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[rue] Covid-19 et la culture 2


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  • Subject: [rue] Covid-19 et la culture 2
  • Date: Mon, 22 Feb 2021 05:46:44 +0100
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Attaques systémique contre la culture


Que signifient la fermeture des musées et l’ouverture des galeries d’art ? Elles ne sont contradictoires qu’à l’égard du but sanitaire. Quel est le message véritable ? Une œuvre d’art n’est visible (digne d’être vue) qu’à la condition d’être une marchandise. Le rapport contemplatif, gratuit, à l’œuvre d’art est inessentiel, c’est-à-dire improductif. Voire anti-productif en ce qu’il soustrait du temps à la consommation matérielle seule légitime.

De même, pourquoi interdire théâtres, cinémas, bars et restaurants ? Mesures absurdes du point de vue sanitaire (les magasins et les transports en commun contaminent aussi) mais utile si l’on discerne le vrai but : empêcher la réflexion, l’échange, la concertation, le dialoguela critique, l’action, la contestationC’est-à-dire au fond, ce qui constitue la substance même de la vie sociale, le socle de la vie politique, le fondement des constructions démocratiques explicites.

Pourquoi fermer les universités ? Pour la bourgeoisie moderne, Mai 68 a été une catastrophe, une angoissante révolution incontrôlable. D’où un sourd désir de couler les universités, surtout celles de lettres et de sciences humaines.Outre la visée électoraliste (prendre des voix au Rassemblement national), la demande, par la ministre de la recherche, d’une police politique chargée de trouver les chercheurs qui relèveraient de l’islamo-gauchisme apparaît comme une manipulation aussi ridicule que scandaleuse mais logique électoralement.

Lorsque le président de le République entend le mot « culture », il sort de sa poche son gouvernement qui répond« Inessentielle ! »Mais cette distinction entre ce qui est essentiel et ce qui ne l’est pas relève d’une idéologie anti-égalitaire, issu du darwinisme social (c’est-à-dire la version biologique du fascisme politique). Les artistes, les techniciens du spectacle, les compagnies, sont soumis à un traitement inégalitaire violent : une concurrence entre les plus forts et les autres, « ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien ». Le credo néo-libéral tient l’égalité pour absurde et nocive.

Pourquoi la recherche des traitements est-elle dévaluée au profit des vaccins (même expérimentaux) ? Non pour des raisons sanitaires mais parce que les laboratoires pharmaceutiques exigent de tirer profit de la fausse pandémie.

Pourquoi les étudiants de Classes Préparatoires aux Grandes Écoles ont-ils droit à des cours en chair et en os, tandis que les étudiants des Universités n’ont droit qu’à des simulacres de cours, avec un décrochage semble-t-il élevé ? Parce que les CPGE, c’est un mythe constitutif, forment l’élite de la nation, tandis que les Universités sont globalement « inessentielles ». L’absurdité sanitaire est recouverte par une échelle de valeur plutôt réactionnaire ou à tout le moins conservatrice. Les « cultes » sont essentiels, la culture inessentielle.

L’absurdité ubuesque des interdictions gouvernementales disparaît dès lors qu’on peut rétablir leur logique politique. Il y a bien un projet de société, néo-libérale, qui constitue la finalité de l’action du président de la République, projet auquel tout le reste est subordonné. Selon ce projet, seules certaines activités, réellement rentables pour les riches etutiles au pouvoir politique, peuvent et doivent exister, tout le reste devant disparaître ou muter profondémentLe divertissement égocentrique en miniature à la place de la culture comme expérience collectiveLe numérique est choyé par l’idéologie néo-libérale non pas parce qu’il serait si progressisteso smart, mais parce qu’il contribue à éliminer les situations collectives et à propager des situations où l’individu est seul dans une jungle darwinienne tellement émulatrice, poussant naturellement à l’innovation elle-même salvatrice par essence.

Dans l’enseignement et la culture (théâtre, cinéma, etc.), tout doit passer à la moulinette numérique. Un festival de cinéma est censé pouvoir se dérouler en ligne et une formation scolaire est censée pouvoir se dérouler en « distanciel ». En réalité, c’est confondre cinéma et télévision dans le premiercas ; c’est, dans le second cas, considérer le cours comme un contenu cognitif sans corps, sans communication vivante, comme une marchandise à consommer chez soi, séparé des autres, ayant cassé tout lien social vivant. La farce de la continuité pédagogique sert en réalité de préparation à la numérisation de l’école, c’est-à-dire à sa privatisation. Ce que des décennies d’efforts, pour que l’éducation devienne un marché privén’ont pu obtenir, l’usage politique de la pseudo-pandémie va permettre, peut-être, de l’avoir en quelques mois.

L’aspect de délire continuel (la fausse pandémie, les restrictions très exagérées des libertés, la suspension de la démocratie, etc.) caractérise aussi la banalisation du « distanciel » dont l’usage masque la différence radicale entre une réalité vivante, vécue collectivement, dans un ensemble d’interactions intellectuelles et affectives, et d’autre part un rapport numérique, pauvre, caractérisé par l’absence et par le simulacre, répulsif, violent, sans affect de communauté et sans corps. Non, un concert numérique n’est pas un concert sous une autre forme. Non, un cours numérique n’est pas un cours simplement à distance. Un colloque, une pièce de théâtre, tout ce qui est intrinsèquement collectif, diffusés sur des écrans d’ordinateur ou de smartphone, deviennent des images de télévision sans épaisseur, sans vie. Le décrochage des étudiants semble signer l’échec de ces simulacres. Car la vérité du « distanciel », c’est la solitude, l’isolement, la vulnérabilité, la dépression.

La notion même de confinement n’a plus aucun sens précis. La réalité du confinement c’est d’abord d’accroître la densité des populations sommées de travailler et de consommer dans un temps et un espace de plus en plus court (et donc favoriser la diffusion du virus)ensuite d’interdire certains métiers et pas d’autres, dans un arbitraire fréquent du point de vue sanitaire, mais dans une logique cohérente tantôt du point de vue capitaliste tantôt du point de vue politiqueC’est briser tout le mouvement associatif, l’éducation populaire. Le confinement, toujours pseudo-expérimental, est un appareil politique destiné à contrôler les pensées, à habituer à la solitude et à l’isolement, à affaiblir la résistance à l’adaptationet à faire perdre la pratique du collectif.

JJDELFOUR 



 




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