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[rue] comme un rêve commun


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  • From: Pierre Prévost < >
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  • Subject: [rue] comme un rêve commun
  • Date: Wed, 18 Mar 2015 16:17:54 +0100

Oui Chtou
moi aussi ça m'interroge, ce silence, ce peu de mobilisation
cette im-mobilisation
J'y vois plusieurs raisons
d'abord celle que nous sommes tous, presque tous, mobilisés pour survivre
quand quelqu'un est malade, quand quelqu'un a des soucis d'argent, il est rare qu'il le clame sur les toits
on se fait discrets, on fait le gros dos, on s'accroche à ses os, et au peu de lard qu'on trouve
et on se préoccupe d'abord de ça
et puis, dans cette crise de fond qui nous touche, il n'y a pas un Etat en première ligne, qu'on peut stigmatiser
non, ceux qui nous lâchent, qui nous trahissent, ce sont ceux qui sont au cœur de notre engagement: les élus locaux, de presque tous les bords.
A tort ou raison: la baisse des dotations locales est forte et, qui plus est, elle s'étale sur 3 ans... nous n'en sommes pas au bout.
Ils nous préfèrent leurs indemnités, les ronds-points, autre chose... Désespérant.
Et demain ce seront les conseils généraux qui vont nous lâcher.
puis les régions.
Mais après on te dira qu'il est inutile de voter.
Et pourquoi ne sommes-nous pas vent debout, dressés pour défendre ces dispositifs -CNARs et autres- que nous avons lutté pour obtenir ?
Incroyable, non ?
Et bien parce qu'ils sont décevants, forcément décevants. Qu'ils ont leurs soucis de boutique, leurs choix artistiques, leurs contextes politiques, leurs contraintes économiques, (et les préoccupations de carrière de ceux qui les dirigent)... et qu'ils peuvent peu finalement. Ce qui fait que rares sont ceux qui en profitent, souvent ce sont les mêmes, et que plutôt que de représenter une solution, ils se rangent avec nous du côté du problème.
Quand tu vois le sort de ce Boinot dont on a tant rêvé, sur lequel nous avons construits des espoirs étayés, par rapport à la Scène Nationale
c'est le pot de terre contre le pot de fer. Un souffle. Plus rien. Ecoeurant.
La militance flamboyante, tu aurais plutôt tendance à la faire vivre du côté des Zadistes que des intermittents, en ces temps
parce que le problème nous échappe tellement dans nos petits périmètres.
C'est comme les acquis sociaux. Acquis à qui ?
La "vraie gauche" sociale fonctionne depuis des lustres sur l'idée que ce qui est gagné d'un côté (du côté de la fonction publique ou des grandes entreprises plus précisément) profite à tout le monde. Des années qu'ils brandissent ce bréviaire: on lutte pour tous, nos salaires d'aujourd'hui seront vôtres demain. Sauf que ça n'est pas vrai. Il y en a qui ont des acquis et d'autres qui ont que tchi et n'en auront jamais. Et depuis des années. Mais ça n'empêche pas nos belles âmes de clamer à tous vents que la défense de leurs avantages est celle de nos avantages, et de se refiler les postes de père en fils, d'aménager de beaux appartements à leur secrétaire sans scrupule ni question etc... Pas la peine de faire un dessin. Du coup, la "vraie gauche" n'a quasiment plus de crédibilité dans notre beau pays, cramponnée qu'elle est à ces petits privilèges qu'elle a grapillés sans se soucier vraiment de l'intérêt général et de la situation lamentable dans laquelle nous sombrons.
15 ans que je m'appauvris. Comme presque tous d'entre nous.
Mais tu vois, je préfère me battre pour un revenu de base décent pour tous et sans condition que pour notre petite chapelle maintenant.
Je crois que le projet culturel dessiné par De Gaulle sous couvert de Malraux n'a plus pour seule pertinence que de faire vivre et bosser des gens plutôt intéressants mais c'est tout.
Que le reste est ailleurs comme nous l'avons dit: L'Art est Public,  mais personne n'a compris (pris avec lui) parce que, feignasses, on s'est arrêté là et que nous n'avons pas tiré toutes les conséquences de cet énoncé, y compris qu'il remettait en cause la place qu'on se donnait. Comme Rue Libre qu'on a gardé pour nous.
On est généreux dans nos dires mais petits dans nos têtes. Trop petits. Avec nos risettes au Ministère pour avoir nos hochets comme des grands !
Le seul intérêt de l'histoire est qu'il ne nous laisse plus de choix pour nos créations. Il faut qu'elles aient du sens. Qu'elles soient d'impérieuse nécessité. Parce que personne ne les attend et n'en a quelque chose à carrer. Faut être sacrément motivé.
A part ça, je travaille sur une idée de "permaculturel" qui ne va rien sauver mais peut-être nous ré-inventer une nécessité.
Je me raccroche à ça.
Faire son colibri.
Faire sa part.

Bise
Pierre


Le 18/03/2015 12:05, Gildas Puget a écrit :
" type="cite"> Je me rappelle d’une fin de matinée d’une clarté ensoleillée, en plein coeur de l'été, au Carmel, à Chalon. 
Dans le petit jardinet en hauteur, nichée entre les pierres, se tenait une réunion de la Faiar.
Une pile de plaquettes à la main, je cherchais les boîtes, ces fameuses boîtes de pros.
Un petit rituel sympa, des bouquets de plaquettes plantées dans des vases en carton, j’aime bien, ça déborde, c’est désespéré, inutile, conquérant, bordélique.
La Faiar par contre, je trouvais ça louche. 
Encore un truc des vieux grigous, qui veulent photocopier leur rue façon eigthies… une formation pour diriger une compagnie?
Ils en ont fait, une formation pour diriger leur compagnie, les formateurs?
J’allais passer mon chemin mais parmi les auditeurs, il y avait Djamel, des acidus. Ha, tiens, un frère de rue... C’était ptet intéressant quand même. 
Je jetais une oreille.

Je n’ai pas eu le temps de rester, mais j’ai attrapé au vol des statistiques sur les compagnies de rue qui m’ont frappé.
Je n’en ai plus la teneur exacte, pour moi ça reste dans ce genre: 50 pour cent des compagnies disparaissent au bout de deux ans, 75 pour cent au bout de cinq ans. Je n’avais pas réalisé l’incroyable turn-over de notre milieu.
Il y a des centaines de créations de compagnies, des milliers de nouveaux artistes qui émergent tout le temps.
Mais tout le monde dégage, et rares, très rares sont ceux qui durent.
Notre milieu est un milieu de jeunesse, de passage.
Mais nos anciens, et nos âges mûrs, sont très peu nombreux.
La difficulté croissante de tenir l’intermittence n’arrange rien.

Qui va se mobiliser pour un Cnar?
Le circassien de 23 ans qui monte son premier spectacle avec ses potes, la danseuse de 21, en duo avec son amoureux?
Le musicien de passage dans une compagnie, le technicien embauché pour l’occaze, l’étudiant jouant pendant ses vacances à Aurillac?
Ils s’en foutent du Cnar, ils ne savent pas ce que c’est, ils se disent que c’est un truc de vieux, un centre névralgique pour apparatchiks du réseau.
Normal.

J’y suis, au Cnar de Niort.
En plein dedans, dans cet immense espace, tout seul, ce matin.
Je culpabilise un peu d’écrire ce message… j’ai tellement de choses à faire.
Mais le silence morne de ces listes, ça me pèse, il faut que je vous dise tout ça, pour passer à autre chose.
Quand je suis arrivé, il y avait réunion des Cnars.
Tous. Ils étaient tous là, vous savez, les pontes.
Morizur, Songy, Jacob, Papelard, Aubry, Garcia, de Beaufort... heu… il m’en manque, bon je ne les connais pas tous.
J’aurais eu dix ans de moins, j’y serais arrivé dans le même état d'esprit qu’au Carmel à l'époque, pour la Faiar.
Maintenant je les vois comme ils sont.

Des individus, des citoyens. Des personnalités, des rêveurs, comme nous tous. Des femmes et des hommes qui se battent pour faire exister des boutiques comme ces Usines Boinot.
On pourrait penser que ce sont de grands cargos, rien du tout, ce sont de petits paquebots, des budgets insignifiants face à nos scènes nationales.
En pleine tempête, eux aussi. 
C’est sidérant, qu’on ne soit pas tous à leur côté, à se mobiliser pour que ça existe. C’est quand même fait pour nous?
On dirait que tout le monde s’en fout.
Je crois que c’est le cas.

Je prépare le terrain, en attendant le reste de l’équipe.
Le dos en vrac, je boitille pour aller chercher mon café dans cette immense sale, la Volière, un fantastique outil de travail pour les compagnies, modulable, coloré, parsemé de sculptures métalliques, de photos de compagnies, d’affiches de festivals.
Des traces de nous.
L’accueil ici est humain, chaleureux, attentif.
On se bouge pour vous donner tout ce dont vous avez besoin pour créer.
Tout est possible, en plein centre-ville, vous avez un budget, de l’espace, le savoir-faire, l’intelligence.

Tout seul dans la grande Volière, ce matin, je vous jure les amis, je me dis, quand même, c’est con.
C’est con qu’on ne se bouge pas plus ensemble. Combien d’entre nous auraient encore pu profiter de ce lieu unique?
Ecrire ses histoires avec cet outil?

Tant pis pour nous, c’est foutu.

Ce lieu, on l’a perdu.

















-- 
Pierre Prévost
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