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Re: [rue] Pourquoi il faut supprimer les administrateurs de spectacle vivant


Chronologique Discussions 
  • From: Franck Halimi < >
  • To: Liste Rue < >
  • Subject: Re: [rue] Pourquoi il faut supprimer les administrateurs de spectacle vivant
  • Date: Sat, 1 Jul 2017 10:58:29 +0200

Salut, c'est Franck de Bourgogne.

Le regard porté par David dans ce texte qui prône la mort des administrateurs de compagnies de spectacle (encore) vivant est empreint de lucidité dans l'observation, de bon sens dans l'analyse et de courage dans la solution (même si cette dernière peut apparaître comme quelque peu extrême).

Certains des membres des Coordinations des Intermittents et Précaires (CIP) ont porté ce sujet au débat depuis 2003, en avançant (entre autres arguments) qu'il semblait complètement con de pérenniser des postes administratifs au sein des compagnies, quand ceux qui en étaient les instigateurs, les moteurs et l'âme (les artistes) restaient confinés dans la plus grande précarité qui soit.

Cela fait bien longtemps que (bien que la lisant scrupuleusement), je n'étais plus intervenu sur cette Liste Rue.

En fait, depuis près d'une année.

Depuis que notre lutte était parvenue à faire plier le gouvernement de Manu "militari" Valls, en le contraignant à appliquer un décret (en date du 1er août 2016) faisant revenir les annexes 8 et 10 dans un cadre beaucoup plus adapté aux réalités du terrain de nos métiers.

Et pourquoi je ressors ce "fait d'armes" maintenant à propos d'une toute autre question ? Hé bien parce que je crois qu'il va nous falloir remonter au créneau dans le champ des luttes sociales.

En effet, le 4 mai dernier, à 3 jours du second tour de l'élection présidentielle -qui à vu Macron 1er devenir "notre protecteur éternel"- est sorti un décret, signé par Myriam El Khomri (encore Ministre du Travail), dans l'indifférence générale, tant l'écran de fumée médiatique provoqué par l'élection présidentielle était épais.

Et ce décret d'une dégueulasserie sans nom fut, en réalité, la 1ère ordonnance de Macron 1er. Car la convention d'assurance chômage qu'il entérine va s'avérer être une horreur et un piège pour les plus précaires, pour les femmes et pour les séniors.

Mais, lorsque tout un chacun en prendra conscience et viendra s'en plaindre, notre nouveau monarque pourra arguer que ce texte est passé alors qu'il n'était encore point en place (stratégie politichienne de haute volée).

Et que dit ce décret ? Hé bien vous pourrez le savoir en lisant cette tribune parue le 28 avril dernier (=> avant l'élection) dans Politis, par mes copines Hélène Crouzillat (des Matermittentes) et Rose-Marie Péchallat (de Recours Radiation), toutes 2 membres de la Coordination Nationale des Intermittents et Précaires.

Voili. Maintenant que j'ai fait mon petit tour incontournable de "prêchi-prêcha des droits sociaux", je peux donc revenir au sujet premier de ce courriel.

En tant que metteur en zen et coordinateur artistique d'une structure socio-culturelle qui monte :
     - des projets artistiques (=> des spectacles), tant dans l'espace public que dans des lieux "adaptés" ;
     - des projets culturels et artistiques en prise directe avec le social ;
     - de la médiation culturelle dans des endroits ou arts et cultures (au pluriel et avec des minuscules) ne vont pas de soi (quartiers, prisons, hôpitaux, zones dîtes "blanches",...) ;
je passe un temps fou à me débattre avec toutes les préoccupations parfaitement délimitées par David.

Cela fait des années que je me tape ces putains de dossier de merde pour pouvoir être dans les clous et arracher quelques milliers d'euros à ces institutions qui détiennent les cordons de notre bourse d'argent public. Des années que je passe sous les fourches caudines et les interrogatoires suspicieux de commissions d'experts, qui décideront de la faisabilité (ou non) de mon prochain spectacle. Des années que je me retrouve dans une merde sans nom lorsqu'une promesse de subvention n'est pas tenue ou voit son montant drastiquement réduit sans raison aucune alors que le boulot est lancé...

Bref... et si je me tape tout ça, c'est parce que j'ai toujours eu conscience qu'il était essentiel de garder la plus grande partie de la manne financière que nous arrivions à lever, pour l'artistique et le technique. L'administratif m'étant, de tout temps, apparu comme étant la 3e roue de la charrette.

C'est la raison pour laquelle je ne peux que partager la vision extrêmement lucide et pointue de David. Et même si sa solution peut apparaître un tantinet drastique, elle a le mérite d'ouvrir une discussion essentielle. Car il était bien temps que quelqu'un porte ces fers-là au feu !

En tout cas, voili enfin un débat qui me donne envie de participer de nouveau activement à cette Liste Rue...

Bravo et merci, David !

Voili.

Ami calmant.

@+ Franck de B.
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Le 1 juillet 2017 à 10:32, cacahuete < " target="_blank"> > a écrit :
Bravo David,

Il était urgent que quelqu’un l’exprime .
Tu l’as fait et bien. Je le découvre.
On ne peut qu’encourager la profession à prendre en compte ce discours et en tirer les conséquences qui s’imposent.
Administrateurs, chargés de prod, artistes, comptables, élus et surtout bureaucrates des institutions culturelles ce message s’adresse à vous tous.

Et il est urgent de réfléchir à des actions communes et concertées. ( Greve des dossiers de sub, refus des commissions d’expertises pipées, refuser de rencontrer des gens de bureau déconnecter de la réalité artistique, mobiliser et pousser des élus culture à défendre cette cause )
C’est vital , votre avenir , votre vie d’artiste, de comédien est en jeu .
Retrouver et redonner du sens à notre profession tel est cet enjeu.

Pascal Cie Cacahuete




J'écris ceci en tant qu'administrateur de production oeuvrant dans le spectacle vivant depuis une dizaine d'année. Issu de la vague des formations professionnalisantes des années 2000, je me réjouis d'avoir pu trouver autant de travail à si peu de frais, tant l'administration est devenu une contrainte et une nécessité si absolue dans nos compagnies, nos structures, nos lieux, notre sens.

J'écris ceci suite à une rencontre de présentation de l'association Lapas (réseau des professionnels de l'administration du spectacle) aujourd'hui à Montpellier qui veut favoriser et mettre en avant cette profession, et créant pour nous, exerçant ce métier, un espace d'échanges et de rencontres pour mieux l'exercer. Association que je compte rejoindre, pour mieux éviter encore le renforcement du pouvoir administratif dans notre secteur artistique.

Et parce qu'aujourd'hui, à la veille de l'application du protocole d'accord sur l'assurance chômage 2017, premier pas vers nos futurs drames, il me semble important de prendre la parole.


Pourquoi il faut supprimer les administrateurs de spectacle vivant ?

Parce qu'ils ne sont que la résultante de cette logique comptable qui nous domine et préside à nos projets, à notre travail. Parce qu'ils ne sont devenus à force d'expertise et de nécessité qu'une contrainte à la réalisation de l'acte artistique, une obligation dans le processus qui freine, restreint, et contraint l'artiste et le propos. Parce que la lecture comptable est devenue la seule variable prise en compte dans les relations avec les institutions, avec les partenaires, et qu'ils sont devenus les garants du respect de cette contrainte.

Parce qu'ils sont devenus la caution des institutions en anticipant de part leur métier les demandes administratives de plus en plus aberrantes de celles ci et en forçant les compagnies a se plier à ce moule, à tordre le projet pour rentrer dans les cases des lignes budgétaires et déformer sous le couvert de leur accompagnement l'acte et le propos artistique de l'artiste pour lui permettre d'accéder à la reconnaissance financière de leurs homologues institutionnels bien fort aises de leur position de pourvoyeurs de financements. Ils sont devenus caution en étant la preuve de la structuration obligatoire et demandée de nos compagnies, devenus non crédibles sans ces postes si désirés par nos financeurs.

Parce qu'ils se font complices, par la recherche de l'application pure et simple du règlement, de la loi, sans recul, sans compréhension du rapport à l'autorité, sans remise en question de celle ci, de la destruction petit à petit de toutes ces petites structures perdues et désolées face à la purge qui s'opère en se moment dans notre secteur des suites des « simplifications » administratives, des états d'urgence, des restrictions, des demandes grandissantes de « résultats » après projets. Complices aussi en formatant de l’intérieur des créateurs libres et jugés trop « grandes gueules » pour plaire, et remplir les cases...

Parce que pour beaucoup, ils ont oublié qu'avant d'être les garants du règlement, ils étaient les traducteurs de l'acte artistique en parlé administratif pour qu'une fois le contact et l'échange humain fait, alors se déroulait de manière formelle l'échange de papiers. Et non avant la réalisation du projet. Ils ont oublié que le parlé administratif ne devait être la résultante que de la décision politique et non sa condition sine qua none. Ils ont oublié qu'ils étaient là aussi pour remettre en cause les arguments spécieux, faciles, de formes, qui servent de prétexte a autant de décision fatales à bons nombres de compagnies, de projets, de festivals.

Ils ont de part leur position d'experts dans les structures oeuvré malgré eux à faire des directeurs artistiques, des porteurs de projets, des rêveurs, des créateurs, des poètes, des auteurs, des artistes, des chefs d'entreprises.

Passant le plus clair de leur temps à gérer des papiers, des dossiers, des budgets, plutôt que de se consacrer à leur réalisation artistique.

Combien de directeurs artistiques se sont faits des crises de nerfs face à des papiers qu'ils ne comprenaient pas ? Mais ont plus eu peur et obéis que pu les déchiffrer et s'apercevoir de leur non sens ?

Parce qu'ils portent au sein même des compagnies ces logiques comptables pour les appliquer dans nos structures, et ne portent pas le fer dans les institutions pour contrer cette logique. Les administrateurs sont devenus malgré eux les chiens de garde du système en forçant les compagnies à jouer ce jeu de l'intérieur. Et non en combattant ces logiques en mettant justement leur expertise face aux comptables des institutions.


Pourquoi il faut supprimer les administrateurs de spectacle vivant ?

Pour forcer les institutions, les partenaires, a revenir parler avec les artistes de projets et d'art, de culture, de peuple, des gens, des personnes. Et non plus de publics quantifiables. Non plus d'indicateurs de retombées. De résultats comptables.

Il faut supprimer les administrateurs pour supprimer les indicateurs chiffrés en créant la pénurie. En créant l'obligation pour ces techniciens de la culture d'état d'aller sur le terrain pour savoir ce qui a été fait de l'argent public.

20 ans que nous sommes gavés à l'obligation de quantifier nos résultats, obligation qui a favorisé l'émergence de ce métier nécessaire à cette quantification, rendant obsolète l'expertise de personnes de terrain, de regards humains.

Il faut supprimer ce métier pour rendre leur dossier de demandes de subventions qui nécessitent tant d'heures de travail inutile, inutiles justement. Comment expliquer que pour obtenir 1000 euros de subvention, il faille en dépenser 500 en temps de travail d'un administrateur pour remplir le dossier ? Et 500 autres encore pour remplir les dossiers de bilans ? Et tout ça pour produire des tableaux qui ne seront compréhensibles que par d'autres administrateurs ? Qui ne serviront à aucune réelle analyse de la portée de nos actions ? Ne refléteront rien de la réalité de l'impact de nos travaux et de nos créations sur les territoires que nos compagnies traversent à longueur d'année ? Dont ne resteront que des notes de bas de page dans des dossiers couverts de poussières dans des étagères trop étroites remplies de notes administratives dans les archives de nos tutelles ?

Il faut supprimer les administrateurs du spectacle vivant pour arrêter de penser avant la création aux coûts, aux lois, aux contraintes à venir et redonner de l'air aux créations qui deviennent toujours plus petites, plus légères, plus faibles.

Il faut supprimer les administrateurs du spectacle vivant pour soulager le fardeau des créateurs de compagnies de cette omniprésente charge de travail, de ce stress du couperet administratif, de cette gabegie d'énergie insensée que les directeurs et directrices de compagnies subissent avant même de faire leur premier cachet.

Il faut supprimer les administrateurs du spectacle vivant pour arrêter de faire peur aux nouveaux créateurs et aux jeunes, prochaine génération, futures vieilles gueules de nos secteurs artistiques.

Il faut supprimer les administrateurs du spectacle vivant pour que la décision politique soit faite sur des choix politiques et non plus sur des analyses comptables.

Il faut supprimer les administrateurs pour revenir à des gens qui portent avec les artistes des projets et sont justes là pour les exprimer dans les rares papiers de formes demandés.

Il faut supprimer les administrateurs pour revenir aux simples nécessités d'un secrétariat comptable limité.

Il faut supprimer les administrateurs pour qu'on ne parle plus jamais de cadre, de loi, de contrainte budgétaire, d'obligation administrative mais avant tout de la raison d'être de notre action.

Il faut supprimer mon métier, car je ne peux pour l'exercer que voir mourir tous ceux qui ne peuvent me payer, moi ou mes collègues administrateurs et administratrices, mourant de leur incapacité à répondre aux demandes administratives...

Et ça fait beaucoup trop de monde à mon goût.


Il est grand temps à mon sens que les administrateurs et administratrices du spectacle vivant se réveillent un peu et défendent, forts de leur regard et expertise, et de leur maîtrise des mots et des lois, nos structures et les artistes pour porter la bataille qui nous attend pour nos libertés dans l’espace public.


David Cherpin
Administrateur de production
Cie Albedo
Cie Cacahuete
Les Nuits du Chat



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