Salut à vous,
Salut Thierry,
Salut Aurélia,
C'est bon d'avoir de la mémoire, des mémoires vivantes. Je
ne connaissais pas ce débat qui avait agité le milieu autour
de ce Sydcan. Mais je pense que nous n'avons pas pour autant
loupé le coche. Comme tu le dis, Thierry, la fédé a
su se faire reconnaître des instances politiques et
culturelles en tant qu'organisation représentative, par
exemple au moment des entretiens de Valois
auxquels nous avons participé, et plus récemment avec
l'Art est public qui fait entendre notre voix singluière
auprès des édiles.
Et la Fédé, c'est quoi comme organisation? Un collectif
d'employeurs? De salariés? Non. Un ovni dans cette
distribution bipartite. Une organisation qui regroupe
spectateurs, programmateurs, producteurs et salariés. Et cette
identité, nous devons la défendre: c'est un progrès je pense,
par rapport au fonctionnement syndical traditionnel, qui
trouve ses limites aussi bien dans notre champ d'activités
qu'à notre époque.
Nous passons notre temps à sensibiliser les élus
politiques; il ressort de ce que nous a rapporté Yannis, qu'il
faut aussi sensibiliser les syndicalistes. Faire bouger les
lignes, les mentalités. Voilà qui nous parle il me semble. Les
arts de la rue forment un secteur spécifique comme le cirque
ou le spectacle en salle (lui-même divisé en sous groupes):
financements dédiés (CG, régions, ministère), administrateur
SACD, savoir-faire spécifique de ses artistes et
techniciens... Ça, on sait faire, on sait comment convaincre,
mais va falloir s'y coller avec ferveur, car en effet les
collègues syndicalistes ont l'air assez ignares en matière
d'arts de la rue.
Par ailleurs, comme tu le dis Aurélia, il faut que nous
nous réunissions pour proposer une annexe 7bis, destinée à
intégrer la convention privée, qui corresponde à la réalité de
nos pratiques et de notre économie. Ce groupe de travail doit
émaner directement des instances de la fédé (ou des fédé
régionales), pour avoir une légitimité devant les autres
partenaires.
Ensuite, on doit se demander ce qui ne va pas dans l'annexe
4 (tournée) de la nouvelle convention privée? On est dans
l'utopie d'une convention idéale.
En premier lieu, le distinguo artiste/technicien n'existe
pas en rue (d'ailleurs avant 2003, les annexes ANPE séparaient
spectacle vivant et spectacle enregistré, et non pas
techniciens et artistes). Ce clivage est une régression. Il
est idéologique, avec pour objectif d'opposer les nobles
artistes flattés à ces pouilleux ouvriers, même s'il se
camouffle sous des histoires de taux d'abattement et
d'accident du travail. L'objectif est à terme de sortir toutes
l'annexe 8 de l'intermittence, pour éviter que les techniciens
d'autres secteurs soumis à la flexibilité de leur temps de
travail ne réclament un système d'indemnisation analogue à
celui du spectacle.
On doit pousser la démarche jusqu'à créer une nouvelle
appellation "artiste de rue", comme on a artiste
chorégraphique ou dramatique. Sous cette appellation, on met tous
les gens qui travaillent en rue: ingénieur son, déco,
costumière, tout ça en rue devient un poste artistique, tout comme
danseur ou comédien. Utopie? Tout au contraire, ce sera
juste la transcription de la réalité que nous vivons
chaque jour: les gens de rue sont tous multicompétents
et exécutent des tâches multiples sur chaque contrat,
donc on les salarie pour l'ensemble des tâches sous une
appellation unique "artiste de rue" et éviter la doble
ou triple fiche de salaire qui enrichit la part
administrative avec pour effet de bascule
l'appauvrissement de la part artistique.
Problème avec les abattements?
Faux-problème: c'est le salarié qui décide si abattement ou
non, mais le profit est pour l'employeur qui paie moins de
charges alors même que le système a des soucis de déficit.
On supprime l'abattement et le problème est réglé. "Artiste
de rue" sans abattement.
La question des salaires est le second point où ça blesse,
et on voit l'intérêt d'une organisation qui mêle acheteurs,
employeurs et salariés.
1)- Les salariés veulent être payés pour toutes les heures
effectuées (ce qui n'est pas la cas aujourd'hui: heures de
travail non déclarées nombreuses, notamment tout ou partie des
répétitions)
2)- Les employeurs veulent avoir les sous pour salarier
leur personnel (ils ne peuvent pas: minima salariaux trop
élevés/prix de vente des spectacles trop bas)
3)- Les acheteurs veulent avoir les budgets pour acheter
(ils n'ont souvent pas conscience que le prix payé ne comprend
pas que la représentation/la culture est considérée comme un
luxe par beaucoup d'élus et donc sous financée, notamment en
période de crise)
Il faut rappeler 3 choses qui font la spécificité de notre
secteur:
1)- La majorité de nos prestations sont gratuites pour le
public (dans la nouvelle convention, une répétition publique
sans billeterie, donc non payante, est rémunérée à hauteur du
SMIC: on devrait pouvoir s'appuyer là-dessus pour définir nos
minima)
2)- Nos principaux programmateurs sont les collectivités
locales (surtout villes mais aussi CG)
3)- Les prix de vente pratiqués depuis des années ont
toujours intégré le fait que les assedic indemnisaient les
salariés sur les jours non rémunérés (transport notamment).
Donc 3 propositions:
1)- maintenir la gratuité en rue pour défendre la
spécificité de notre secteur (amis directeurs de festival qui
pratiquent une billeterie payante, halte-là! ou alors ces
prestations basculent en annexe 4); conserver la dynamique non
élististe par l'argent, de la rencontre avec notre public, au
cœur de laquelle l'action culturelle tient une place centrale;
2)- fixer des minima salariaux qui partent du SMIC. Et on
jette à la poubelle le distinguo médiéval: artiste de plus de
100 lignes, de moins de... Tout le monde est payé sur la même
grille "artiste de rue", mais grille qui tient compte de
l'ancienneté du salarié (ce qu'aucune grille de salaire
artistique ne propose dans aucune convention; ce qui est
inconcevable à mon sens car il n'y a aucune possibilité de
progression en terme de salaire, si ce n'est en bossant plus
ou en devenant une star et comment tolérer d'être payé au
SMIC après 40 ans de boutique?
3)- fixer des minima de prix de vente (pour éviter le
dumping social d'un côté que certains employeurs peu
scrupuleux pratiquent déjà, et pour obliger les acheteurs à
acheter à un prix décent).
Donc cachets à partir de 8x le smic, soit 73,76 bruts à
l'heure d'aujourd'hui, et progression avec l'ancienneté.
Grille à imaginer en se basant sur les grilles des tech.
permanents par exemple.
Répétitions: sont considérées comme répétitions toutes les
activités annexes à la représentation (essayage costume,
échauffement... et action culturelle !!!). Payables en heures,
à raison d'un service de 4h incompressible, plus heure par
heure. On part du Smic et on suit la grille. Soit 36,88€ au
premier échelon pour 1 service incompréssible.
Une telle proposition inciterait les employeurs à payer
toutes les heures de répétition, ça permettrait aux petites
structures d'entrer dans le système, et une grille qui prend
en compte l'ancienneté permettrait de valoriser le parcours de
chacun.
Des artistes entièrement salariés t dont la carrière
progresse, des acheteurs qui ne peuvent pas sous acheter mais
qui peuvent aussi acheter, des employeurs qui peuvent salarier
toutes les heures. Elle est pas belle la vie?
NB: par comparaison, actuellement avec l'annexe 4, un
salaire d'artiste dramatique au cachet est de 166€ pour
mettons début 2013; il était de 127€ en ce début d'année (avec
la convention CCNEAC), de 115€ l'année passé et de 72 € il y a
3 ans. Soit une augmentation du salaire minimum de 230%. Tu
justifies comment auprès d'une ville qui t'achète ton
spectacle, une augmentation de 230% de ton prix de vente sur 3
ans? Comment a-t-elle les moyens de suivre une telle hausse?
Et pour le reste, je pense que la
convention tournée tient la route.
J'en suis là pour aujourd'hui
Bien à vous,
Nicolas Soloy
Les Anthropologues
département arts de la rue de la Cie des Souffleurs
7 impasse des Chantereines
93100 Montreuil
Fax + 33 (1) 765 00 935
Tél + 33 (1) 55 86 01 77