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Re: [rue] Artonic : The color of time. Colonialisme refoulé et arts de la rue


Chronologique Discussions 
  • From: Frédéric Roucheray < >
  • To: jean-jacques delfour < >
  • Cc: Alain Beauchet < >, rue < >
  • Subject: Re: [rue] Artonic : The color of time. Colonialisme refoulé et arts de la rue
  • Date: Tue, 15 Sep 2015 17:11:04 +0200

Ante-scriptum : Hey Fred ! Franchement, tes mots de blancs-becs et d'yeux bridés... N'y avait-il pas meilleure manière de parler d'universalité ???

Au lieu de croiser le fer, tentons plutôt de le forger...
L'orientalisme, cet imaginaire fantasmé dont le XIXe inspirait l'occident de désirs, de connaissances, de richesses... Pour quoi et surtout par qui ?  Tout comme le néo-colonialisme culturel, tel que vu comme une volonté de domination, n'est certainement pas le fait des cultures populaires. Ne nous trompons pas, s'ils se sont répandus, c'est bien par la bourgeoisie. Quand bien même il y aurait un doute, deux siècles plus tard, que sont devenus ces fantasmes ? Sommes-nous toujours dans le même contexte ? Pouvons-nous reconnaître, sans volonté d'opposition de classe, et malgré des maladresses, certaines lettres de noblesse qu'ont acquises les cultures populaires ? Les pratiques dites savantes se sont édifiées grâce à la recherche, la codification, puis la transmission... Où en sommes-nous actuellement dans notre secteur (et plus généralement dans l'enseignement d'ailleurs) ? N'y aurait-il pas une marge de progression pour bâtir de la verticalité ? Se pourrait-il être un axe d'intérêt pour enrichir et élever nos propres pratiques culturelles ? 
De l'orient à l'occident, qu'elles soient de pierre ou de verre, que reste-t-il de nos pyramides ?  Emporterons-nous des fantasmes quand nous partirons à la conquête d'exoplanètes ? 
Si les voyages poussent à la découverte et la compréhension de l'autre, où que nous allions, c'est toujours en rapport à soi-même qu'ils font écho. 

Certes les valeurs d'humanisme et d'universalisme sont de l'idéologie. Jean-Jacques, de là à dire que ce sont des mythes comme l'est la fraternité universelle ! Rabat-joie ! Chercheriez-vous à nous péter le délire ?! Serait-ce vraiment la meilleure période pour nous inviter à ce questionnement ? J'ai du mal à que ce sont là vos pensées ! D'autant que la Déclaration universelle des droits de l'homme, et en l'occurrence son article premier, remporte un large suffrage (et pas uniquement sur la liste rue). Le nierez-vous? 

Pillage est d'une signification qu'on accorderait plus volontiers à ceux qui empruntent Picasso pour vendre des bagnoles. Même s'ils ont payé très cher pour l'utilisation des droits (surtout, j'ai envie de dire) ! D'autant qu'en l'occurrence, les arts plastiques ont une responsabilité outrancière sans aucune mesure en regard des pratiques populaires. (Ce qui n'est pas une excuse, je le concède). Artonik, depuis sa création, est loin d'en avoir fait son fonds de commerce. Certes, ce n'était pas l'objet de votre critique, mais ce n'est pas inintéressant de le rappeler. 

Dimanche Cergy fut et Color of time attendu
Je me sens mal placé pour livrer mon sentiment sur le spectacle. Toutefois, et sans vouloir trahir la découverte des prochains spectateurs, les gerbes colorées sont loin de représenter la majeure partie du spectacle, tout juste un point d'orgue comme un bouquet final. Certes, l'envie de voir jaillir les couleurs est d'une curiosité indéniable, mais elle ne concerne que le public en attente. La proposition chorégraphique reste l'objet principal servi par des danseurs et musiciens tous talentueux et inspirés. Difficile de ne pas être touché par le public reprenant spontanément en choeur les chorégraphies des danseurs. Nul doute que la majorité du public perçoit aisément le message, simpliste diront certains, mais les idées simples sont parfois les meilleures. Il y avait dans l'air tout le reste de la soirée une envie de se parler et de se toucher. En cette période où la peur fait la loi Color of time a touché au but ! Me restera l'image de ces enfants tout couleur qui suffit à mon bonheur. Cette vision mérite-t-elle notre engagement politique ? Aidez-nous Jean-Jacques, je vous demande votre soutien. 
[1]
Se pourrait-il qu'il y ait aussi un peu d'intelligence dans le coeur ?

Il me paraît sain de s'interroger sur la source et le sens de l'inspiration, tout comme il ne peut-être écarté les volontés qui tendent à la chercher. Si la ministre de la Culture hindoue venait à poser réclamation, il y aurait matière à solliciter son indulgence, voir même pour le temps d'une création, son aimable autorisation. C'eut pu être un préalable, j'en conviens. Ça reste toujours une question qui peut-être posée. 

Nous devrions avoir mieux à faire que de tirer sur l'ambulance...

Que la critique soit salutaire est avéré. Qu'elle provoque des blessures aussi. Puissent-elles ne pas laisser de vilaines cicatrices. 

Caroline, Alain, merci pour ce spectacle, nos échanges et vos bises colorées. 

___________
[1] Photo prise par Alain Beauchet avec son téléphone, me la montrant pour désigner l'endroit de toutes ses volontés.

---
Mr Frédéric Roucheray
Tel: 06 15 94 05 60

Le 10 septembre 2015 18:42, jean-jacques delfour < " target="_blank"> > a écrit :

Bonsoir

 

Je remercie d’abord Alain Beauchet d’avoir pris la peine de répondre à ma critique et d’avoir donc reconnu son intérêt. Si elle était sans intérêt, pourquoi se fendre d’une réponse détaillée ? Parce qu’il est possible que mes remarques recèlent une vérité, confirmée involontairement par Stéphanie Ruffié qui réduit votre spectacle à sa dernière partie ; mais vous vous gardez bien de lui faire grief de cette réduction puisque son discours vous arrange. La vérité sous-jacente est celle-ci : le vrai point excitant de ce spectacle n’est pas la démocratie, la critique de la xénophobie, la fraternité ; tout cela, plein de spectacles l’évoquent et ça constitue un sol commun, presque un conformisme politique ou moral dans les arts de la rue (un point de ralliement et l’objet d’un consensus bien-pensant). Non, le vrai point excitant, ce qui attire le public, c’est la poudre de couleur, qui est un vrai point distinctif, un marqueur (c’est le cas de le dire) qui différencie votre spectacle des autres.


Car un discours, mis en scène chorégraphiquement et musicalement, sur « la communion », sur « la stigmatisation, le rejet, et la peur de "l'autre" », on l’a vu cent fois. Le fameux fond que j’aurais dû considérer est banal, et l’impression de déjà-vu, déjà entendu, déjà vécu, n’a pas été modifié par la chorégraphie et la musique que je qualifie d’insipides, c’est-à-dire sans saveur, peu originales. L’analyse de S. Ruffié, en faisant comme si le spectacle ne consistait qu’en aspergements de poudres de couleur, confirme mon hypothèse : le vrai objet désirable est là, et pas dans ce discours maintes fois ressassé.


Je crois que votre effort, long et insistant, vise à annuler ma critique précisément parce qu’elle risque de mettre en lumière l’aspect embarrassant suivant : si le spectacle, dépouillé du banal initial, se réduit à l’aspergement et si c’est juste ça qui est le cœur, la vibration, le plaisir, bref l’intérêt du spectacle, on peut alors se demander en quel sens il y a inspiration. La controverse, si l’on écarte les injures et les contresens, porte sur le sens à donner à ce terme.


C’est là que ma question portait le fer : ce spectacle consiste finalement à emprunter un fragment et à le transposer dans un autre contexte, européen (traduction possible de « inspiration »). Quelle est la signification politique, historique et culturelle, d’un tel emprunt ? Quelles sont les conditions sociales de ces emprunts ? N’est-il pas clair que la référence à la Holi fonctionne à la fois comme un producteur de légitimité (le recours à une autre culture est valorisé dans la production artistique contemporaine et spécialement dans les arts de la rue, plus moins déterminés par l’opposition à la culture bourgeoise, plus « puriste ») et comme producteur de curiosité et d’excitation (avatar de l’exotisme, ce dernier étant l’un des aspects de l’orientalisme, ce grand opérateur de domination intellectuelle inventé par l’Occident afin de dominer l’Orient ; cf. Edward Said, L’Orientalisme).


Je me suis contenté de rappeler que les rapports entre Occident et Orient n’ont jamais été et ne sont toujours pas pacifiés, égalitaires ni fraternels, contrairement à ce que vous affirmez les uns et les autres. Affirmer que la colonisation est terminée, que je dispose d’un logiciel d’attardé, c’est tout simplement nier l’histoire : que faites-vous de ce qu’on a appelé le néo-colonialisme, du fait que, aujourd’hui encore et toujours, les pays orientaux vivent sous une forte pression occidentale, voire militaire, etc. ? Et c’est moi le « négationniste » comme vous dites avec nuance et modération ?


Cet emprunt qui serait du type de l’inspiration est un rapport politique : tout objet ou acte culturel est en même temps politique (le nierez-vous ?). Vous dites : « Le monde est mon village, j'y ai des amis partout » ; je lis cette phrase comme un discours idéologique qui vise un mythe, celui de la fraternité universelle, du grand partage, de la grande égalité culturelle. C’est beau mais c’est un mythe. Les Occidentaux dominent les Orientaux, ou s’efforcent de le faire, et continuent le travail de pillage commencé à la Renaissance et amplifié à partir de 1800. À cela vous ne répondez rien que du personnel (cela n’est pas valeur mais n’a pas de portée sociale bien nette) et du bien-pensant (ils se défendent comme des grands, on s’aime, etc.). Ma critique consistait à souligner ce qu’il ne faut pas dire, ce qu’il est scandaleux de reconnaître : l’inspiration de The color of time à partir de la Holi est en réalité un emprunt réductif, qui efface quasiment la source réelle, et auquel vous avez adjoint une chorégraphie et une musique comme on en a vu des dizaines de fois, le tout encadré par un discours bien-pensant sur la fraternité, etc. Il n’y a guère d’invention ou sa part est faible. Ce que les spectateurs viennent chercher, c’est la poudre de couleurs et ils languissent jusqu’à ce qu’elle apparaisse, jusqu’à « l’explosion de joie » (cf. le programme du festival dont vous avez rédigé sans doute la page correspondante), c’est-à-dire l’aspergement tous azimuts. Ce que confirme S. Ruffié. C’est donc du pillage, telle était ma conclusion, pillage qui etc., Goody (et maintenant E. Said, collègue philosophe venant d’un pays opprimé et pillé par l’Occident…). Le mot pillage est irritant j’en conviens mais, comme tout discours critique, il n’est qu’une hypothèse et souligne une impression de pauvreté créative.


 « Parlez-nous de… » Cette phrase, maintes fois répétées, précède l’énoncé de vos intentions, de votre lecture, etc. Mais je n’ai aucune raison d’obéir à cette injonction. Vous proposez un spectacle, je vois ce spectacle (et je vous assure que je l’ai vu, que j’ai joué des coudes, etc., que je n’ai pas pris ni distance ni fuite, beaucoup d’artistes de rue peuvent témoigner que je suis les spectacles, même à vive allure) et je produis une analyse de ce que j’ai vu, et donc je n’ai pas à répéter votre discours. Si la bonne critique consiste à répéter ce que l’artiste dit de sa proposition, il n’y a plus de critique ni non plus de spectateur. Vous me faites des leçons de démocratie : mais exiger du critique qu’il fasse le perroquet, ou qu’il tienne compte absolument du discours sur le spectacle, c’est nier l’égalité fondamentale de l’espace artistique, c’est nier le droit à la parole et la liberté de parole, la franchise, bref c’est nier la démocratie (oui, c’est de la rhétorique).


M’accuser de mensonge (« Vous maquillez, travestissez et mentez ») est ridicule : je dis autre chose que vous parce que je ne suis pas vous et que je fais de la critique et des textes sur les arts de la rue depuis 1993 (dont plusieurs n’ont pas paru sans intérêt, et pas seulement parce que, depuis 23 ans je défends, analyse et soutiens les Arts de la Rue) et que je m’efforce de proposer des critiques, parfois féroces, mais pourquoi n’aurais-je pas le droit à la rhétorique ?


Que vous ne soyez pas d’accord ne me fait aucun problème. J’énonce mon analyse, x ou y réagit. Vous rappelez, en tant que artiste, votre position, vos intentions, votre projet, mais il est déraisonnable de vouloir que je partage vos discours (je ne dis rien de vos intentions). Chacun est à sa place. Chaque lecteur spectateur se fera ensuite son idée et les insultes personnelles ne changent rien au fond du problème : si l’on veut éviter des critiques « négatives », il faut migrer sous une dictature ou bien faire taire les critiques, ou les soudoyer. Mais il faut se calmer et éviter de tout mélanger[1]. D’ailleurs, je vous remercie de votre réponse, car elle m’a permis de préciser ce que j’avais énoncé de manière elliptique et elle a l’intérêt d’ouvrir un débat sur la question de l’inspiration.


Et vos efforts de disqualifications (« blog nombriliste d'ordinaire si bavard et prétentieux », « narcissique », « négationniste », « vomir » etc.) rejoignent un message de mort énoncé, après des insultes sans aucun argument, par P. Capitani « Qu’il fasse un geste pour la planète, qu’il se suicide ». Oui, j’ai bien rigolé moi aussi (cependant ce musicien, dans sa colère, ne donne pas le lien vers le texte complet et ferme les commentaires ; comme démocrate, on fait mieux). Mais je suis tout de même un peu inquiet de la violence des propos ad hominem. Moi je n’ai attaqué personne, je n’ai insulté personne (que l’on me montre une seule phrase), j’ai critiqué un spectacle, une proposition artistique particulière. Beaucoup de mes objecteurs ont lancé des injures personnelles tout à fait caractérisées et, en tant qu’argument, nulles (l’un d’eux, musicien pour Artonik me compare au charmant Zemmour ou bien écrit « sans doute attouché par son père dans son enfance », un autre me dit « Delfour crématoire »… Bravo ! ça vole haut).


D’où vient cette violence ? Peut-être de l’atmosphère de fascisation de l’espace public depuis l’assassinat des dessinateurs de Charlie Hebdo. La promotion du fascisme opérée indirectement par cet assassinat n’a pas été freinée par la proposition d’identification confuse (le slogan « Je suis Charlie). Devant une telle violence (les assassinats puis la violence fasciste puis la violence de la récupération d’État), c’est-à-dire devant de telles menaces de division de la société, on semble avoir besoin de retrouver du lien et donc d’écraser ce qui semble nuire à ce lien. Peut-être S. Ruffié l’a pointé : « Quand tout le monde saute et danse, on boit pigment, on rejette pigment, on vit pigment » et la fin de sa critique insiste sur le lien social, etc. Cette citation me semble caractérisée par un confusionnisme régressif et défensif typique du fameux « Je suis Charlie ».


Peut-être que The color of time peut fonctionner comme une image de la société pluraliste précisément du fait du triomphe latent des politiques monochromes (blanc colonial, brun fasciste, etc.). Mais la pauvreté sobre de cette imagerie polychrome fait un écho embarrassant avec la pauvreté violente des puristes, des anti-métissages, des autoritaires. S’asperger de couleur, ça va pas suffire. Je reçois cela comme une dépolitisation au profit d’un sentiment moral voire seulement affectif, à portée religieuse, c’est-à-dire sans effet politique, de grégarité menacée : comme un troupeau effaré et qui se serre contre lui-même.

Bien à vous

Jean-Jacques Delfour

 



[1] Un lecteur me dit que rapprocher Holi et Carnaval est une insulte (et vous aussi Alain Beauchet, une erreur de ma part) ; je réponds que je ne confonds pas Holi et Carnaval, je fais juste une analogie (j'ai lu que les différences entre les castes passaient au second plan dans la Holi tout comme était renversée la domination de classe dans le carnaval médiéval). Carnaval n'est aucunement une insulte, mais un terme désignant une pratique médiévale bien documentée (cf. par exemple le fameux livre de Le Roy Ladurie).


Le 9 septembre 2015 08:56, Alain Beauchet < " target="_blank"> > a écrit :
Cher Monsieur Delfour,

Veuillez m'excuser pour cette réponse tardive, mais nous étions encore en tournée après notre passage au festival d'Aurillac.
Aussi, je profite de quelques jours de calme avant de repartir jouer les dernières représentations de la saison de The color of time, afin de réagir à vos propos.

Vous affirmez dans la réponse que vous faites à Madame Selig, je cite: 
"J'ai vu le spectacle en entier (bien que serré dans une foule compacte) mais ce n'est pas ce qui a suscité une analyse qui prend du recul...".

C'est vrai que c'est pénible ces spectacles en déambulation ou on ne voit rien, ou il faut attendre des heures au soleil, jouer des coudes pour apercevoir des bribes d'images, où l'on est sans cesse bousculé par son voisin dont if faut supporter la transpiration, où il faut éviter le mobilier urbain, contourner les punks à chiens parce-que quand même, des fois il font peur... 
Le frontal en fixe, c'est tellement plus confortable pour le spectateur, surtout à l'ombre.

Mais à force de prendre du recul à défaut de hauteur, vous ne parlez que de l'apparence.

Vous commencez votre "analyse" par, je cite: "Ce spectacle s’inspire de la fête religieuse « Holi », une sorte de carnaval indien, un sacre du printemps. »
Certes nous nous inspirons de certains aspects de la Holi, mais cela ne constitue pas le propos de ce spectacle.

Alors parlez nous du fond Monsieur Delfour.

Parlez nous des douze personnages, de ce qu'ils disent de notre société, de son repli sur elle même, de la peur de "l'autre".
Parlez nous de leur contribution au débat démocratique, de leur jeu au plus près des spectateurs, de la dramaturgie, de la mise en scène, du propos, de l'intention, du travail de corps, de celui du son, parlez nous de la place du spectateur.
Parlez nous de son plaisir à communier et de son besoin de prendre la rue pour y manifester un éclat de joie pacifique et fraternel quelques soient les différences d’âge, de classe ou d'origine.
Livrez-moi une analyse brute, et sans recul cette fois, du spectacle dans son ensemble, comme vous le faites pour les autres productions que vous abordez.
Car voyez-vous, ce que vous nous dites de cette proposition est un peu court, voire complètement réducteur, et je pèse mes mots.
Le post le plus court de votre blog nombriliste d'ordinaire si bavard et prétentieux.
Je vous accorderais volontiers le droit d'estimer qu’il n’y a dans ce spectacle que pillage au détriment de l’invention si vous vous exprimiez sur le tout, ce qui n’est malheureusement pas le cas.
Mais en l'absence, je continuerai de penser que, bien que présent à la représentation et à force de prendre du recul, vous n'avez pas vu le spectacle, englué dans la friction urbaine, dans ses mouvements de foule, et trop (cul) serré pour parvenir à vous y mêler franchement, préférant vous en extraire renonçant à la représentation, observant vaguement à la marge.
À moins que vous n’y soyez venu avec votre papier déjà en tête, et l’idée préconçue qu’il ne pouvait être qu’un pillage culturel, ne cherchant à y trouver que ce que vous vouliez y voir pour parvenir au même résultât.

Dès lors deux problèmes ont surgi.
Le premier, comment ne pas parler d'un spectacle qui rassemble cinq mille personnes à Aurillac?
Le second, comment en parler quand on ne l'a pas vu?

Pour vous la solution est simple, elle consiste à ne pas parler du spectacle, en choisissant un angle étroit, partisan et à charge pour faire votre intéressant, tout en feignant je cite: " une analyse qui prend du recul".

Nous savions en présentant The Color of Time à Aurillac que nous serions exposés à la critique, c'est le jeu, surtout pour un spectacle qui tourne pas trop mal.
Mais ce que vous publiez dans votre blog n'en n'est pas une critique.

Le problème Monsieur Delfour, c'est qu'en focalisant sur la Holi, sur son supposé pillage culturel par nos soins, vous nous livrez une version volontairement tronquée du spectacle, impropre à éclairer le lecteur.
Vous réinventez vous même la réalité de la représentation, de son sens et de son écriture.
Car encore une fois Monsieur Delfour, nous ne parlons pas de la Holi.
Nous parlons de la stigmatisation, du rejet, et de la peur de "l'autre".
Ce faisant, vous devenez auteur de ce que vous dénoncez. Vous maquillez, travestissez et mentez pour "imposer votre récit au reste du monde".
En occultant le véritable propos de ce spectacle, en occultant volontairement l'existence d'autre chose que l'inspiration à la Holi, en réduisant notre travail à une entreprise de pillage et de destruction méprisante, en nous prêtant des intentions qui ne sont pas les nôtres mais qui vous arrangent, vous réinventez la réalité, et vomissez un papier que je qualifierai de "négationniste", non pas au sens du néologisme désignant la négation de la Shoah, mais au sens métaphorique du terme.
En organisant cette négation et en publiant ces propos, vous insultez par ailleurs l'ensemble des partenaires qui depuis 2013 ont accompagné et accueilli ce spectacle, vous en méprisez également les publics.

Oui nous empruntons à une forme culturelle traditionnelle pour servir un propos parce-qu'elle lui apporte du sens, et non pour en réinventer la forme ou en travestir la signification.
Si je ne nie pas les pillages de la colonisation, ce spectacle ne répète pas la condescendance des colonisateurs devant l’arriération présumée des colonisés comme vous l’affirmez.

Nous parlons ici de mixité sociale, culturelle, religieuse, de partage, et de tolérance.
Parlez nous Mr Delfour des interprètes de ce spectacle.
Ils sont tous différents, d'origine française, malgache, coréenne, marocaine, cambodgienne, sénégalaise, antillaise, bolivienne, syrienne...
Parlez nous Monsieur Delfour des personnages de ce spectacle.
Ils sont musulmans, homosexuels, clochards, drogués, pauvres, migrants, marginaux, ou plus exactement des personnages marginalisés, exclus, que la société stigmatise et rejette.
Qu'avez vous vu de cela?
Qu'avez vous à dire de leur collaboration à travers ce spectacle aux transformations de la société?
Le monde a changé Mr Delfour, mais votre logiciel a buggé dès la colonisation, au début de l'ère industrielle et de la lutte des classes, ou à la révolution numérique, j'hésite...
Le monde est mon village, j'y ai des amis partout.
Il est perméable, les cultures également.
Comment pourrait on considérer l'apport des cultures étrangères bénéfiques pour notre société, notamment grâce à l’apport de l’immigration et de la mixité culturelle, et s'interdire le droit de s'inspirer d'elles sous prétexte de les piller?

En ce qui concerne la Holi, vous voulez la encore nous faire croire à votre image fantasmée, et une fois de plus idéalisée de cette fête religieuse, qui je vous l'assure n'a rien d'une riche cérémonie. 
Ici c'est l'Inde, c'est de l'hyper trash Monsieur Delfour, bien loin des studios feutrés de France Culture, ou des couloirs climatisés de Médiapart ou Libé. 
Rien non plus d'un carnaval, et symboliquement absolument rien d'un " sacre du printemps" comme vous l'écrivez cependant, où êtes vous allé chercher cela?
En revanche, durant cette fête et le temps d’une journée, les castes n’existent plus et chacun devient l’égal de l’autre...
Révisez vos notes Monsieur Delfour.

Je continuerai donc de m'asperger de poudre colorée, et de participer à cette grande partouze fut-ce t'elle anale et régrèssive selon vous, avec tous les publics du monde qui partageront avec nous le bonheur et l'espoir d'être ensemble, égaux, sans distinction de couleur, d'origine, de classe, d'âge, de religion ou d'orientation, ne serait-ce que quelques instants, ne serait-ce que pour croire que vivre ensemble est possible.
Je continuerai à m’opposer à toute forme de racisme, toute idée sectaire, toute forme d'exclusion, tout ce dont vous n'avez pas pu parler, même en empruntant à une culture étrangère si cela contribue à servir ce propos.

Je suis né en 1963 à Conakry en Guinée, d'un père ayant fait son service militaire comme coopérant à Gao au Mali et d'une mère coiffeuse qui le rejoindra pour l'épouser.
La colonisation française n'est pas mon histoire, pas plus que la colonisation anglaise n'est l'histoire des anglais de ma génération.
Cela fait partie de l'histoire de nos pays, nous ne devons pas l'ignorer, mais cela ne doit en rien nous rendre citoyens individuellement responsables, et encore moins coupables de cela. 

Je vous laisse à votre selfy-blog narcissique (pléonasme) qui n'intéresse que peu de monde mais qui héberge en revanche, nombre d'annonceurs de cette société consumériste que vous dénoncez tant. 
Quel paradoxe non? 


Bien à vous.


Alain Beauchet:  
ARTONIK


Le 25 août 2015 à 11:38, jean-jacques delfour a écrit :


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