Cher Pascal, En voilà un cri désespéré. Même si je le comprends et suis en accord avec toi, il me semble que tu as oublié de préciser une chose fondamentale : C'EST LA RUE - LA FAMEUSE RUE - QUI A CONSTRUITE TOUT ÇA LES 15 OU 20 DERNIÈRES ANNÉES... À FORCE DE COMPROMIS. Tout le monde en a bien profité. La rue était un Eldorado. N'importe quel branle-panneau qui n'avait pas le niveau pour pouvoir faire quoi que soit en salle pouvait toujours survivre dans la rue. Voir même très bien vivre. On a essayé de nous faire croire qu'il n'y avait pas de différence entre un sculpteur de ballon et "La folle histoire de France" du Royal de Luxe. Très bien. Nous faire croire que la moindre fanfare, le moindre spectacle de clown ou de diabolo vallait un spectacle de Langhof, d'Ostermeïer etc… juste parce que ça se passait dans la rue. Que si ça passait dans la rue, alors c'était bien. C'était gratuit, alors c'était bien. Nous faire croire que tout valait tout, du moment que cela ne faisait pas de vague. Du moment que cela servait l'intérêt touristique et commercial des villes… en sommes…du moment que tout cela était SYMPA…POPULAIRE... et que cela contribuait au fait d'endormir les gens. Que cela lissait le paysage. Nous maintenir dans l'idée que nous étions au pays des Bisounours et qu'on avait bien de la chance. Sauf que c'est dans nos culs mon Pascal que le Populaire s'est fourré… car nous avons contribué collectivement à fabriqué du populisme de masse ! Une réalité dans laquelle nous nous sommes vautrés sans vergogne et dont nous nous prenons aujourd'hui le retour de bâton. À force de contraindre le débat, de lisser les propos, de vouloir faire rigoler à tout craint... À force de vouloir faire de la rue une foire, un fourre-tout sans réelle épaisseur artistique, sans prise de risque. À force de tuer l'audace, histoire de maintenir ceux qui la tienne dans leur petit confort bourgeois. Et bien aujourd'hui c'est la soupe à la grimace… Et aujourd'hui Pascal, il est trop tard pour pleurer car la Rue...la fameuse Rue... est morte depuis longtemps déjà. Ironie du sort, à force d'avoir tendu nos fesses, la ministre nous dit que nous sommes des amateurs. (Et le pire…c'est qu'elle n'a pas tort ! Combien de fois je suis intervenu sur la Liste pour calmer les ardeurs de ceux qui n'avaient de cesse de critiquer le théâtre de salle. Persuadés qu'ils étaient que la seule légitimité de faire une chose offerte à tous - que la seule bien pensance de gauche - suffisait à faire de nous un artiste.) Aujourd'hui la France n'a plus d'argent donc on sacrifie logiquement ce qui n'est qu'un luxe…la distraction. En commençant par celle qui est la moins rentable. Quand on a plus moyen de se distraire il faut commencer par ranger les vieux jouets et les mettre à la benne. Aussi, Pascal, on nous pousse gentiment à la porte car…à part distraire, à part faire de gentilles animations pour égailler le paysage…À quoi servons nous ? À quoi servons nous je te le demande ?… Nous n'avons même plus la prétention de faire de l'Art. Nous n'avons plus aucune prétentions d'ailleurs. Humbles artisans et amuseur du roi. Artistes de propagande. Il n'y a rien de surprenant à ce qui arrive. En 27 ans de terrains - tous azimuts - je me suis plus souvent fait enculer par des gens de gauches que de droite. Ce qui constitue l'énorme paradoxe et l'ironie de l'histoire. André Gide disait qu'on ne fait pas de littérature avec de bons sentiments. En fait je pense que cette affirmation devrait s'étendre à l'Art tout entier. Nous avons trop joué le jeu des commandes, nous nous sommes trop conformés aux tendances, aux cadres, aux normes, aux modes, aux désidératas de ceux qui tiennent la rue et préservent "LEUR" public. Si vous saviez le nombre de patates que j'ai voulu mettre dans la gueule à force d'entendre certains programmateurs dire "MON PUBLIC" Combien de fois j'ai entendu dire cela…"MON PUBLIC"…quelle hérésie…ce fameux public si chouchouté pour ne pas le heurter, préserver sa sensibilité…ce fameux public à qui nous avons offert, tout donné gratuitement, gavé, et qui est entrain de foutre le nationalisme et le populisme le plus sauvage et obscène aux portes de la Nation ! Il est beau le public tant chéri. Qu'il aille se faire foutre. Alors oui Pascal, tout est entrain de crever et les barons technocrates se cassent déjà la gueule de leur chaise. Mais est-ce vraiment un mal ? Tu parles de mettre le feu et de reprendre la rue…alors tout cela n'est pas grave… Tout renaîtra des cendres… En revanche, et je pense que le problème commence par là, il faut arrêter de parler et penser en terme "D'outil de Travail" mais revenir au fondamentaux…à commencer par la scène. Regarder la rue et l'espace public, les lieux publics (ces fameux Lieux Publics…hahaha…) comme le territoire des opérations, la zone de conflit… REPRENDRE LA RUE, POUR DIRE, MONTRER, HURLER, METTRE LE FEU…AVEC AUDACE, IMPERTINENCE…CRÉATIVITÉ ! Enfin bon, je dis ça…juste parce que je viens de me lever et de te lire en prenant mon petit déj. Je crois…que tu viens de me gâcher ma journée. Maintenant ça me tourne sur le bide…à m'en faire gerber mon chocolat... Du coup, je crois aussi que j'vais aller mettre le feu quelque part moi... Bises mon Pascal ! Tenez bon ! et à tout vite ! PUNKS NEVER DIED AS CHILDS USED TO SAY... TOMO (Feu MATERIA PRIMA art factory…aujourd'hui renait sous la forme d'un papillon) COLLECTIF BE / Cie BUTTERFLY EFFECT Le 18 nov. 2014 à 12:26, cacahuete <
">
> a écrit : Lettre à la Présidente de la Fédé des Arts de la rue, |
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