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[rue] Chanson d'Uzeste


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  • From: Franck Halimi < >
  • To: Liste Rue < >
  • Subject: [rue] Chanson d'Uzeste
  • Date: Thu, 18 Aug 2011 14:15:27 +0000
  • Importance: Normal

Salut, c'est Franck de Bourgogne.

Pour info, parce qu'il n'y a pas que Aurillac et que l'article est beau...

Voili.


@+ Franck de B.

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"Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple,
le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs."
DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN - 1793
Article 35.

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Uzeste, territoire agité et résistant

pour festival de musiques et de mots


LES LIEUX CULTURELS | LEMONDE | 15.08.11 | 16h54 • Mis à jour le 15.08.11 | 16h54


Uzeste, en Gironde, son calme, sa collégiale, son pape, ses prés. Comédiennes, musiciens, conteurs, diseuses, jongleurs, hurluberlus, tragiques troupiers du concept, délire verbal très contrôlé, maquette aux pommes : vous tenez à spéculer ? C'est dans l'air du temps. Collectionnez donc les programmes d'Uzeste musical. Dans vingt ans, ils se revendront comme des lingots à l'Hôtel Drouot. Le festival, dont la 34e édition est organisée du 14 au 21 août, a le génie de la citation, l'art de dénicher les phrases. Première édition en 1978 - trente-quatre ans d'éducation citoyenne à l'oeuvre, de "manifestivité poïélitique", trente-quatre ans de créativité comico-analytique toute l'année, Uzeste reste méfié, parfois dénié sans méchanceté. En 2011, il s'en trouve toujours un pour confondre Uzeste en Gironde avec Uzès.


De tous les festivals fondés par des musiciens (Bernard Lubat, incontesté sous toutes les latitudes et selon tous les styles, percussionniste, accordéoniste, pianiste, intercommunaliste) ; de tous les festivals fondés par des agitateurs, des artistes, par des fous ou par des fondateurs de festivals, Uzeste musical est le plus intelligent. Donc, le plus musical. Donc, celui qui fait peur. Contre la barbarie affairée à triompher, Uzeste résiste. Sans chercher à croquer sa part du gâteau, sa part d'habileté dans la fête marchande, sa part d'originalité dans le conformisme. Comment ? En résistant.

Par la langue, d'abord. Ici, Bernard Lubat s'est éduqué en éduquant. Ayant fait ses preuves sur toutes les scènes - contemporain, classique, musette, jazz, java, chanson -, Lubat est revenu au pays natal pour mieux cerner l'universel : "Je ne voulais pas finir subliminable, comme un couillon du jazz." Dans le surprenant patois qu'il s'est forgé, mixture de gascon, de Coluche et de Lacan, cette phrase est si compréhensible qu'elle désarme. Dans l'espoir un peu vain de s'y habituer, on l'ânonne en cadence.

Son cahier de retour au pays natal se confond avec l'historique de L'Estaminet, désormais Théâtre Amusicien : salle de concert, spectacle, projection, bodega de la marine, librairie thématique, siège de l'association Uzeste musical, visages villages des arts à l'oeuvre et siège de la Société Lubat jazzcogne productions.

Maison fondée en 1937 par Marie et Alban Lubat (accordéon), bal mambo musette (les samedis soir, dimanches après-midi, jours fériés), salle de réunions syndicales, politiques, citoyennes (jeudi soir), concours de belote (vendredi soir), épicerie, L'Estaminet anime un village de la Haute-Lande comme il s'en trouvait partout. Tous n'ont pas donné un Lubat.

Lors de la reprise du café-restaurant, Alban Lubat se remet à l'accordéon et aux baguettes et remonte Los Pinhadas, avec ses amis et voisins à lui. Du fond de sa cuisine, Marie Lubat règne avec une modestie de paysanne ouvrière. On l'aura vue (1995, omelette aux cèpes au diamètre de grande roue), en grande conversation, une nuit durant, avec l'un des princes de l'avant-garde afro-américaine, Cecil Taylor, compositeur, danseur, pianiste hors norme. Elle maîtrisait parfaitement le gascon. Lui, très précieusement, la langue d'Henry James et quelques éléments d'indien ancien. Eh bien, l'échange marchait à la perfection.

Au XXe siècle, deux cuisines auront joué un rôle crucial : celle du Village Vanguard à New York et celle de Marie Lubat à Uzeste. À partir de 2008, refait de fond en comble par le cabinet d'architectes Christophe Hutin, le café devient le coeur nucléaire que l'on sait.

Uzeste fonctionne avec des fidèles, des chevau-légers de poids. Ne citons, pour les disparus, que Bernard Manciet, Edouard Glissant, poètes, ou André Benedetto, homme de théâtre. Pour les psycho-actifs de la bande, Auzier, Minvielle, Achiary, Portal, Shepp et le medecine-man de l'accordéon diatonique, Marc Perrone. Veilleurs au grain : Charles Sylvestre (éditorialiste à L'Humanité), Monique Chemillier-Gendreau (professeur émérite), André Delmas (syndicaliste et organisateur de débats sans gros bras), Marcel Trillat (cinéaste), plus tous ceux qui sont, qui font Uzeste, de Martin Lartigue et Jacky Liégeois, graphistes, à Laure Duthilleul et Martine Bois. Voir l'Illustre Théâtre de Molière, la Nef des fous, la bande à Bonnot.

D'où les délires, les inventions, les promesses et les crises. Uzeste n'est pas un festival de tout repos. Les édiles désirent un festival normé, normal, normopathe. En 1987, premiers remous. Aux réductions de subventions succèdent leurs suppressions. En 2000, "grève sur le pré occupé en raison de réductions personnalisées". En 2003, seul festival d'Aquitaine à s'associer à la grève des intermittents du spectacle. En 2011, tout va bien avec le régional, le national, tout va mal avec le local. Martine Bois, institutrice du lieu en préretraite, rédactrice du programme, est invitée, avec Bernard Lubat, son compagnon, par voie d'huissier, à déguerpir du logement communal.

Uzeste musical n'est pas une marque. Festival agité, provocateur, on y parle, on s'y parle, on y danse, on y entre en transe sans transcendance. Rien d'assuré, surtout pas le succès. En 2010 ? "Une 33e édition critique en situation critique dans une époque en état critique. Ne comptez pas sur nous, artistes, pour gérer la crise." Les édiles spéculent-ils sur un essoufflement ? Quelque disparition ? Raté. La relève est assurée. Mesclagnant (voir mesclun, mélange) générations, styles, anciens et futurs, masculin-féminin, le Vide-Grenier de la Nouvelle Cie Lubat de jazzcogne, et les goujats (les gonzes) autour du fils Lubat à la batterie, sont l'avenir d'Uzeste.

Uzeste musical 34e Hestejada dé las arts,Théâtre Amusicien L'Estaminet, parc Seguin, salle des fêtes, granges, menuiserie, etc., d'Uzeste (Gironde). Jusqu'au 21 août. De 13 € à 20 € (journée) - Cie-lubat.Org


Francis Marmande

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  • [rue] Chanson d'Uzeste, Franck Halimi, 18/08/2011

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