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- Subject: [rue] Débat institution merci Solen
- Date: Mon, 23 Dec 2013 11:30:42 +0100
Bonjour,
Il y a exactement 1 an la compagnie Cacahuete fermait son lieu de résidence
unique au monde d'écriture des arts de la rue "Le Lieu Noir".
Nous y avions accueilli 118 résidences, 100 compagnies, 400 artistes.
Pendant 7 saisons nous avons fait ce que nous avons voulu sans pression.
Puis la septieme saison il commenca à y avoir des visites de vérification
Drac impromptues puis un recadrage administratif Région puis des conseils
plus ou moins appuyés sur ce qu'il serait bien de mettre en oeuvre Région
Drac ainsi qu'une pression claire sur nos choix de programmation avec
l'incitation de création d'un comité de sélection et de réduction du nombre
de résidences.
Nous avons tout simplement dès la réception de ce courrier décider de mettre
fin à l'aventure et à rendre les conséquents subsides qui allaient avec et à
enlever cette muselière vicieuse que l'on voulait progressivement nous faire
accepter.
Nous avons préféré rejoindre la meute des artistes libres qui crevent de
faim plutôt que nous faire attacher un collier pour nous garantir une
gamelle pleine.
Et maigrir nous fait le plus grand bien, nous adepte de la décroissance.
Je trouve le message de Solen et le texte de De La Fontaine particulierement
fort et imparable.
Que chacun le lise et le relise avant d'attendre le Père Noel.
Pascal Larderet Cacahuete
Le message de Solen,
sans prendre part ouvertement aux ébats sur le franco-fachisme,
je voulais citer un truc qui me trotte dans la tête depuis le début de ce
fil de discussion :
"un « ministère de la Culture » en 1954 (en France), c¹'est
très-très culotté ! Parce qu'¹il n'¹y a eu, à ce moment de l¹'Histoire, que
trois ministères de la culture dans le monde. Un chez Hitler, un chez
Mussolini et un chez Staline. Pour une raison assez simple à
comprendre : c¹'est que la notion même de ministère de la culture est
totalement incompatible avec l¹idée de démocratie.
Je ne vous parle pas d¹'un secrétariat d'¹Etat aux Beaux arts, qui
pensionne des artistes officiels comme c'¹est le cas aujourd'¹hui ! Je ne
vous parle pas de ça. Je vous parle d¹'un vrai « Ministère de la Culture ».
Parce qu'¹un Ministère de la Culture, cela veut dire que l'¹état dit le sens
de la société et ça, c'¹est la définition du fascisme.
Mais eux se disent qu'¹il doit y avoir moyen d'¹avoir un ministère de la
culture démocratique. Ce sera forcément un ministère qui va travailler la
question démocratique en permanence. Ce serait un ministère de
l¹'éducation populaire..."
Croire que la culture est financée exclusivement avec de l'argent public,
c'est rendre les armes.
Croire que ce sont les professionnels de la Culture qui font la Culture.
C'est participer à l'effacement de l'intégralité des pratiques artistiques
de la population. "Et c'est bien pour ça que l'Art fait l'objet d'un
ministère".
Croire que l'autorité est dépositaire de la culture, c'est continuer
d'accepter une suggestion puissante qu'on nous a fait gober depuis qu'on est
gosses.
Il y a ceux que ça arrange.
Il y a les autres.
Faire croire que la Culture est un mot singulier, c'est une entreprise à
laquelle s'applique l'État depuis un demi siècle.
Il y a les cultures, nom commun, pluriel. Financées par les populations, par
leur pratiques collectives et individuelles, par leur argent (mais d'où il
vient l'argent public ???), leur temps, leur énergie et leur regard.
(Allez, Olé ! une fable et au lit.)
Jean de la fontaine : les cultures et la culture.
Un Loup n'avait que les os et la peau,
Tant les chiens faisaient bonne garde.
Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégarde.
L'attaquer, le mettre en quartiers,
Sire Loup l'eût fait volontiers ;
Mais il fallait livrer bataille,
Et le Mâtin était de taille
A se défendre hardiment.
Le Loup donc l'aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu'il admire.
"Il ne tiendra qu'à vous beau sire,
D'être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, haires, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? rien d'assuré : point de franche lippée :
Tout à la pointe de l'épée.
Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. "
Le Loup reprit : "Que me faudra-t-il faire ?
- Presque rien, dit le Chien, donner la chasse aux gens
Portants bâtons, et mendiants ;
Flatter ceux du logis, à son Maître complaire :
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons :
Os de poulets, os de pigeons,
Sans parler de mainte caresse. "
Le Loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé.
"Qu'est-ce là ? lui dit-il. - Rien. - Quoi ? rien ? - Peu de chose.
- Mais encor ? - Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
- Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? - Pas toujours ; mais qu'importe ?
- Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. "
Cela dit, maître Loup s'enfuit, et court encor.
Solen Briand
Auteur de cirque et organe (d'un) des sens
06.73.62.11.76.
Cie Monsieur Solen
- [rue] Débat institution merci Solen, Pascal, 23/12/2013
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