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Re: [rue] Le "rater mieux" & le "mieux disant"


Chronologique Discussions 
  • From: Perrine Anger-Michelet < >
  • To: Prévost Pierre < >
  • Cc:
  • Subject: Re: [rue] Le "rater mieux" & le "mieux disant"
  • Date: Tue, 5 Jun 2012 06:36:59 +0200
Le problème avec un spectacle qu'on rate, c'est la réaction de certains programmateurs qui sur le champs te tournent le dos, te nie, te renie, et tout d'un coup, tu ne fais plus partie du paysage. Une grosse merde tu deviens, on te piétine, t'écrases, te retourne, t'encule, te néglige, tu es transparent, tu n'existes plus. Ça a été mon grand coup de gueule à Crise de Risque à Balaruc y'a deux ans : Quel est le rôle des programmateurs ? Faire la pluie et le beau temps ? Ou accompagner des compagnies et les créations artistiques…? Peut-on, nous les artistes, être au top tout le temps ? Ne faut-il pas pour être meilleur un jour, être moins bon un autre jour ? Oui, on a le droit de rater ! Et il me semble que ce n'est pas le rôle des programmateurs de refaire ta mise en scène, de te dire, il faut que tu fasses ceci, cela, c'est ça que tu dois faire etc…
Et c'est pas que quand certains pensent que tu as raté, que c'est raté ! Non, c'est ton chemin, tu dois en passer par là, pour rebondir, toucher à des trucs, à tes failles, tes faiblesses, mais tu dois y passer ! Pour être meilleur, enfin tu l'espères…
Bon dieu, j'en aurai chialer il y a quelques années à Chalon,, lorsqu'à la fin du spectacle on offre un coup à boire, que le public est ravi d'avoir vécu ce qu'il a vécu, et que je vois des "progs" passer devant moi, sans tourner la tête, pas un regard, pas une bise, un signe de connivence… Malaise… Eux avec qui on a passé tant de bringues à se serrer dans les bras, à trinquer à notre grande famille, beaux moments partagés… J'en aurai pleurer ! Sans doute l'ai-je fait, en serrant les dents très fort pour que personne ne voit…
Oui, on est obligé d'appeler nos premières sortie de résidence, sortie de chantier, etc de peur d'être tout de suite juger… Mais tout le monde sait qu'il faut une vingtaine de représentations pour être calé, alors il faut bien les faire ces 20-là !!! 
Bref… je suis assez perplexe, là ! Désabusée… Je ne comprends pas bien le chemin que ça prends tout ça… Et j'avoue que parfois, je me demande à quoi bon ?! 
Le monde de la rue est devenu un Monde, dans lequel il faut faire bonne figure, briller, côtoyer, draguer les seigneurs… Bon, y sont pas tous comme ça, heureusement, y'a toujours les authentiques, les respectueux, les passionnés, nos frères et soeurs, nos compagnons de voyage, nos pères et mères qui nous accompagnent, y croient, nous encouragent, nous tirent par la main, nous font confiance et nous aident à réaliser nos rêves. Merci à eux d'exister encore, surtout, ne nous lâchez pas !
Perrine
nuit de pleine lune…


Le 4 juin 2012 à 18:55, Prévost Pierre a écrit :

J'aime cette consigne de Livchine: rater mieux.
Sauf que quand tu rates , tu payes cash
D'où une certaine frilosité avant nos premières.
On en voit de plus en plus qui, boulot achevé, persistent à dire de chaque représentation "c'est une sortie de chantier"
comme s'il y avait un moment où ça ne l'était plus
Le propre du spectacle vivant c'est qu'il n'est jamais fini, non ?
sauf quand il est mort.
Paradoxalement, on en a vu qui se risquaient au contraire et qui l'ont payé très cher.
Et le public ne comprend pas, parfois, qu'on lui serve un brouet alors qu'il s'attendait à un plat pour fin gourmet
Se lancer, risque récurrent de se rétamer
ce mirage de l'excellence qui nous pervertit où que nous soyons...

On a la chance ici de lire beaucoup de littérature promotionnelle sur les spectacles de rue
écrite par ceux qui la font, parfois ceux qui la vende
C'est souvent incroyable les mots qu'on y met,
des mots qui fleurent parfois la scène nationale, des mots qui se la pètent, qui ne sont pas notre langue
qui permettent rarement d'imaginer ce que ça va être
des mots pour (se) faire plaisir
pour plaire
aux férus, aux doctes et au ministère
ou à des naïfs qui ne le sont pas.

Rater pour de vrai c'est quand ce que tu as réalisé n'est pas à la hauteur de ce que tu en rêvais
C'est très personnel, rater
Les autres n'y sont pour rien, ils ne font que refléter, même léger léger
suffit que rien ne brille dans leurs yeux
Rater c'est ne pas avoir parcouru le chemin mental que tu t'étais tracé
On peut réussir par hasard
L'échec, lui , est toujours logique

Parfois on rate déjà dans l'énoncé. Des mots trop grands qu'on s'épuisera à rattraper.
Il faudrait, dans nos mots, épurer jusqu'à l'os, abolir toute sauce, creuser le projet jusqu'à trouver la racine du désir
Je crois que dans "création", il y a surtout le fait de se créer soi-même, c'est le côté divin et délicat de la chose.

J'ai des amis qui ont raté un spectacle et qui l'ont jeté; presque chaque compagnie l'a fait, un jour ou l'autre.
Un avorton. Trois petits tours et puis s'en vont...

On s'en recause, si vous voulez

Pierre



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