Bonjour tout le monde !
inscrit à cette liste rue depuis...... un temps certain, je ne contribue pas beaucoup. la dernière fois c'était il me semble il y a une bonne dizaine d'années pour appeler à la création d'un nouveau front populaire. (avec un succès pour le moins mitigé).
Je partage aujourd'hui l'intervention d' Alain Guyard hier soir au Théâtre de Nîmes, vidéo (1heure - https://youtu.be/qIN3nJgccSg ), morceaux choisis retranscrits ci-dessous.
Si les lieux culturels sont fermés, est-ce parce que l'art est "une métaphysique de sédition politique" ?
"dans une société gérée par des technocrates (["terrorisme technocratique"]), il y a bien [dans le spectacle vivant] quelque chose qui dérange, qui achoppe, qui gène, et dont on aimerait bien un jour où l'autre que ça disparaisse". (...)
les lieux de spectacle vivant ne sont pas des lieux qui mettent en danger ceux qui y participent en termes sanitaires. (...) la première caractéristique du pouvoir politique c'est d'abord son incompétence (...) ce qui se joue dans la conquête du pouvoir, c'est d'abord une façon de se démettre de ses responsabilités propres. Il y a quelque chose de l'ordre de la fuite en avant de la part de ceux qui nous gouvernent (...) l'ambition politique est tout sauf une force de caractère (...) les personnels politiques qui sont au pouvoir ne sont en rien des acteurs de la situation, ils sont des agents (...) au service des intérêts des capitaux financiers. (...)
quand on rentre dans une salle de spectacle, on fait un travail d'apprentissage, d'imagination, d'assouplissement psychique, spirituel, affectif, intellectuel, et ce travail consiste à nous faire comprendre que nous pouvons faire fleurir plusieurs visions du monde en nous, permettant la fractalité des visions du monde, nous fragilisons ceux qui sont en situation de monopole, sur le monde dont ils disent qu'il est le seul à exister ( ["There is no alternative" + "there is no such thing as society", Margaret Thatcher] ) (...) l'intensification du capital prend un nouvelle forme, la forme de l'obsolescence programmée de l'homme, qui veut réduire l'homme à être un auxiliaire de la machine, or ce qui se joue dans le spectacle vivant c'est une expérience du grain, du bruit, de l'insaisissabilité, une expérience de la liberté directe, éprouvée comme telle, et qui est infiniment redoutée par tous ceux qui veulent faire de nous simplement les serviteurs des logiciels, qui incrémentent et nourrissent les algorithmes. (...)
ce qui se joue aussi dans le spectacle vivant (...) c'est une sorte de communauté politique, dans laquelle quelque chose circule (...) le programme du libéralisme économique, c'est que nous ne soyons que des individus, ramenés à leur solitude, et définis simplement comme des unités de consommation et de production (...) la perspective du libéralisme,(...) c'est que jamais nous ne puissions faire corps, corps social, corps politique (...) peu à peu, de manière subreptice, on essaie de faire en sorte que le spectacle vivant soit mort (...) ce qui se joue dans l'art en général , et dans le spectacle vivant, c'est un rapport rugueux avec un dispositif économique et politique aujourd'hui qui veut lui briser les reins. (...)
le système d'économie capitaliste est en fin de course, (...) c'est une course contre la montre contre lui, et il préfère tuer autour de lui, mettre à mort la planète, mettre à mort la société, plutôt que de se mettre à mort lui-même. Ce à quoi nous assistons, c'est au début de la fin... de ce régime d'économie politique. Grande chance pour nous, si nous estimons qu'il ne reflète pas ce à quoi nous aspirons. Ce qui vient de se mettre en place ici avec les dispositifs sanitaires est appelé à durer sous des formes multiples. La chasse à la liberté, la chasse à l'expérience sociale qui fabrique du politique, la chasse à la résistance à la techno-industrie, elle se met en place aujourd'hui. Nous n'avons plus rien à attendre maintenant de la part des instances. Donc il nous faut plutôt que d'attendre, imaginer (...) des manières pour que le spectacle vivant soit vivant et sorte de sa stase de zombie. (...)
dans chaque corps de métier lié au spectacle vivant, la possibilité nous pourrait être sans doute accordée, d'imaginer des formes de représentation qui contournent , [qui détournent] les interdits posés par le pouvoir politique qui profite de l'aubaine sanitaire. (...) est-ce que nous n'avons pas aussi à interroger les conditions de la représentation, pas simplement le fond même de la représentation (...) le jeu de dupes, c'est quoi ? c'est que les codes qui sont ceux du spectacle vivant sont les codes qui sont bannis par le pouvoir politique (...) Si nous inventons de nouveaux codes, si nous ensauvageons les codes qui nous sont donnés, alors nous avons l'initiative et nous prenons de court le pouvoir techno-politique (...)
il faut concevoir que ce qui se joue dans l'art et dans le spectacle vivant c'est pas simplement la résistance, c'est l'offensive et de contre-offensive par rapport au pouvoir. (...) Il faut que nous ensauvagions le spectacle vivant. (...) ce qui se joue dans l'art et dans le spectacle vivant, c'est une proposition de dissidence politique (...) ce qui se joue dans l'art, c'est une expérience des nouveaux mondes, c'est une expérience métaphysique qui est donc une proposition de dissidence politique. Fondamentalement, le rapport entre l'art et le politique est un rapport fait de tension, de contradiction, voire de rupture. (...) Aujourd'hui c'est la tension, ce n'est pas encore la rupture. Pourquoi ça ne pourrait pas l'être ? Mais ce faisant alors, il faudrait envisager un théâtre, un spectacle, un art, qui bien sûr n'hésite pas à aller non pas dans la résistance mais dans l'offensive, en changeant les codes, en modifiant les conditions de sa représentation, mais, peut-être, plus radicalement aussi, en envisageant la clandestinité"
Bonne journée à tou-te-s
Adrien Toreau
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