J’aurais
voulu parler à la nouvelle Ministre de la Culture, parce
que les nouveaux ministres disaient : on va vous
écouter.
Pourquoi
moi ? Parce que je lui aurais dit : “Françoise Nyssen,
j’ai 50 ans de théâtre au compteur, je connais beaucoup
mieux que quiconque le monde du théâtre, puisque j’ai
émargé aux jeunes compagnies émergentes, au théâtre de
rue, j’ai joué dans toute l’institution, même à l’Opéra
Bastille, même dans le In d’Avignon, j’ai joué dans plus
de 40 pays, j'ai co-dirigé une scène nationale pendant
neuf ans, je connais vraiment les arcanes du théâtre
public, vous devriez m’écouter, car je crois bien que
cela pourrait vous éclairer”.
Je
n’ai jamais eu de réponse.
Evidemment.
Alors
j’ai voulu passer par une radio de service public, pour
parler, expliquer, raconter le théâtre et son évolution
: zéro réponse.
Qui
je suis pour tous ces gens -là ? Un plébéien.
Le théâtre c’est fait comme ça,
Il
y a les patriciens et les plèbéiens.
Et
pourtant nous sommes tous supposés être au moins des
penseurs, des rêveurs, des idéalistes, des décrypteurs du
système en place
Or
nous sommes métastasés par un système ultra -marchand et
castique.
Celui
qui comme moi a touché aux quartiers, aux banlieues, aux
campagnes, au théâtre de rue, celui-là n’a pas droit
d’avoir un rendez -vous, avec une Ministre ou
un conseiller du président de la République, c’est une
espèce de pestiféré, on ne lui parle pas, on ne l’écoute
pas, on le méprise, on l’ignore.
Même dans
les lieux un peu décalés comme le 104, ou la
Villette, pas de réponse, il y a interdiction de
pénétrer.
On
va me dire : tu craches dans la soupe, tu es subventionné
depuis 1971… Alors tais -toi.
Un
manifeste vient de sortir qui s’en prend à la politique
culturelle de la Ministre, à qui on reproche un retour à
la quatrième République, mais moi, je ne sais même pas de
quelle politique culturelle il s’agit, à part la même
antienne depuis cinquante ans : démocratisation,
démocratisation démocratisation.
Quand
je vois l’acharnement disproportionné de la bourgeoisie
d’Etat contre deux cents personnes qui ont décidé de bâtir
leur vie sur de nouveaux paradigmes, je comprends mieux à
quel point tout ce qui pourrait concourir à
changer l’existence, à inventer de nouveaux
modes d’_expression_ théâtrale, est considéré comme
suspect, dangereux, en un mot qui résume tout : zadiste.
Jacques
Livchine
Metteur
en songes