a jamais
finalement bien compris de quoi il s'agissait exactement.
On est
tombés des nues, elle avait verrouillé la plupart des droits d'auteur,
et ses erreurs de de fléchage de subvention (j'ai toujours rien
compris à ce truc) se sont avérées désastreuses, ça a totalement planté
la compagnie.
Un immense Carnage... Et on était pieds et poings liés ! A ses pieds !
Grazzia
avait totalement coupé les ponts, et ne parlait plus que par
l'intermédiaire du CA de notre asso, qu'elle avait totalement acquis à
sa cause.
Nous, qui étions des faucons, des rois de la route... et un an plus tard, il n'y a plus rien qu'un sentiment d'immense gâchis.
J'ai
repris un boulot alimentaire, et on s'est tous retrouvés avec des
toutes petites économies, des minuscules noisettes, peut-être les seules
que nous n'ayons jamais finalement eues.
Cela dit, y'a une justice, Grazzia s'est faite gauler pour détournement de fonds publics.
Karma dans ta gueule.
Et
nous on s'est fait un dernier kiff avec le groupe, on a décidé de
boucler malgré tout avec panache, en beauté. On s’est fait une dernière
compo, une dernière chanson, en hommage à tout ce qu'on avait partagé
pendant toutes ces années…
On avait un principe de composer
chacun son tour. C’était le mien, j’ai pondu à la « one again » une
chanson débile intitulée "se dépasser soi-même", ce qui est complètement
con sur le principe.
La chanson à fait marrer, jusqu'au mini
buzz, qui a gonflé progressivement, puis exponentielle via les réseaux,
jusqu'à atteindre l'oreille d'un directeur artistique responsable de
trouver LE morceau des Jeux Olympiques 2024, dont personnellement je
n’avais strictement rien à foutre.
Un genre de "ramener la Coupe à la
maison", mais pour les centaines de shootés aux endorphines qui
allaient pour la plupart se fracasser sur le mur de leurs désillusions.
L'hallu totale, le pur renversement de situation.
Le fric s’est mis à déferler, la bonne grosse moula, les pépettes comme s’il en pleuvait.
Les
mecs n’en pouvaient plus, ils me mettaient une pression de dingue :
flatterie, séduction, courbettes… puis bien sûr un
énoooooooooooooooooorme chèque à la clef.
C’est con, Grazzia aurait pu en profiter si elle n’était pas poursuivie pour faux et usage de faux.
Bon,
je reconnais que je ne suis pas le pingouin qui glisse le plus loin sur
la banquise, mais avec la formation express que Grazzia nous avait
donnée, il aurait vrrraiment fallu être un lapin de 6 semaines pour ne
pas percuter.
J’ai tout refusé en bloc.
J'ai dit non.
Plus je suis loin de leur univers de strass et de toc, mieux je me porte.
Je
préfère prendre ma guitare, je fais la manche et je chante des trésors
de poésie militante, ou des gros tubes qui me font marrer et font kiffer
les gens.
Je vis avec peu, mais après réflexion, au global bien mieux qu'avant.
Y'a du luxe dans l'roots.