Tribune de la Cie Le Plus Petit Espace Possible
26 avril 2020
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TOI ET TON PARTI PRIX DE LA CULTURE
Toi qui raye d’un trait de plume la ligne budgétaire attribuée à la culture, par temps de covid-19.
Tout comme toi qui n’hésites pas à redistribuer ce budget pour parer au plus urgent, et tu fais bien : qui pourrait prétendre le contraire ?
Il te faut néanmoins d’emblée poser à la suite, les jalons sûrs et forts de ta politique où la culture au grand jamais ne sera considérée comme superfétatoire.
Toi dont le mot solidarité n’a pas même quitté le papier ou l’écran, ni franchi ta bouche pour y être nommé (au moins peut-être l’aurais-tu entendu?), réduit à son seul effet d’annonce : tu n’as pas dû saisir ce qu’il en appelle à chacun de responsabilité.
En tout inconscience ta décision est de vie ou de mort pour ce qui est en bout de chaîne.
Toi le mauvais payeur qui en biffant le bon de commande d’un
« pas de festival, pas de paiement » contraint l’organisateur à marmonner au producteur : Sauvez-vous vous même ! Et tout le monde de quémander son dû ?
Tout comme toi qui poses sur la table un million puis un autre le mois suivant, s’il le faut, et que soient soutenues toutes les manifestations culturelles et sportives, annulées ou en passe de l’être !
Parfois éclairé, tu ajoutes que cela aidera de fait les intermittents si durement et durablement impactés. Cependant que la grille complexe d’évaluation (ou dossier en ligne) en fait déjà renoncer plus d’un.
Alors quoi ? les plus gros, les plus larges, les plus tendance grosse jauge, les plus grand public y verront moyen de se refaire une santé et pour l’année prochaine ?
L’histoire ne nous dit pas si les derniers de cordées seront encore vivaces, les plus petits, les invisibles qui tissent les liens microscopiques des territoires, les bouche à oreilles, les plus proches.
Ou sont-ils tous pendus ?
Et puis toi qui ne te rend compte de rien, qui pense que ce n’est pas là tout à fait tes oignons.
Toi qui dans un premier élan n’a pas demandé le remboursement de ton billet.
Toi qui bien plus tard, ayant quitté l’autoroute, traverse quelques villages, dont un a installé sur sa place une estrade : dessus un musicien et sa guitare (peut-être chante-t-il ?) et face à lui des rangées de chaises. Toutes ne sont pas occupées. Tu t’arrêtes un instant et tu respires l’air de la campagne, ça te fait du bien. Ton regard embrasse le spectacle qui s’offre à toi. Quelque part en toi tressaille une évidence, comme un animal lové là depuis longtemps et qui se remet à bouger.
Mais déjà tu remontes dans ton véhicule et tu t’éloignes, comme tu t’éloignes de ce que tu as perçu un instant.
Combien y-a t-il de toi(s) qui sent sourdre la peur au ventre, qu’on lui coupe les vivres, qu’on l’ampute, qu’une part de lui-même (la plus intime : sa part de l’autre en soi) est broyée, anéantie, niée, la plus précieuse, lui est ôtée,son humanité ?
Parce que on avait reçu en leg un beau programme (tout un socle même !) : l’éducation populaire.
Mais viennent déjà ceux-ses qui vivront de nos ruines, à eux léguons nos luttes, en premier lieu celle-ci, contre l’austérité et l’ignorance: redisons la prospérité et notre humanité que bâtissent nos rêves tellement plus forts que tes profits.
Elise Chatelain
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photo: Julie Pélerin
LA FANFARE D'OCCASION
Festival Sortilèges, Rues et Vous 2012 - Ath (Belgique)
Hélène